Le cadre dirigeant ou le cadre de haute couture : Retour sur un statut pas tout à fait comme les autres…
Ni dirigeant d’entreprise, ni cadre supérieur, le cadre dirigeant est une « espèce à part » tant par sa rareté au sein de l’entreprise, que son appréhension.
Ces salariés se distinguent ainsi des cadres « autonomes » et des cadres « supérieurs » notamment en ce que la détermination de leur temps de travail échappe aux règles du droit commun.
Selon le Code du travail : « Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. » (Article L. 3111-2 du Code du travail). Ces conditions cumulatives impliquent, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, que le cadre « dirigeant » participe à la direction de l’entreprise.
La distinction est de taille, car, sans être mandataires sociaux, ces cadres sont exclus, pour l’essentiel, des règles protectrices relatives à la durée du travail. Ainsi, les dispositions légales relatives à la durée quotidienne et hebdomadaire du travail, les repos obligatoires, les jours fériés… ne leur sont pas applicables. Dans un arrêt du 27 septembre 20181, la Cour de cassation a offert une nouvelle illustration de la définition du cadre dirigeant concernant un directeur commercial monde.
Dans cette affaire, un ancien salarié contestait son licenciement et son statut de cadre dirigeant. Considérant ne pas relever de cette catégorie, il prétendait à un rappel d’heures supplémentaires, de repos légal compensateur, de dommages-intérêts pour non-respect de la durée légale du travail, d’indemnité pour travail dissimulé.
La Cour de cassation a considéré en l’espèce, que ce salarié répondait bien à la définition du cadre dirigeant, aux motifs :
• qu’il avait en charge la responsabilité, sous la seule autorité du président du directoire, de la politique commerciale globale de l’entreprise,
• qu’il bénéficiait d’une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés du système de rémunération de l’entreprise,
• qu’il jouissait d’une indépendance comme d’une autonomie organisationnelle certaines, en raison, notamment, des déplacements qu’il était amené à faire,
• qu’il avait sous sa responsabilité une centaine de salariés,
• qu’il disposait d’une large délégation de signature, sans mention d’une quelconque limitation financière,
• que ses responsabilités en matière d’élaboration et de mise en œuvre de la politique commerciale de l’entreprise étaient réelles et effectives, faisant ainsi ressortir qu’il participait à la direction de l’entreprise.
Dans ces conditions, cumulativement réalisées, ce salarié relevait effectivement de la catégorie des cadres dirigeants et, par conséquent, ne pouvait prétendre à l’application des règles de droit commun relatives à la durée du travail. À l’heure où le « barème Macron » plafonnant les dommages-intérêts pour licenciement abusif, invite les salariés et leurs conseils à la plus grande créativité judiciaire au-delà de la stricte indemnisation de leur licenciement, les conseils de prud’hommes voient se systématiser les demandes concernant la durée du travail des cadres et notamment la remise en cause du statut de cadre dirigeant, parfois attribué abusivement à des salariés ne relevant pas de cette catégorie.
Cet arrêt trouve ainsi sa place dans le débat judiciaire actuel car les cadres dirigeants ne bénéficiant d’aucun système d’aménagement du temps de travail, s’ensuit un débat sur les éventuelles heures supplémentaires effectuées par des salariés dont le temps de travail n’a, par définition, jamais donné lieu à aucun suivi ni aucune surveillance.
(1) Cour de cassation, chambre sociale, 27 septembre 2018, n° 17-12575