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Royaume-Uni : Comment le groupe GFG a séduit les syndicats

Sur le terrain | publié le : 24.09.2018 | Lys Zohin

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Royaume-Uni : Comment le groupe GFG a séduit les syndicats

Crédit photo Lys Zohin

La société, qui s’implante en France, a dû négocier à plusieurs reprises avec les syndicats britanniques. Transparence, respect, parole tenue : la méthode marche. Et GFG a l’intention de l’appliquer chez nous.

« Un rachat peut comporter des incertitudes pour les salariés, nous le savons bien », soupire Graeme Taylor, HR Lead for Mergers and Acquisitions chez GFG – pour Gupta Family Group, une société britannique dirigée par l’homme d’affaires Sanjeev Gupta et spécialisée dans l’acier et l’aluminium. Dans l’entreprise, qui a effectué plusieurs acquisitions au Royaume-Uni mais aussi annoncé des opérations en France – à Dunkerque, d’abord, au début de cette année, puis, cet été, à Châteauroux –, Graeme Taylor est devenu « Monsieur syndicats ». D’autant plus que les recettes du groupe marchent ! « Nous avons une relation positive », confirme d’ailleurs Alasdair McDiarmid, directeur des opérations pour Community Union, le syndicat du secteur sidérurgique britannique.

Des partenaires clés

Comment fait donc le nouveau géant de l’acier et de l’aluminium britannique pour s’assurer des bonnes grâces du syndicat à son égard ? D’abord, explique le spécialiste maison, l’entreprise a une position de base qui consiste à “dédramatiser” les relations. « L’idée que le conflit doit faire partie de la relation n’est pas dans notre philosophie », explique ainsi Graeme Taylor, pour poursuivre : « Nous avons cinq principes, incarnés par cinq mots-clés, à savoir : partenariat, coopération, défi, transparence et confiance. » En d’autres termes, l’entreprise britannique considère que les syndicats, qui sont à ses yeux un lien précieux avec la base, ne sont pas là pour être “gérés”. « Au contraire, ce sont des partenaires clés, qui peuvent réellement nous apporter une autre vision, déclare le responsable de la relation avec les syndicats. Et même s’il nous arrive d’entrer en conflit, de manière générale, nous privilégions la coopération. » En outre, GFG assure apprécier les remises en question des syndicats. « Les représentants syndicaux sont très au fait du business, du secteur, de la macro-économie. S’ils nous défient sur un thème ou un autre, cela peut nous faire progresser », assure Graeme Taylor. Enfin, ajoute-t-il, « nous voulons travailler avec les syndicats dans le but d’améliorer les performances de l’entreprise. Nous considérons les représentants syndicaux (et les salariés) comme des adultes, à qui nous devons la transparence – sur la situation de l’entreprise, les revers de fortune dans un marché très cyclique comme celui de l’aluminium, la nécessité de couper dans les effectifs, parfois – et nous basons notre relation sur une confiance mutuelle. Ainsi, lorsque nous faisons une promesse, nous l’honorons ».

Un signal fort

Si tout cela peut paraître quelque peu rhétorique, certains exemples prouvent qu’il y a plus qu’un discours bien rodé de la part des RH du groupe britannique. Ainsi, après avoir racheté un laminoir au Pays de Galles, en 2013, le Groupe de la famille Gupta y a suspendu les activités pendant deux ans, le temps de rénover l’outil de production et de régler des dossiers hérités du rachat. « Au lieu de licencier, nous avons offert aux 130 salariés de ne pas venir à l’usine pendant deux ans tout en touchant la moitié de leur salaire, se souvient Graeme Taylor. Certes, certains, ne pouvant pas vivre avec ce montant, ont préféré trouver un poste ailleurs, mais pour revenir, dans certains cas, à la réouverture de l’usine en octobre 2015, poursuit-il. Nous avions promis de faire des investissements pour relancer l’activité et nous l’avons fait. » « Cela a été un signal fort de l’engagement du Groupe, constate en effet le syndicaliste Alasdair McDiarmid, qui se souvient parfaitement de cet accord. Le secteur a beaucoup souffert et nous devons faire face aux difficultés et aux aléas ensemble », conclut-il.

Si cet accord avec les syndicats est, aux yeux du spécialiste RH de GFG, emblématique des bonnes relations entre partenaires sociaux, Graeme Taylor se souvient également d’une situation plus récente : « L’an dernier, nous nous sommes rendu compte que nous avions embauché trop par rapport à un contrat client spécifique. Nous avons alerté les syndicats sur la nécessité de réagir et nous avons négocié avec eux… À la fin, nous n’avons eu que 20 départs, et tous volontaires. » Alasdair McDiarmid, lui, préfère se souvenir d’autres négociations, sur des augmentations de salaires, en période plus faste : « Nous avons obtenu des hausses au-dessus de la moyenne nationale », s’enorgueillit-il. Ce syndicaliste aguerri se veut quand même prudent, puisque « la relation est encore nouvelle, GFG n’étant dans le secteur que depuis quelques années seulement », mais « nous devons au moins lui laisser le bénéfice du doute sur le fait qu’il se comporte en employeur responsable ».

Un employeur responsable qui n’hésite pas à prendre des initiatives, notamment sur la santé au travail – et en particulier la santé mentale, une opération de sensibilisation et de formation appuyée par Community Union – de même que sur la formation professionnelle ou l’apprentissage. Autant de démarches qui ont eu pour origine une suggestion venant des salariés ou de leurs représentants syndicaux, souligne Graeme Taylor. « Nous avons un intérêt commun, conclut le spécialiste de la relation avec les syndicats dans l’entreprise britannique, celui de prospérer pour maintenir de bons jobs, correctement payés. »

Un discours de nature à séduire les syndicats français ? Ceux de l’usine de Châteauroux s’inquiétaient déjà cet été, avant l’annonce de l’acquisition… « Nous savons que les choses sont quelque peu différentes en France, mais nous avons l’intention d’appliquer les mêmes méthodes vis-à-vis des syndicats que celles que nous employons au Royaume-Uni et nous sommes convaincus que cela peut marcher », insiste Graeme Taylor. Si nécessaire, il aura un allié en la personne d’Alasdair McDiarmid. « Si nous entrons en contact avec les syndicats français, nous leur dirons de juger GFG sur ses actions – même si l’historique est limité. C’est un industriel qui veut construire, pas un fonds d’investissement qui veut récupérer sa mise au plus vite », conclut le directeur des opérations pour Community Union.

Dans l’acier, GFG compte 3 000 salariés au Royaume-Uni, dont la moitié sont syndiqués.

70 % des 3 000 salariés sont des ouvriers spécialisés, et 25 % des cols blancs.

Auteur

  • Lys Zohin