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Du côté de la recherche : Denis Monneuse

Chroniques | publié le : 08.10.2018 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche : Denis Monneuse

Crédit photo Denis Monneuse

Comment faut-il pleurer au travail ?

Que celui qui n’a jamais pleuré

à cause de son travail lève le doigt ! Mais il y a une grande différence entre pleurer au travail et pleurer hors de son lieu de travail. De même, il existe une grande différence entre les larmes des femmes et celles des hommes. Celles des hommes peuvent être perçues positivement comme une preuve de sensibilité et d’intelligence émotionnelle. Celles des femmes sont généralement perçues négativement comme une preuve de faiblesse, de manque de contrôle de ses émotions ou bien encore comme une forme de manipulation. On entend encore parfois des parents dire à leurs garçons de ne pas pleurer afin de sauvegarder leur virilité. C’est surtout à leurs filles que ces mêmes parents devraient ordonner de retenir leurs larmes… afin de préserver leur image et de mieux réussir plus tard dans le monde du travail.

Kimberly Elsbach et Beth Bechky,

respectivement professeures à l’université de Californie et à celle de New York, ont voulu savoir précisément comment étaient interprétées les chaudes larmes versées au travail, ainsi que les conséquences que ce drame lacrymal pouvait avoir sur la carrière. Dans un article publié récemment dans Academy of Management Discoveries, elles se sont focalisées sur les pleurs de femmes et les réactions de 65 observateurs1.

Nos deux chercheuses

notent que les observateurs ont en tête des normes assez précises sur ce qui se fait et ne se fait pas au travail, suivant les motifs des pleurs et leur lieu (bureau privé avec quelques collègues vs en public, devant tout le monde, en open space par exemple). En résumé, il est permis de pleurer dans les situations suivantes :

• en privé pour des problèmes personnels ;

• en public pour des problèmes personnels à condition qu’ils soient vraiment importants, que cela ne se reproduise pas et que les pleurs ne durent pas trop longtemps ;

• en privé à la suite d’un feedback négatif, mais à condition que les larmes soient courtes afin que le manager puisse terminer son feedback et que l’éplorée montre qu’elle est tout de même à l’écoute des axes de progrès qu’on lui indique ;

• en privé en raison d’un coup de stress important, mais après le coup de stress de préférence.

En revanche, la police de la morale

organisationnelle interdit de pleurer dans toute autre situation ou bien pour toute autre raison. Il serait notamment particulièrement mal venu de pleurer en public lors d’une réunion de travail et encore plus d’interrompre celle-ci à cause de ses larmes. Mesdames, si vous sentez que les larmes vous montent aux yeux, un conseil : foncez aux toilettes pour cacher ce que l’on ne saurait voir (et, le cas échéant, arranger votre rimmel). En cas de pleurs incontrôlés, mais aussi de larmes jugées plus acceptables, s’excuser sera perçu comme une preuve de bon goût.

J’ai hâte que des chercheurs

se penchent désormais sur les normes des larmes masculines afin que l’on puisse écrire un « guide du bon savoir pleurer au travail ». Ce guide pourra alors être distribué aux salariés lors de leur intégration dans une nouvelle organisation afin qu’ils sachent précisément où, quand et pourquoi pleurer. En espérant qu’ils s’en souviendront et appliqueront ce programme à la lettre le jour où leurs yeux s’embueront !

(1) Elsbach, K. D., & Bechky, B. A. (2018). How observers assess women who cry in professional work contexts. Academy of Management Discoveries, 4(2), 127-154.

Auteur

  • Denis Monneuse