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Le fait de la semaine

Formation : Le BTP veut doper l’apprentissage

Le fait de la semaine | publié le : 15.10.2018 | Benjamin D’Alguerre

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Formation : Le BTP veut doper l’apprentissage

Crédit photo Benjamin D’Alguerre

Face à la pénurie de compétences à venir dans les métiers du bâtiment, les patrons du BTP misent sur le développement de l’apprentissage dans la branche. Deux accords signés entre la FNTP et les ministères de l’Éducation nationale et du Travail visent à augmenter de 50 % le nombre d’apprentis dans les entreprises du secteur.

BTP recherche salariés désespérément. Selon les projections de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), l’une des principales fédérations patronales du secteur, les 8 000 entreprises de la branche prévoient 200 000 nouvelles embauches dans les cinq ans à venir pour compenser les départs à la retraite et faire face aux enjeux en matière de travaux publics. Et ceux-ci sont nombreux car le parc d’ouvrages publics français commence à accuser son âge. « Chaque jour, un pont est fermé pour cause d’infrastructures déficientes », résume Bruno Cavagné, patron du groupe de génie civil Giesper et président de la Fédération. Entretenir et restaurer l’ancien d’un côté… anticiper l’avenir de l’autre, puisque les futurs ouvrages publics qui sortiront de terre dans les prochaines années devront s’adapter aux nouvelles normes environnementales ou même numériques. Bref, il y a du pain sur la planche et, à l’heure actuelle, la pénurie de main-d’œuvre semble poindre à l’horizon, faute d’attrait des jeunes pour les métiers du bâtiment, mais aussi d’une frilosité des employeurs à donner leur chance aux nouveaux arrivants dans la carrière. Encore que sur ce dernier point, les mentalités semblent évoluer, comme en témoigne Jean-Francis Gagneraud, directeur général de Gagneraud Construction, une ETI de 1 500 salariés : « Il y a encore un ou deux ans, je croisais des collègues qui recherchaient en priorité une main-d’œuvre déjà qualifiée. Sans succès. Aujourd’hui, ils semblent avoir compris que l’apprentissage pouvait être une solution à leurs difficultés de recrutement. »

12 000 jeunes d’ici cinq ans

Miser sur l’apprentissage, c’est justement toute l’ambition de deux conventions signées le 8 octobre 2018 par la FNTP et les ministères de l’Éducation nationale et du Travail. Le projet ? Développer cette voie de formation dans les quatorze grands types de métiers que compte le secteur. L’objectif chiffré ? 50 % d’apprentis en plus d’ici 2023. Soit 12 000 jeunes engagés dans un cycle d’apprentissage dans les cinq ans (contre 8 000 aujourd’hui). Le contexte s’y prête, assure Bruno Cavagné, puisque le bâtiment connaît une nette embellie économique depuis un an (+ 5 % de croissance), dopé par le retour des commandes des collectivités publiques et par le chantier du Grand Paris, après une décennie de crise.

Interrogés par la fédération patronale, 42 % des chefs d’entreprise de la branche se disent prêts à embaucher dans les trois mois à venir. De quoi dégager le ciel au-dessus de la tête des patrons du BTP. « Si cette croissance se maintient, nous pourrions même envisager de passer le cap des 16 000 apprentis en 2023 ! », espère Bruno Cavagné.

Concrètement, la FNTP s’engage, par cette convention, à améliorer la qualité des formations par apprentissage au sein de son réseau de CFA, construire une offre de formation initiale adaptée aux besoins de la profession comprenant d’importants volets liés à la transition écologique et numérique et développer les synergies entre centres de formation. Des ambitions rendues possibles par la loi « Avenir professionnel » qui confie aux branches le pilotage des politiques d’apprentissage, la détermination du coût des contrats et surtout, l’initiative de la construction des diplômes professionnels via les Opco (lire encadré). Autres engagements de la fédération : une meilleure mise en relation entre apprentis et entreprises, un accompagnement social renforcé pour les jeunes en apprentissage et un coup de pouce aux dispositifs de santé au travail en direction des apprentis. Malgré la bonne volonté affichée, reste le plus dur à faire : persuader les jeunes de s’engager dans un cycle d’apprentissage vers des métiers peu connus et mal valorisés.

C’est tout l’objet de la campagne #FranchementRespect destinée à se voir déclinée sur les réseaux sociaux et à la radio pour sensibiliser – et séduire ! – les scolaires. Mais surtout, les réformes de l’orientation scolaire et de l’enseignement professionnel engagées l’an passé par l’Éducation nationale semblent porter leurs fruits. « Désormais, les enseignants ne sont plus notés en fonction des élèves qu’ils envoient dans la filière générale », explique Jean-Michel Blanquer. Résultat : les demandes d’orientation vers l’apprentissage ont fait un bond de 40,5 % en fin de troisième et celles pour l’enseignement professionnel de 5 %. Un chiffre qui pourrait encore augmenter après la « réorganisation pédagogique » des six bacs professionnels consacrés aux travaux publics programmée pour l’année à venir. De son côté, la FNTP, dans le cadre de son partenariat avec la rue de Grenelle, s’est engagée à organiser 16 000 stages de troisième et de multiplier les visites d’entreprises par des scolaires au cours des cinq années qui viennent.

Rôle des régions

Ombre sur le tableau : les conventions signées entre la FNTP et l’État ce 8 octobre évoquent à peine le rôle des régions dans le dispositif… alors que précisément la loi du 5 septembre 2018 leur confie la pleine compétence en matière d’orientation, à défaut d’avoir pu conserver l’apprentissage. Une nouvelle anicroche dans la relation branches-régions-Etat déjà houleuse ? « Nous sommes surpris de ne pas avoir été associés à ces conventions alors que l’information sur les métiers relève désormais de notre périmètre », confie David Margueritte, élu normand et président de la commission formation de Régions de France. Déjà échaudées de ne pas avoir reçu la pleine charge de l’orientation en 2014, les régions craignent de voir le même scénario se rejouer, malgré les promesses du gouvernement. « On espère qu’il ne s’agit sincèrement que d’un oubli », lance le bras droit d’Hervé Morin. En attendant, il prévient : les radars régionaux sont tournés vers le futur décret qui encadrera ce transfert de compétences…

Constructys : une transition en douceur vers le statut d’Opco

Les travaux de constitution du futur Opérateur de compétences du secteur de la construction avancent sereinement, à en croire la FNTP. Sans surprise, il devrait s’agglomérer autour de Constructys, l’actuel Opca du bâtiment, dont le périmètre couvre déjà la quasi-intégralité du domaine du BTP. « Actuellement, nous regardons si de nouvelles branches souhaitent s’y rallier. Des discussions sont engagées en ce sens avec l’Unicem (la fédération des producteurs de matériaux minéraux), par exemple », annonce Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics. Quant au CCCA-BTP, le collecteur des fonds de l’apprentissage de la branche des travaux publics, il a déjà entamé une première négociation avec ses organisations syndicales pour adhérer à son tour à l’Opco en cours de constitution. Seule question en suspens : quel choix fera la Capeb, la confédération des artisans du bâtiment, qui pourrait être tentée de rejoindre le futur Opco de l’artisanat et des services de proximité dont la création est en cours de discussions entre l’U2P et les syndicats. À suivre.

B. D.’A.

Auteur

  • Benjamin D’Alguerre