Contrairement aux 76 % de salariés allemands qui considèrent que leur travail est reconnu par leur employeur, les Français ne sont que 44 % à le penser. C’est ce phénomène, plus que le sens du travail lui-même, qui les mine, selon une enquête.
Alors que l’ouvrage de l’anthropologue David Graeber sur les bullshit jobs, les « emplois à la con », est sorti à la rentrée en France, Jérôme Fourquet (directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop), Alain Mergier (sémiologue et sociologue) et Chloé Morin (directrice de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation Jean-Jaurès) ont décidé de vérifier s’il existait en France un tel ressenti, celui d’un emploi n’ayant aucun sens, « des fonctions dont les détenteurs savent bien, au fond d’eux-mêmes, qu’elles n’apportent aucune contribution significative à la collectivité. En somme, des emplois qui, bien que parfois très bien rémunérés, ne donnent pas le sentiment d’être utile, de contribuer à un projet allant au-delà du fait de gagner sa vie », comme l’expliquent les trois spécialistes, qui soulignent que « selon un sondage YouGov réalisé en 2015 en Grande-Bretagne, près de 40 % des actifs britanniques considéreraient que leur emploi n’apporte aucune contribution significative à la société ». L’enquête de la Fondation Jean-Jaurès et l’Ifop auprès d’un échantillon de 1 000 actifs (extrait d’un échantillon national représentatif de 2 000 personnes au total), met en lumière un phénomène légèrement différent dans l’Hexagone, celui du manque de reconnaissance au travail. Ainsi, seuls 44 % des actifs français jugent que leur travail est reconnu à sa juste valeur (contre 64 % chez les salariés britanniques, 76 % chez les salariés allemands, 79 % chez les salariés américains) par leur employeur. De fait, en France, ce n’est pas sur l’utilité du travail que porte le doute, mais sur la reconnaissance dudit travail puisque 88 % des actifs considèrent plutôt leur travail utile à leur entreprise et 78 % qu’il est utile à la société et la collectivité. En outre, parmi ces actifs, 75 % des professions intellectuelles et cadres du secteur public se sentent utiles à leur employeur (– 13 par rapport à la moyenne des Français). Enfin, 81 % des actifs qui ne jugent pas leur travail reconnu par leur employeur l’estiment pourtant utile à leur entreprise, contre 96 % qui se sentent reconnus. Par ailleurs, 86 % des professions à dominante intellectuelle se sentent utiles, contre 90 % chez les professions à dominante manuelle. Toutefois, si 22 % des actifs considèrent que le travail qu’ils font enrichit avant tout les actionnaires ou les propriétaires de l’entreprise, ils sont 37 % à penser qu’il est d’abord utile à la collectivité mais 41 % à croire qu’il sert d’abord à l’entreprise.
