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Organisation du travail : Le travail à temps partagé, une formule gagnant-gagnant

Le point sur | publié le : 05.11.2018 | Nathalie Tran

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Organisation du travail : Le travail à temps partagé, une formule gagnant-gagnant

Crédit photo Nathalie Tran

Ce nouveau modèle de travail connaît aujourd’hui un succès grandissant. Il séduit employeurs et salariés car il apporte de la souplesse aux premiers et une sécurité d’emploi aux seconds, tout en répondant à leurs aspirations de meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Tania à 58 ans, deux métiers et trois employeurs. Elle fait partie de ces 431 000 personnes qui exercent aujourd’hui en France à temps partagé. Il y a quatre ans, après avoir perdu son poste de directeur exécutif Finance et ressources humaines, qu’elle occupait depuis sept ans dans une petite structure où elle travaillait plus de douze heures par jour, elle éprouve le besoin de prendre du recul et de réinventer sa vie professionnelle. Bien consciente qu’à son âge elle aura du mal à retrouver une position identique, et souhaitant accorder une plus grande place à sa vie privée, elle se tourne vers le multisalariat. Grâce à CDME, une association de travail à temps partagé (TTP) qui assure la promotion de ce nouveau mode d’activité, elle décroche une mission RH à mi-temps en CDD dans une petite entreprise puis, concomitamment, un CDI à temps partiel dans une start-up qui l’embauche pour booster sa performance financière. « Il était important pour moi de conserver une diversité fonctionnelle et sectorielle », reconnaît-elle. Finalement, en août dernier, elle est sollicitée par une PME familiale pour accompagner son projet de transformation à raison d’une demie à une journée de travail par semaine. « Ces trois emplois mis bout à bout représentent un 4/5e, ce qui me laisse du temps pour profiter de mes trois enfants, faire du sport et me mettre à la peinture », explique-t-elle. Même si cette nouvelle façon de travailler lui demande de faire preuve d’organisation et d’adaptabilité au quotidien, elle apprécie le fait d’intervenir dans des contextes variés et d’enrichir, ainsi, son expérience professionnelle. Pour 33 % des personnes qui ont fait le même choix, la diversité des missions est un plus. L’autonomie (25 %) et l’équilibre vie professionnelle/vie privée (23 %) que confère le TTP* sont les deux autres avantages mis ensuite en avant.

Des professionnels qualifiés

Côté entreprise, des TPE-PME essentiellement, l’intérêt du travail à temps partagé est évident. Il leur permet d’accéder aux compétences d’un professionnel extrêmement qualifié, quelques jours par semaine ou par mois, à un coût maîtrisé. Ce n’est pas par hasard si le modèle gagne du terrain. Fréquemment utilisé dans le monde agricole où les exploitants se partagent souvent la même main-d’œuvre, le TTP concerne désormais pratiquement tous les secteurs et tous les métiers. De la gestion-finance au marketing en passant par l’informatique, les RH ou la supply chain. Depuis maintenant une quarantaine d’années, des groupements d’employeurs, des associations de cadres à temps partagé, des réseaux ou clubs d’indépendants, des sociétés de services spécialisées ou des entreprises de travail à temps partagé (ETT) fleurissent dans l’Hexagone, convaincus de la pertinence de ce mode d’organisation du travail. Des acteurs aux statuts multiples, mais dont la finalité est la même : répondre aux exigences du marché. Avec, d’un côté des salariés en quête de sens, qui ont changé leur rapport au travail, souhaitent varier leurs expériences et développer leur employabilité (89 % sont des cadres). De l’autre, des TPE et PME qui n’ont pas la nécessité ni les moyens financiers d’embaucher un collaborateur à temps plein, mais doivent s’adapter à un monde économique en évolution constante et de plus en plus rapide.

« Le salarié à temps partagé fait totalement partie de l’équipe, il est dans le faire, il gère le projet sur la durée, contrairement à un consultant qui, lui, propose uniquement des solutions à mettre en place. Sa présence profite à toute l’équipe et la fait grandir, car il s’appuie sur elle », distingue Marina Wissink, directrice générale d’Audevard, un laboratoire pharmaceutique spécialisé dans la santé équine.

Une formule souple et modulable

L’entreprise de 45 salariés a commencé à recourir au TTP il y a un peu plus de deux ans. « Nous avions besoin d’un DSI pour mettre en place un CRM et revoir tout notre système d’information, mais n’avions pas la capacité d’ouvrir un poste », explique-t-elle. Depuis, Audevard a intégré un directeur marketing et un DRH, tous deux à temps partagé. Idem chez Supratec. Ce groupe industriel de 200 salariés compte bientôt trois experts en temps partagé au sein de ses équipes : un spécialiste du marketing, un DSI et, bientôt, un directeur financier. Le TTP a permis à Supratec d’accompagner son repositionnement il y a environ trois ans. Spécialisé à l’origine dans le négoce technique, la société a alors changé de cap et s’est lancée dans la création de solutions innovantes destinées à l’assemblage, la sécurité des biens et des personnes et les écotechnologies. « Il a fallu renforcer rapidement nos effectifs et faire appel à des gens très compétents », explique Maxime Prieto, vice-président du directoire. Pour ce faire, l’entreprise s’est tournée vers le Groupe Référence, une société qui recrute et forme des cadres qu’elle met à disposition en temps partagé auprès de ses clients, auxquels elle facture le service tous les mois. « La formule permet de pallier le problème d’attractivité car il n’est pas forcément facile pour une PME comme la nôtre, située à Bondoufle (Essonne), d’accéder à des profils de ce niveau. Surtout, elle est souple et modulable. On peut augmenter ou réduire le temps de présence de la personne ou en changer si elle ne convient pas », précise Maxime Prieto. Un avantage certain. Car même si le fait de pouvoir bénéficier d’une expertise plus pointue (24 %)1 et avoir une meilleure maîtrise des coûts (21 %) comptent largement dans le choix des entreprises qui pratiquent le travail à temps partagé, pour 26 % d’entre elles, la flexibilité reste de loin l’attrait principal de ce nouveau mode de recrutement.

Un master RH « temps partagé » à Vannes ?

Pour répondre au besoin économique de la région, et implanter la fonction RH dans des petites structures, qui constitue majoritairement le tissu économique breton, l’université de Bretagne sud, via l’Institut du management, a créé en 2013 un master RH avec une spécialisation « temps partagé ». Le cursus, qui se déroule à Vannes, au niveau master 2, est le fruit d’un partenariat avec le groupement d’employeurs Vénétis (lire p. 14). Parrainé par le CRGE (Centre de ressources des groupements d’employeurs) Bretagne, la formation prépare des étudiants à exercer leur futur métier de RRH pour le compte de plusieurs dirigeants. Et ceci de manière très concrète, puisque celle-ci peut s’effectuer en alternance, sur le rythme d’une semaine de cours par mois et trois semaines en temps partagé, dans deux entreprises.

(1) Baromètre du temps partagé 2018

Auteur

  • Nathalie Tran