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Performance : Engagement des salariés : sens et leadership d’abord !

Le pont sur | publié le : 22.10.2018 | Laurence Estival

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Performance : Engagement des salariés : sens et leadership d’abord !

Crédit photo Laurence Estival

Si pour les entreprises, l’engagement des salariés reste le nerf de la guerre, les indicateurs comme les outils utilisés pour le mesurer et le renforcer évoluent. Au placard, le taux de turn-over. Au zénith, le sens du travail et le leadership.

Toujours plus haut. La dernière étude sur l’engagement des collaborateurs de Pernod Ricard réalisée en janvier dernier montre une nouvelle progression de leur niveau de satisfaction, déjà très élevé… Quelque 88 % d’entre eux se disent « engagés » ou « très engagés ». Une performance bien supérieure à la moyenne observée dans les grands groupes internationaux, selon le cabinet de conseil Willis Towers Watson, qui a effectué l’enquête. « Preuve qu’il est toujours possible de s’améliorer ! », sourit Sébastien Biessy, directeur de l’activité Talents. Une injonction qui devrait prendre tout son sens auprès des entreprises hexagonales. Les comparaisons par pays montrent en effet que le niveau moyen d’engagement des salariés français est généralement assez bas. « Le taux d’engagement est en France de l’ordre de 70 %, contre 90 % pour les pays qui affichent les meilleurs résultats », poursuit l’expert.

Dès lors, comment expliquer les chiffres du dernier baromètre de Malakoff Médéric, publié en septembre, qui mettent en lumière un taux beaucoup plus faible, et soulignent, qui plus est, une érosion du taux d’engagement des salariés, passé de 41 % à 29 % entre 2009 et 2018 ? « Tout dépend en réalité du périmètre pris en compte, explique Philippe Burger, associé capital humain de Deloitte. Il y a trois niveaux différents, du plus proche de son travail au quotidien – mon manager me fait-il confiance, comment je collabore avec mes collègues… – au plus global, qui concerne par exemple la manière dont l’entreprise communique et aligne sa politique par rapport à un certain nombre de valeurs sociales ou environnementales. Et le niveau d’engagement est d’autant plus élevé que le prisme est large car cela permet de relativiser les petites frustrations. »

Des indicateurs qui évoluent

La prise en considération d’une gamme toujours plus large de facteurs modifie non seulement la perception de l’engagement mais aussi l’identification des sujets qui jouent un rôle déterminant. Qu’est-ce qui va inciter un collaborateur à répondre à un appel téléphonique un vendredi soir quand tous ses collègues sont déjà partis ? « Le sens qu’il va donner à son travail », répond Philippe Burger. « La question du leadership est elle aussi centrale », ajoute de son côté Sébastien Biessy. La personnalité des dirigeants, leur référence à des valeurs et la déclinaison de celles-ci en stratégie et au plus près des collaborateurs en objectifs et moyens pour les atteindre sont devenus des éléments clés. Et cela se confirme tant au niveau de l’attractivité que de la capacité des employeurs à fidéliser leurs collaborateurs. Même si cette notion de fidélisation a elle aussi évolué… « Elle ne se mesure plus au seul taux de turn-over, et notamment chez les Millennials, observe Philippe Burger. Les entreprises parlent aujourd’hui d’expérience collaborateur, ce qui va faire que même une fois parti, ce salarié en gardera un bon souvenir, au point d’envisager de revenir plus tard. C’est ce dont témoigne le phénomène des salariés boomerang. »

Pour Benjamin Balatin, directeur de la transformation de Fermob, une entreprise de fabrication de mobiliers d’extérieur, l’envie des salariés de recommander leur employeur à leurs amis et à leurs proches a été identifiée comme stratégique. « Le besoin de vérifier et de quantifier la certaine prise de distance que nous observions nous a conduits à mettre en place des enquêtes de satisfaction pour en comprendre les raisons. » Dans un contexte économique porteur où l’entreprise avait besoin de recruter pour faire face à l’explosion de ses commandes, elle a utilisé l’application lancée par la start-up Supermood, créée il y a trois ans et qui a déjà séduit nombre de grands comptes. Tous les 15 jours, les salariés reçoivent trois questions, chaque fois différentes, destinées à sonder leur ressenti et à faire remonter leurs propositions. L’anonymat des réponses incite les timides à se jeter à l’eau. « Pour nous, les résultats et leur corrélation avec l’indice de recommandation nous a permis de valider nos hypothèses et surtout de nous rendre compte que pour améliorer cet indicateur, il nous fallait accélérer la transformation de nos méthodes de travail », raconte le responsable.

Feedback permanent

Outre le besoin de faire face à l’urgence, les entreprises ont d’ailleurs de plus en plus recours à des sondages express pour évaluer le moral de leurs collaborateurs.

Chez Eurécia, spécialiste du logiciel RH, ceux-ci sont réalisés au fil de l’eau, les salariés ayant la possibilité, quand ils le souhaitent, d’exprimer leur humeur du jour et leur niveau de bien-être, en utilisant une fonctionnalité du système informatique interne. Ils ont le choix entre trois couleurs – le vert si tout va bien, le jaune, si leur sentiment est mitigé, et le rouge, si tout va mal. « Cela nous permet de repérer les signaux faibles. Ces informations peuvent être complétées par quelques mots explicitant les raisons de satisfaction ou d’insatisfaction. Il y a des éléments factuels mais au-delà, la mise en avant de questions liées aux équipes de management. À nous de les sensibiliser davantage pour que les managers donnent aux membres de leurs propres équipes les moyens de grandir et de se développer. C’est l’un des facteurs essentiels d’engagement relié au sentiment d’être utile et donc au besoin de donner un sens à son travail », commente Pascal Grémiaux, son président.

Le feedback permanent étant devenu une nécessité, de nombreux grands groupes s’y mettent, et complètent leurs lourdes enquêtes annuelles avec une prise de pouls régulière. Il en va certes de la capacité à réagir le plus rapidement possible pour maintenir l’engagement des salariés mais aussi pour améliorer la performance économique.

« La profitabilité des entreprises ayant un haut niveau d’engagement durable est 3,5 fois supérieure à celle dont le niveau d’engagement est bas », rappelle Sébastien Biessy. « Certains employeurs commencent aussi à recueillir le niveau d’engagement de leurs collaborateurs extérieurs, qu’ils soient auto-entrepreneurs, c’est le cas des plateformes de type Deliveroo, ou freelances », note Kevin Bourgeois, cofondateur de Supermood. Une manière de prendre en compte la part croissante de cette population qui, en 2030, pourrait représenter jusqu’à 50 % de la main-d’œuvre aux États-Unis et en Europe.

Auteur

  • Laurence Estival