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Santé au travail : Les ouvriers intérimaires « très fortement exposés » aux contraintes physiques

L’actualité | publié le : 05.11.2018 | Alain Roux

Pour répondre à l’exposition aux risques dans le travail temporaire, la branche mise sur la formation des intérimaires, la prévention et une plus grande implication des entreprises utilisatrices.

Les 4/5 des intérimaires exercent en tant qu’ouvriers, dans des métiers souvent pénibles, constatait la Dares le 9 octobre 2018. Ces ouvriers intérimaires se trouvent ainsi « très fortement exposés aux contraintes physiques » ; 22 % d’entre eux manipulent des charges lourdes plus de 20 heures par semaine contre 12 % pour l’ensemble des ouvriers ; 20 % subissent un bruit d’au moins 85 décibels plus de 20 heures par semaine, contre 15 % pour l’ensemble des ouvriers. Ces contraintes « s’expliquent toutefois davantage par les caractéristiques des métiers qu’exercent les intérimaires » que par leur statut particulier. En effet, les secteurs de la construction et de la logistique sont les principaux recruteurs. En revanche, leur statut d’intérimaire joue sur le travail répétitif plus de 10 heures par semaine (29 % sont concernés contre 21 % pour l’ensemble).

Ils sont également surexposés à des rythmes contraints par le déplacement automatique d’un produit (23 % contre 11 %) ou par la cadence automatique d’une machine (25 % contre 12 %), et ces écarts sont significatifs à métiers identiques.

« Retard français en matière de robotisation »

Les entreprises délèguent-elles aux intérimaires les tâches les plus laborieuses ? « Ces contraintes physiques s’expliquent par le retard français en matière de robotisation », estime Isabelle Eynaud-Chevalier, déléguée générale de Prism’emploi, l’organisation professionnelle du secteur de l’intérim, qui regroupe 8 260 agences d’emploi.

Les débats sur le remplacement des salariés par des machines révèlent une certaine schizophrénie française, entre le souci de préserver les emplois et celui d’améliorer les conditions de travail. En la matière, Prism’emploi n’a pas d’hésitations : « La robotisation est source de progrès social. Il est inenvisageable, inacceptable même, de pérenniser la manutention de charge sans la remplacer à terme par des robots. Il est tout à fait possible de déplacer la main-d’œuvre vers d’autres secteurs afin de préserver l’intégrité physique des personnes. »

Par ailleurs, « il existe une part de risque dans le travail temporaire : les salariés arrivent dans un environnement inconnu, soit pour des remplacements, soit pour un surcroît d’activité. Lorsqu’un chantier recourt à des intérimaires pour tenir ses délais, le risque d’accident du travail est accru ».

Les accidents du travail, plus élevés chez les intérimaires, représentent un symptôme de cette exposition aux risques. Prism’emploi milite notamment pour une plus grande responsabilité des entreprises utilisatrices. « C’est l’entreprise de travail temporaire qui assure seule le coût de l’accident du travail, sauf en cas d’accident grave ou mortel, où la répartition est de 2/3 pour la société d’intérim et d’un tiers pour les entreprises utilisatrices.

Nous proposons une répartition 50-50. » La Cour des comptes dans un rapport du 4 octobre, mais aussi le récent rapport Lecoq d’août 2018 sur la Santé au travail, ont repris cette proposition. Pour ce dernier, le surcroît d’accidents provient « des travaux plus exposés aux risques (…), l’affectation sur des postes différents de ceux des salariés permanents et plus à risques, une insuffisance d’accueil et d’encadrement des salariés intérimaires pendant leur mission, un changement de poste ou une affectation à un poste pour lequel la qualification du salarié intérimaire est inadaptée ». Cette modification du taux de cotisation ne suffirait pas.

Une plus grande prévention passe par « une implication substantiellement renforcée des entreprises utilisatrices » qui doivent mettre en place « un système de management de la santé et sécurité au travail » découlant d’une politique de RSE.

Connaître les réalités des postes

Après un accord de branche sur la santé au travail en 2002, Prism’emploi a signé un nouvel accord en mars 2017 qui renforce le rôle des salariés permanents des agences d’emploi, en première ligne pour connaître les réalités des postes de travail. « Les agences peuvent décider de ne plus déléguer de personnel si elles identifient un risque élevé ou si elles n’observent pas de management affûté des risques professionnels chez l’entreprise utilisatrice. »

Elles identifient également les formations nécessaires aux intérimaires, avant la mission dans une optique de prévention et à l’issue de celle-ci, pour qu’ils gagnent en qualifications et en compétences.

La branche consacrerait 2,65 % de sa masse salariale à la formation, bien au-delà des 1,3 % de leur contribution légale obligatoire.

Auteur

  • Alain Roux