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Catherine Fabre, députée LREM de Gironde : « Le CPF en heures était illisible et inégalitaire »

Le point sur | publié le : 08.10.2018 | Benjamin d’Alguerre

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Catherine Fabre, députée LREM de Gironde : « Le CPF en heures était illisible et inégalitaire »

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

La réforme de 2015 n’a pas favorisé le développement de la formation, juge Catherine Fabre, députée de Bordeaux et rapporteuse de la loi « Avenir professionnel ». Au contraire, le CPF en euros pourrait rendre le système plus accessible et transparent.

La tarification horaire du CPF à 14,28 euros de l’heure est fortement critiquée par le secteur de la formation. Jugez-vous ce montant trop bas ?

Non. Je ne trouve pas pertinent de se focaliser sur ce montant de 14,28 euros. Ce n’est qu’un taux de conversion des heures existant actuellement. Et l’enjeu, justement, c’est de sortir de la logique de stages horaires qui ne favorise pas l’innovation. Aujourd’hui, les actifs accumulent 20 heures de formation par an sur leur CPF. De quel service bénéficient-ils pour ce volume ? La plupart du temps, l’organisme va les placer trois jours en formation dans une salle en compagnie de trente autres stagiaires, quels que soient les besoins réels de la personne. Il faut en finir avec ce mode de fonctionnement. Si quelqu’un a besoin de quarante heures pour se former, qu’il en ait quarante. S’il n’a besoin que de cinq pour acquérir la même qualification, qu’il en achète cinq avec son CPF. Et surtout, que les prestataires n’hésitent pas à innover en utilisant de la formation à distance (FOAD) ou en situation sur le lieu de travail (FEST).

N’y a-t-il pas cependant un risque de favoriser les formations low cost, de piètre qualité ?

Le système du compte crédité en heures était illisible et inégalitaire. Prenons l’exemple d’un individu mobilisant son compte pour passer son permis de conduire. Est-ce parce que son CPF était crédité de 24 ou 48 heures de formation qu’il en aurait obtenu autant en leçons de conduite ? Bien sûr que non. Il aurait fallu qu’il aille voir son Opca – dans l’hypothèse où il sache duquel il s’agit, voire qu’il sache ce qu’est un Opca ! – pour trouver un complément. Et, en fonction de l’Opca, le complément aurait été différent car le taux de prise en charge diffère de l’un à l’autre ! Est-ce lisible et juste ? Absolument pas. Demain, avec un compte en euros, chacun disposera non seulement de moyens bien identifiés, mais aussi d’une visibilité dessus et saura ce qu’il peut s’offrir avec. Aujourd’hui, seuls 2 % des actifs ont utilisé leur CPF depuis sa création en 2015. C’est très peu. Et encore s’agit-il pour l’essentiel de cadres de grands groupes, voire de demandeurs d’emploi à qui Pôle emploi n’a pas toujours laissé le choix… Ce système était tout sauf transparent et il fallait le changer !

Cependant, au vu du tarif affiché, certains organismes de formation craignent de devoir mettre la clé sous la porte. Vu ce qui s’est passé durant la première année de la précédente réforme, cette inquiétude n’est pas illégitime…

Je comprends cette crainte quant aux conséquences de la période de transition sur leur chiffre d’affaires. J’entends les remontées du terrain, qui me viennent des organismes concernés, et j’en tiens compte lorsqu’il s’agit d’aller voir les entreprises pour répondre à leurs préoccupations. J’ai parlé des risques de la transition aux principaux acteurs : DGEFP, APCMA, FFP… Tout sera fait pour que la réforme se passe au mieux et qu’elle soit la plus indolore possible pour les prestataires de formation.

Les entreprises de moins de 50 salariés pourront accéder aux ressources mutualisées des Opco. Les grands groupes disposent de moyens pour former leurs salariés. Quid des entreprises de taille intermédiaire ? N’auront-elles que la solution de coconstruction de projets de formation avec le CPF de leurs salariés pour faire monter leurs compétences ?

Durant le débat parlementaire, nous aurions pu monter ce seuil à 250 salariés. Mais comme nous voulions vraiment développer une culture de la formation au sein des TPE-PME, nous avons finalement bloqué le curseur à 50. Nous nous laissons le droit de le remonter au besoin. Cependant, les entreprises intermédiaires disposent tout de même de Pro-A, un dispositif qui permet de former leurs salariés les moins diplômés par alternance. Quant à la coconstruction des parcours, c’est une volonté de laisser le salarié et son employeur discuter ensemble dans le cadre de négociations gagnant-gagnant. Cela motive les deux. À l’époque du plan, la formation était devenue quelque chose de mécanique, presque obligatoire. Résultat : les salariés y allaient trop souvent à reculons.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre