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Le fait de la semaine

QVT : La France s’éveille (enfin) au télétravail

Le fait de la semaine | publié le : 05.11.2018 | Lys Zohin

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QVT : La France s’éveille (enfin) au télétravail

Crédit photo Lys Zohin

Il y a un an, l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail assouplissait les règles du télétravail. La pratique tarde à s’implanter en France alors que, selon la dernière étude d’OpinionWay, les salariés sont demandeurs.

Les chiffres varient selon les enquêtes, mais 15 %, voire 25 % des salariés français pratiqueraient aujourd’hui le télétravail, de façon régulière ou plus ponctuelle. C’est peu par rapport aux deux tiers des salariés dans le monde, qui, selon l’étude du cabinet londonien Morar Consulting effectuée l’an dernier auprès de 25 000 personnes dans 12 pays, pratiquent le travail à distance de manière au moins occasionnelle. Une avancée spectaculaire lorsqu’on sait qu’ils n’étaient que 14 % en 2012, selon la même enquête.

Comment se fait-il que la France soit à la traîne ? Pourtant, l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail, mis en place il y a treize ans, puis transcrit en 2012 dans le Code du travail, et dont les règles ont été assouplies par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail (ratifiée par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018), visait précisément à généraliser la pratique, tout en instaurant un véritable droit pour les salariés.

Productivité et qualité

Si le gouvernement cherchait à dynamiser le télétravail, c’est qu’il a plusieurs vertus. De l’aveu même des pratiquants, il augmente leur productivité et la qualité de leur travail. C’est en tout cas ce qui ressort, pour 86 % (productivité accrue) et 84 % (meilleure qualité du travail fourni) d’entre eux, du baromètre 2018 du télétravail, réalisé par Obergo avec le concours de la CFDT Cadres. Une aubaine, donc, pour les employeurs. Qui rechignent pourtant encore, si l’on en juge par les accords mis en place dans ce domaine, et qui ne se chiffrent qu’à 124 selon Légifrance, même si le thème est souvent inclus dans un accord plus large au sein des entreprises, en particulier sur la qualité de vie au travail (QVT). Toujours est-il que selon une étude de Malakoff Médéric, rendue publique en janvier de cette année, seuls 6 % des salariés pratiquent le télétravail de manière contractuelle. Parmi les derniers accords en date, celui d’Eutelsat, en place depuis septembre 2018. Négocié sur la base des propositions d’un groupe de travail paritaire sur la QVT, « l’accord est l’une des déclinaisons des valeurs du groupe, la responsabilisation des collaborateurs », indique Laurent Tézé, directeur des affaires sociales d’Eutelsat.

Encore marginal, le travail à distance est pourtant largement plébiscité par les salariés français. Selon l’étude menée par OpinionWay pour Horoquartz, une société française spécialisée dans l’apport de solutions visant à optimiser la gestion des temps et des plannings, de même que le suivi d’activité et la sécurité des entreprises et des administrations, 49 % des salariés sondés (un échantillon représentatif de 2 200 salariés de tous âges, de tous secteurs économiques, sur toute la France) souhaitent que cette façon de travailler soit adoptée par leur employeur. L’enquête est riche en enseignements et tord le cou à quelques a priori. Ainsi, si les jeunes sont bien une majorité (55 % des salariés de moins de 30 ans) à vouloir travailler à distance, ils sont largement suivis par les autres classes d’âge. Et certes, si 74 % des diplômés d’une école d’ingénieur ou de commerce expriment le souhait de travailler à distance (contre 47 % des salariés ayant seulement le bac) et que les cadres sont plus nombreux (69 %) que les employés (49 %) à vouloir le faire, ce dernier chiffre laisse à penser que le télétravail, lorsqu’il est possible, séduit, à des degrés divers, toutes les catégories de collaborateurs. Enfin, si les salariés des grandes villes (plus de 200 000 habitants) sont intéressés (à 56 %) par le télétravail, ne serait-ce que pour éviter la perte de temps et la fatigue des transports, en particulier en Ile-de-France, l’enquête d’OpinionWay montre que les salariés qui résident dans des villes de moins de 5 000 habitants expriment eux aussi une attente forte dans ce domaine – sans doute en raison d’autres problèmes de transports (absence de transports en commun et coûts des trajets individuels). Dernier élément qui ressort de l’enquête : les femmes, que l’on croyait très demandeuses, pour des raisons liées à la vie familiale traditionnelle, sont certes intéressées, mais l’écart avec les hommes n’est que de sept points, note OpinionWay. Restent les secteurs. Public et privé sont au coude-à-coude, tandis que, logiquement, d’autres, comme la banque-assurance, sont sans doute plus à même de favoriser le télétravail que le transport, par exemple. Conséquence, les salariés du premier secteur sont plus nombreux à exprimer l’envie de travailler à distance que les seconds.

Réticences

Face à cette demande exprimée, reste à savoir pourquoi les entreprises françaises sont encore réticentes. Pour Malakoff Médéric, « la non-pratique du télétravail ne résulte pas d’une opposition mais plutôt d’une incompatibilité avec le métier exercé ou le secteur d’activité (cité par 65 % des salariés non-télétravailleurs et 90 % des dirigeants qui n’ont pas mis en place cette pratique) ».

Mais pour les autres ? Tandis que les salariés concernés par le télétravail estiment que la pratique permet d’accroître l’autonomie (pour 90 % des télétravailleurs interrogés, selon l’enquête Malakoff Médéric), 82 % des dirigeants notent de leur côté que le travail à distance augmente l’engagement des salariés… Cependant, 47 % des dirigeants y voient un risque de perte de lien social et d’esprit d’équipe (une crainte que partagent d’ailleurs 65 % des salariés).

Autre explication, certains employeurs se sentent sans doute encore mal à l’aise avec ce qu’ils estiment être une perte de « contrôle » sur le travail de leurs collaborateurs. À cela, Caroline Diard, professeure associée en management des ressources humaines à l’École de management de Normandie, apporte une réponse. Non seulement les outils technologiques permettent une surveillance du travail (y compris pour vérifier que le collaborateur s’est bien déconnecté et ne se laisse pas envahir par ses tâches), mais en plus, dit-elle, « le télétravail favorisant l’autonomie, les collaborateurs développent d’eux-mêmes une forme d’autocontrôle ». Reste donc aux employeurs réticents à cultiver la confiance, base de la mise en place du télétravail – et des relations employeurs/collaborateurs en général…

Auteur

  • Lys Zohin