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Transformation des entreprises : Projet de loi Pacte : le grand pari

L’actualité | publié le : 01.10.2018 | Sophie Massieu

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Transformation des entreprises : Projet de loi Pacte : le grand pari

Crédit photo Sophie Massieu

Des entreprises plus grandes, soucieuses de leur impact social et environnemental, des salariés mieux associés à leur gouvernance et au partage des profits… Le projet de loi Pacte – en débat à l’Assemblée nationale – vise à transformer les entreprises d’aujourd’hui en sociétés de demain. Un pari pas encore gagné…

Disparition du seuil de 20 salariés au profit d’un cap fixé à 50, baisse ou suppression de divers forfaits sociaux pour favoriser l’épargne salariale notamment dans les PME, dispositions encore en discussion autour de la mesure des écarts de salaires, modification des Codes civil et de commerce… Le projet de loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), actuellement débattu à l’Assemblée nationale, entend donner un nouveau visage aux sociétés, petites ou grandes.

Elles devraient croître, se montrer responsables sur les plans social et environnemental, opérer des changements dans leur gouvernance ou le partage des profits… Mais un texte de loi peut-il à lui seul engendrer ces métamorphoses ? Et, surtout, les outils qu’il porte sont-ils à la hauteur des ambitions ? Partisans comme opposants à ce texte ont, chacun pour des raisons opposées, tendance à n’y voir qu’un premier pas.

Une première étape

Première volonté affichée par les promoteurs de ce texte : favoriser la croissance des entreprises, permettre la transformation de PME en ETI (entreprises de taille intermédiaire). La France en compte aujourd’hui 5 800, l’Allemagne 12 500. Or, cela peut favoriser l’emploi, ce que confirme Bénédicte Ravache, secrétaire générale de l’ANDRH : « La croissance d’une entreprise, portée par sa bonne santé et celle de son business model, favorise les recrutements. »

De nombreuses mesures de simplification présentes dans le projet de loi Pacte visent directement à faire grossir les sociétés. Ce que salue Bénédicte Caron, vice-présidente de la CPME, en charge des affaires économiques. Elle se réjouit particulièrement de la suppression du seuil de 20 salariés, et que les PME aient cinq ans avant d’être admises au rang des entreprises de plus de 50 salariés, le nouveau seuil créant des obligations pour elles (celle d’établir un règlement intérieur par exemple). Pour autant, elle estime qu’il est « utopique » de croire que ce texte favorisera l’apparition d’ETI : « Ce document représente une belle étape de la transformation des entreprises, mais certaines dispositions s’apparentent encore à des mesurettes. »

Autre secteur qui espère croître, celui de l’économie sociale et solidaire. Et là, il semble difficile de se prononcer sur les possibilités offertes par ce projet de loi tant que les amendements n’auront pas été introduits. Certes, le texte prévoit de booster les investissements solidaires. Mais pour le reste, de nombreuses attentes du secteur demeurent en suspens. Ce qui semble certain est que pour l’heure, indique Caroline Neyron, directrice générale du Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves), il manque deux choses pour soutenir le développement des entreprises sociales : une préférence accordée dans l’attribution des marchés publics et le développement d’une fiscalité différenciée. Elle note par ailleurs que rien n’est encore certain au sujet des entreprises à mission, un statut qui permettrait à des entreprises n’appartenant pas au secteur de l’économie sociale et solidaire de formaliser leurs engagements sociaux.

Raison d’être et intérêt social : des notions encore facultatives

Pourtant, la question du rôle social et politique de l’entreprise figure, pour la première fois, au rang des préoccupations du législateur, ce qu’aime à souligner Coralie Dubost, députée de l’Hérault et rapporteure, notamment, du chapitre sur « l’entreprise plus juste ». Les articles 1833 et 1835 du Code civil ont d’ailleurs été modifiés pour donner cette nouvelle dimension aux entreprises, ou la reconnaître à celles qui déjà affichaient un engagement social et environnemental. À ses yeux, « à terme, c’est porteur d’un changement de culture dans le positionnement de l’entreprise dans la société, d’ici cinq à dix ans. » Concrètement, une phrase ajoutée à l’article 1833 introduit la notion d’intérêt social de l’entreprise et l’article 1835 offre aux entreprises la possibilité de se doter d’une raison d’être. Pour Fabrice Angeï, secrétaire confédéral de la CGT, cela constitue une « avancée formelle ». Comme d’autres, il aurait souhaité que les entreprises aient l’obligation de se doter d’une raison d’être, comme le proposait du reste le rapport de Nicole Notat et Jean-Dominique Sénard, en prélude à ce projet de loi.

Même si un article stipule que l’entreprise doit se préoccuper de son impact social et environnemental, la CFE-CGC estime, et déplore, pour sa part, que la RSE soit « la grande absente » du projet de loi. Elle regrette par exemple que le comité des parties prenantes, envisagé par le rapport Notat-Sénard, ne soit pas créé, ou que rien ne s’annonce en matière de développement d’une part variable de la rémunération des dirigeants, indexée sur des critères de responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise.

Gouvernance : des attentes déçues

Autre métamorphose attendue pour l’entreprise de demain : sa gouvernance. Et là encore, les attentes sont déçues. Le texte prévoit l’introduction d’un administrateur salarié dès lors que le conseil d’administration compte au moins huit membres. Les organisations représentant les salariés en demandaient 30 % et en Allemagne, pays si souvent pris comme modèle, les salariés occupent la moitié des postes d’administrateur.

Des enjeux directement liés aux ressources humaines trouvent aussi leur place dans ce texte. Ainsi des débats assez vifs autour de la question de la mesure des écarts salariaux, non tranchée à ce jour. Le texte prévoira-t-il de s’appuyer seulement sur la moyenne des salaires, déjà connue et peu significative ? Ou invitera-t-il les entreprises à publier chaque année les écarts par quartile ?

Si le texte entend favoriser l’épargne salariale, là encore, il ne va pas aussi loin que l’auraient souhaité ses défenseurs. Même si les amendements peuvent, ici aussi, changer la donne, a priori, la suppression des forfaits sociaux pour l’abondement par les employeurs des plans de participation et d’intéressement ne concernera pas toutes les entreprises. Ce que l’on regrette à l’ANDRH par exemple.

Ainsi donc, la vie des entreprises et des salariés, dans leur ensemble, pourra être impactée par les réformes contenues dans le projet de loi Pacte. Difficile, pour autant, de dire si l’entreprise de demain aura changé de visage. « Ce texte donnera peut-être des outils pour soutenir l’engagement des sociétés », espère Caroline Neyron, du Mouves. Tout en restant vigilante : « Il existe une frange d’entreprises prêtes à prendre leurs responsabilités. La question sera de savoir ce qu’on leur demandera en matière d’engagement… »

Auteur

  • Sophie Massieu