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Loi pacte : La redéfinition du rôle de l’entreprise divise toujours

L’actualité | publié le : 22.10.2018 | Lys Zohin

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Loi pacte : La redéfinition du rôle de l’entreprise divise toujours

Crédit photo Lys Zohin

HEC a participé à la réflexion sur la question de la finalité de l’entreprise, incluse dans le projet de loi Pacte. In fine, l’affaire se joue entre gros actionnaires et petits porteurs.

Il est loin le temps (1970) où Milton Friedman, économiste ultralibéral, déclarait que la seule « responsabilité sociale d’une entreprise, c’est d’augmenter ses profits ». En effet, alors que le capitalisme carnassier, comme certains le nomment, a mauvaise presse, en faisant passer le profit et les gros actionnaires – fonds d’investissement ou autres – avant tout, nombreux sont ceux qui appellent à une responsabilisation plus grande de l’entreprise, en particulier sur les aspects sociaux et environnementaux liés à leur stratégie. À commencer par Nicole Notat et Jean-Dominique Senard, auteurs d’un rapport qui a inspiré l’ajout, dans le cadre du projet de loi Pacte, approuvé le 9 octobre par les députés, de l’article 61, prévoyant de réécrire l’article 1833 du Code civil en précisant que l’objet social de l’entreprise ne se limite pas à la recherche du profit mais que celle-ci a aussi un rôle social et environnemental – même si aucune précision n’est donnée quant aux obligations concrètes des entreprises.

Alain Bloch, directeur scientifique d’HEC Entrepreneurs, estime que la loi Pacte « a au moins le mérite de remettre en question le profit comme règle unique de la gouvernance des entreprises ». Car, selon lui, « le profit divise » (quant à sa répartition), tandis qu’au contraire, « la pérennité rassemble » (puisqu’elle est dans l’intérêt de tous). Aussi, ce spécialiste – et entrepreneur – préconise d’aller plus loin que ce que le gouvernement a choisi et de définir ce qu’il appelle la « sauvegarde de l’entreprise ». C’est souvent en raison d’une stratégie à courte vue, ou qui n’a pas su s’adapter, que des entreprises coulent.

Avantage concurrentiel

Toujours est-il qu’il faut faire de ce nouvel “intérêt social” « un avantage concurrentiel pour les entreprises », ajoute de son côté Rodolphe Durand, professeur de stratégie à HEC Paris. Leur stratégie sera récompensée en Bourse, « d’autant que le changement climatique nous oblige à repenser la valorisation des actifs », dit-il. Une société qui travaille par exemple dans le domaine des énergies fossiles, appelées à rester dans le sol à l’avenir, devrait ainsi perdre de son lustre en Bourse. L’inverse est vrai pour des sociétés qui transforment leur ancien métier pour se concentrer sur des produits plus écoresponsables. Seul problème, cette transition pourra prendre du temps pour être mise en œuvre et encore plus pour être valorisée en Bourse.

Reste donc une question : celle « de savoir combien vous êtes prêts à perdre (immédiatement) sur votre épargne pour un avenir meilleur ? », demande Rodolphe Durand. Pas évident pour des petits porteurs… Ceux qui ont notamment besoin de compléter ce qu’ils reçoivent des caisses de retraite seront-ils sensibles aux questions d’éthique, de bon traitement des salariés, de respect de l’environnement des entreprises dont ils achètent les actions ? Peut-être pas si cela implique dans un premier temps une performance moindre en Bourse par rapport à des entreprises traditionnelles… Mais si au contraire la Bourse commence à récompenser le comportement vertueux des entreprises, alors on peut espérer que la veuve de Carpentras ou de Miami, par l’intermédiaire d’un fonds, choisisse d’avoir cette catégorie d’actions en portefeuille…

Objectif de pérennité

« Dans la gouvernance des entreprises, l’objectif de pérennité, par opposition au profit à court terme (on a abondamment parlé de la dictature des résultats trimestriels, par exemple), est à la fois efficace sur le plan économique et environnemental, rebondit Alain Bloch. Le cas de Michelin en est une illustration. » Certes, Michelin, dont le président n’est autre que Jean-Dominique Senard, a un avantage : depuis près de 130 ans, l’entreprise a le statut de société en commandite par action, impliquant une responsabilité des gestionnaires sur leur patrimoine personnel. De quoi inciter à la prudence, privilégier le long terme et œuvrer à la pérennité de la société. Si tout n’a pas été parfait dans l’histoire de Michelin, le groupe s’est par exemple lancé en 2015 dans la production de caoutchouc naturel écoresponsable et a signé de multiples accords, notamment sur la période 2011-2015, avec les syndicats. Résultat, un cours de Bourse en hausse (même si c’est en dents de scie) sur les dix dernières années…

Auteur

  • Lys Zohin