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Sandrine Henrion : La chronique juridique d’avosial

Chroniques | publié le : 19.11.2018 | Sandrine Henrion

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Sandrine Henrion : La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Sandrine Henrion

Clause de non-concurrence : La jurisprudence se construit

Dans son arrêt du 12 novembre 2018, la Cour de cassation vient limiter au délai contractuel restant à courir le terme au-delà duquel la clause de non-concurrence non levée lors d’une mobilité intragroupe pourra être réactivée.

La clause de non-concurrence, en ce qu’elle restreint la liberté de travail des salariés, a fait l’objet d’un contentieux important, qui a permis d’en délimiter les conditions de validité. La jurisprudence a soumis sa licéité à un certain nombre de critères désormais bien établis selon lesquels « une clause n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives »1.

Toutefois, dans le cadre d’une mutation intragroupe résultant d’un protocole tripartite entre le salarié et les deux employeurs successifs, le devenir de la clause de non-concurrence prévue par le contrat initial a posé des difficultés lorsque celle-ci n’avait pas été levée lors de la rupture du contrat de travail initial.

Depuis un arrêt du 3 juin 1997 (n° 94-44.848), la chambre sociale de la Cour de cassation a clairement établi que, dans cette hypothèse, la clause de non-concurrence non dénoncée ne s’appliquait pas lorsque les deux sociétés ne sont pas dans une « situation réelle de concurrence, mais appartiennent au même groupe économique ». La juridiction a ensuite précisé que la clause ne reprenait ses effets normaux qu’à partir du jour où le contrat de travail du second employeur a été rompu2. Cette suspension est donc temporaire puisque la clause est réactivée du fait de la rupture du second contrat. Pour éviter d’avoir à verser l’indemnité de non-concurrence, le premier employeur doit faire attention à lever l’interdiction de non-concurrence lors de la rupture du premier contrat, voire du second contrat s’il en a connaissance. En l’espèce, un directeur commercial est transféré le 30 juin 2007 dans une autre société du groupe. La clause de non-concurrence le liant à son premier employeur prévoyant de s’appliquer pour une période de deux ans moyennant le versement d’une contrepartie financière égale à 50 % de sa rémunération mensuelle moyenne (soit 196 052 euros, ainsi que les congés payés afférents) n’est pas levée. Un protocole tripartite est conclu et un nouveau contrat de travail est signé avec son nouvel employeur.

Le 31 janvier 2010, son second contrat de travail est rompu par la signature d’une rupture conventionnelle et le salarié se prévaut, à juste titre, de cette jurisprudence afin de bénéficier de la contrepartie financière liée à l’interdiction de concurrence pour une durée de deux ans à compter de la rupture de son second contrat. Par son arrêt du 12 septembre 2018, la Cour de cassation déboute le salarié de sa demande et fixe ainsi un terme au-delà duquel la clause de non-concurrence n’a plus vocation à s’appliquer. Elle précise ainsi que si la clause de non-concurrence reprend ses effets normaux à partir du jour où le contrat avec le second employeur a été rompu, le délai contractuel de deux ans pendant lequel le salarié ne pouvait exercer d’activité concurrente ne peut être reporté ou allongé.

Il n’y a, par conséquent, pas de suspension d’application de la clause pendant l’exécution du second contrat de travail, mais uniquement l’absence des obligations de non-concurrence et du versement de la contrepartie financière. Si le second contrat de travail est rompu avant la fin du délai, l’obligation de non-concurrence revit pour le temps restant à s’écouler. En revanche, comme dans cette affaire, si le délai est expiré, l’indemnité de non-concurrence n’est pas due. Cette solution logique réduit significativement le risque de voir les salariés réclamer le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence à son premier employeur plusieurs années après avoir quitté la société suite à une mobilité intragroupe, alors même que le risque de non-concurrence est moindre ou à complètement disparu.

(1) Cass. soc. 10 juillet 2002, n° 00-45.387, n° 00-135 et n° 99-43.334.

(2) Cass. soc. 29 janvier 2014 n° 12-22.116.

Auteur

  • Sandrine Henrion