La formation des jeunes inclut un permis de conduire VL offert. Une façon de tenter d’attirer vers un métier mal perçu et en tension. Exemple chez Miotto/Les Gentlemen du déménagement.
« Depuis que les jeunes ne font plus l’armée, il y a beaucoup moins de chauffeurs de poids lourds », se lamente Frédérique Dorso, la présidente de l’entreprise Miotto/Les Gentlemen du Déménagement, à Pantin (93). Et comme pour constituer une équipe de déménageurs il faut, à la tête, un chauffeur de poids lourd, les sociétés comme la sienne – indépendantes mais regroupées sous la bannière des Gentlemen du Déménagement – ou les autres, ont du mal à réunir la main-d’œuvre nécessaire pour assurer les activités, en particulier de mai à octobre, période de pointe pour les déménagements.
Comment faire alors ? Le secteur, qui emploie actuellement un total de 11 000 personnes mais en cherche 1 600 de plus, tente de se faire connaître et apprécier dans les collèges. « La profession est peu connue et souffre d’une mauvaise image, celle “d’armoires à glace” », regrette encore la femme d’affaires. Le site web du secteur, avec l’initiative Tremplin, une démarche lancée par la Chambre syndicale du déménagement, cherche en outre à améliorer le processus de recrutement pour les entreprises de la branche. Et il vante le potentiel d’emploi et d’évolution dans le métier. « On a vu plus d’un apprenti ou d’un chauffeur devenir patron », confirme à cet égard Frédérique Dorso. Lancé en septembre 2017 et soutenu par les pouvoirs publics et Pôle emploi, Tremplin commence à donner des résultats concrets, dont la constitution d’un vivier de candidats et de profils. Autant de professionnels directement employables qui peuvent ensuite être mis en relation avec les entreprises participantes à l’initiative. Enfin, la profession mise sur les écoles de formation et sur le petit « plus » qu’elle y a ajouté. Les écoles, et notamment celles qui sont gérées par l’Aftral (l’organisme de formation en transport et logistique), offrent un avantage certain aux jeunes qui entrent en formation : la possibilité, pendant leurs études, de passer gratuitement leur permis de conduire. Certes, c’est un simple permis véhicule léger et non pas un permis poids lourd (encore plus cher à obtenir que le permis de base !) mais « pour de nombreux jeunes sans grands moyens, l’intérêt est évident. « C’est un très bon calcul pour les deux parties », juge la professionnelle du déménagement. Elle a dû embaucher des jeunes déménageurs sans permis à bien des reprises. Difficile ensuite pour eux de prendre la tête d’une équipe…
La présidente de l’entreprise de Pantin fait aussi des efforts pour limiter le turn-over dans sa société. Avec succès : si, dans l’ensemble du secteur, elle estime qu’il se situe à 15 %, chez elle, il est de moins de 1 %. Salaire correct, avantages en tous genres et bonne mutuelle, le tout associé à une culture d’entreprise bienveillante mais exigeante sont autant d’éléments qui permettent de fidéliser les salariés, à défaut d’en recruter davantage… « Certains jeunes ne connaissent pas les codes. Or dans n’importe quelle entreprise de déménagement et encore plus si l’on s’appelle “Les Gentlemen”, nos collaborateurs se doivent d’être polis, discrets, soigneux… Nous les mettons en équipe avec des professionnels plus aguerris et un mimétisme s’installe assez rapidement », relève-t-elle. À l’image de la profession dans son ensemble, Frédérique Dorso voudrait bien recruter 180 personnes, pour prêter main-forte aux 1 200 employés actuels. Pour l’heure, « faute de chauffeurs, nous recourons au transport ferroviaire en caisses mobiles pour une partie des trajets et nous nous associons à d’autres professionnels du secteur pour répondre à certaines demandes », indique-t-elle. La société n’a pas encore refusé de contrats en raison du manque de main-d’œuvre, et compte sur les initiatives de la profession comme les siennes pour ne surtout jamais en arriver là…