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Le manager est-il un loup pour le manager ?

Chroniques | publié le : 19.11.2018 |

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Le manager est-il un loup pour le manager ?

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Philippe Détrie la maison du management

Depuis la Comédie des ânes de Plaute, nous apprenons que « l’homme est un loup pour l’homme ». Pauvre loup ! Il a si souvent été le centre de légendes extravagantes qu’il a inspiré beaucoup d’expériences et de proverbes illustrant les travers humains : crier au loup, hurler avec les loups, se jeter dans la gueule du loup, faire entrer le loup dans la bergerie, quand c’est flou c’est qu’il y a un loup… Il est sûr que cette longue tradition orale ne le rend aucunement sympathique. D’autant que l’adage latin a été repris par le philosophe Thomas Hobbes pour illustrer sa réflexion : les hommes, s’ils restent à l’état naturel, c’est-à-dire sans État pour les diriger et leur imposer des limites, essaieront de prendre les biens et le territoire d’autrui et s’entretueront. Charmant programme…

Loup y es-tu ?

Il est en tout cas victime d’une peur ancestrale car les chiffres sont là. L’être le plus nocif pour l’homme sur terre est dans l’ordre :

• le moustique : 725 000 morts par an,

• l’homme : 475 000,

• le serpent : 50 000,

• le chien : 25 000.

Le loup est cité1 en 14e position avec 10 morts à son passif, comme le requin, mais cent fois moins que le crocodile.

On devrait tenir un jugement beaucoup plus sévère envers l’homme, qui arrive à tuer chaque année l’équivalent d’une ville comme Toulouse, quatrième ville de France par la population. Le traiter de loup revient à l’exonérer de ses méfaits, l’assimiler à un moustique serait bien plus juste mais tellement peu crédible ! Arthur Schopenhauer le confirme : « En cruauté impitoyable, l’homme ne le cède à aucun tigre, à aucune hyène. » Les guerres font assurément douter de notre humanité, le loup est un agneau comparé à l’homme !

Je n’ose pas dire revenons à nos moutons, mais d’où vient alors cette connotation si méprisante envers le loup ?

Pourquoi cette discrimination ?

On sait depuis longtemps que le loup est un prédateur carnassier, vivant et chassant en meutes organisées, selon une hiérarchie sociale stricte. Qu’il est impossible à apprivoiser et qu’il est connu pour sa voracité et sa gloutonnerie, le phoque a même été surnommé pour cette raison loup des mers, loufoque non ? (Désolé, c’est plus fort que moi.)

Les éleveurs se désolent aujourd’hui de la réintroduction de l’animal qui avait disparu en France depuis les années trente. Le coût de la préservation de l’espèce s’élève en 2017 à 11 741 bêtes tuées, soit trois fois plus qu’il y a dix ans2. On les comprend.

En fait, le loup est un danger non pas pour ses congénères mais pour ses proies. La méchanceté du loup s’est construite sur sa capacité à tuer un gibier fruit du travail de l’éleveur. L’analogie serait plus pertinente en choisissant des animaux cannibales comme certains têtards ou rongeurs. L’homme, un rongeur pour l’homme ?

Qu’en déduire pour notre management ?

Michel Serres nous apporte une réponse3 : « Nous devrions devenir des loups, ces animaux grégaires qui sont organisés en meutes au sein d’une organisation cohérente et rationnelle. » Il ajoute : « Les louves sont, notamment, des éducatrices admirables. La preuve, c’est que l’empire romain a été fondé par des jeunes gens qui ont tété sous le ventre des louves… Dans ce sens, l’homme est un loup pour l’homme, et c’est tant mieux. »

Alors, devenons des loups du monde moderne, pas pour leur caractéristique convenue de sauvagerie, mais pour leurs qualités de collaboration, de pédagogie et de proximité. Éduquons dès maintenant nos p’tits loups !

(1) Blog de Bill Gates : L’animal le plus mortel du monde : https://www.gatesnotes.com/Health/Most-Lethal-Animal-Mosquito-Week.

(2) In Le Monde du 19 février 2018 : Comment le loup a fait son retour en France.

(3) In Le Monde du dimanche 11 – lundi 12 septembre 2018.