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Management : La bienveillance, un dopant de la motivation

Le point sur | publié le : 17.09.2018 | Lys Zohin

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Management : La bienveillance, un dopant de la motivation

Crédit photo Lys Zohin

Le management « par le stress », prôné dans les années 80, a fait son temps. Aujourd’hui, face à la pression que connaissent entreprises, managers et collaborateurs, la bienveillance, dont les vertus sont scientifiquement prouvées, est à l’honneur. Seul défaut, elle prend du temps. Explications.

Jamais – sous la pression de la révolution numérique, des nouvelles façons de gérer des projets, de la concurrence internationale – les managers n’ont été aussi stressés. De quoi parfois réagir brutalement face à leurs équipes. Et de quoi désengager ces dernières… Pas étonnant qu’en parallèle, jamais le management bienveillant n’a été autant mis en avant. « Si l’on en parle, c’est que le management bienveillant peut jouer sur ces deux paramètres : la hausse du stress et la baisse de l’engagement », précise Philippe Rodet, ancien médecin urgentiste et désormais consultant spécialisé*.

« Le seul problème, poursuit-il, c’est qu’une fois le management bienveillant mis en place au sein des encadrants, deux à quatre ans sont nécessaires pour en voir les effets sur les encadrés. »

Et d’enchaîner : « Chez l’un de mes clients, une enquête BVA a montré qu’entre la mise en œuvre de techniques de management bienveillant, début 2014, et octobre 2017, le niveau de motivation des collaborateurs avait grimpé à 51 %. La moyenne française se situant sur les niveaux de… 28 %. »

Pourquoi faut-il tant de temps pour que les premiers résultats apparaissent ? « Parce qu’on travaille sur les comportements », répond le spécialiste.

Et il ne s’agit pas – même si certains managers doivent aussi apprendre à le faire – de simplement penser à dire bonjour le matin ou de s’isoler pour faire un commentaire sur la performance d’un collaborateur.

Une impulsion venue « du haut »

La bienveillance, c’est plus compliqué que cela. Mais, bonne nouvelle, cela s’apprend. Attention, un petit discours organisé par les RH avec un spécialiste sur le fait qu’être gentil est bon pour la performance générale de l’organisation ne suffit pas. La mise en œuvre d’un management bienveillant doit d’abord s’appuyer sur une impulsion venue « du haut », autrement dit, de l’équipe dirigeante ou des RH. Et elle passe ensuite par une prise de conscience des managers – pas si facile que cela à obtenir de la part d’un cadre pressé ou sûr de son fait lorsqu’il s’agit de gestion humaine, apprise, ou non, dans une école de commerce… Enfin, elle fonctionne mieux avec des incitations : « Dans trois semaines, vous m’enverrez un e-mail me décrivant vos premières pratiques », demande ainsi le médecin devenu consultant, histoire de motiver les troupes. Il s’appuie également sur plusieurs leviers. À commencer par la lutte contre le stress.

« Mon côté médecin m’aide, au sens où j’explique comment et combien le stress affecte l’organisme, par exemple », indique Philippe Rodet. Une fois le manager convaincu qu’il retrouvera la sérénité – à condition de pratiquer une activité physique, de prendre un peu de temps pour lui pour méditer ou se relaxer, et de bien s’alimenter, le tout avec persévérance –, la partie est bien engagée.

Mais elle n’est pas gagnée pour autant. D’autres leviers peuvent (et doivent) être actionnés, comme le comportement vis-à-vis des collaborateurs.

Et le spécialiste de la bienveillance en entreprise a un secret : donner du sens. Autrement dit, expliquer, au détour d’une phrase, à quel point un collaborateur est utile à l’organisation. Cela ressemble fort à la fameuse anecdote du jardinier de Cap Canaveral, à qui le président Kennedy demandait ce qu’il faisait et qui a répondu : « J’aide à envoyer des hommes sur la lune ».

Autre astuce : « Fixer le bon niveau d’objectif », révèle Philippe Rodet. Ce qui ne veut pas dire des objectifs trop ambitieux, « mais juste au-dessus des capacités du collaborateur ». De quoi mettre l’individu dans un état de concentration – de « flow », dit l’ancien médecin – grâce aux ondes activées dans le cerveau, et qui lui permettront de se sentir bien et d’être particulièrement efficace.

Enfin, le manager et les RH doivent également trouver le bon niveau d’autonomie pour les équipes. Là encore, les études scientifiques le prouvent, si l’on montre que l’on fait confiance à quelqu’un, la personne qui bénéficie de cette confiance ressent des émotions positives, de nature à l’inciter à bien faire. Sans oublier, bien sûr, quelques éléments de base du partage, comme remercier les collaborateurs pour leur travail, et encourager ceux qui sont en difficulté avec un : « Je vais vous aider et nous allons réussir », de même qu’admettre, sans façon, que l’on a été trop ferme ou que l’on regrette une remarque qui a pu être vécue comme désobligeante.

« Le manager doit être perçu comme juste », résume à cet égard Philippe Rodet.

Autant dire que le gestionnaire d’équipe bienveillant doit aussi savoir être humble et montrer « sa part d’humanité », poursuit-il. Pas évident dans une culture française pétrie de hiérarchie, de culte du savoir et de confiance en soi limitée puisque peu enseignée à l’école…

« Je stresse mes collaborateurs, sinon ils ne font rien »

« Le problème du comportement, déclare Clément Leroy, psychologue cogniticien spécialiste des mécanismes d’apprentissage et de motivation, c’est que non seulement ceux qui sont acquis depuis l’enfance, sont si sédimentés qu’ils sont difficiles à faire disparaître, mais qu’en plus, les anciens comportements, comme celui qui consistait à dire – et je l’entends malheureusement encore – « Je stresse mes collaborateurs, sinon ils ne font rien », marchait il y a encore peu. C’est le fameux management by stress des années 1980 à 2000. Or le contexte a évolué, avec notamment l’avènement du numérique, à la fois source de stress supplémentaire et canal de diffusion très rapide de l’information, de nature à niveler la hiérarchie… Autant dire que les anciennes formules ne fonctionnent plus et nombreuses sont les organisations qui s’en rendent compte. »

« Une discipline de tous les instants »

« La gentillesse, une seconde nature ? Pas chez tout le monde !, s’exclame Clément Leroy, psychologue cogniticien. Mais dans neuf cas sur dix, les managers « non bienveillants » sont réceptifs dès lors qu’on leur explique les effets du stress sur l’organisme, ou, à l’inverse, l’apport de la dopamine, neurotransmetteur de la motivation. Cela dit, même si un manager traditionnel se rend compte que la bienveillance « paie », être un manager bienveillant implique en fait une discipline de tous les instants. Il faut être exemplaire et s’appliquer à soi-même les conseils à donner aux équipes comme la pratique d’un sport ou autre ; être juste et perçu comme tel par ses équipes ; faire preuve d’intelligence émotionnelle et situationnelle. Bref, tout sauf une sinécure ! Mais l’avantage, c’est que la bienveillance est contagieuse, et que si un manager est entouré d’autres cadres ayant déjà adopté ce principe, un cercle vertueux s’enclenche rapidement. »

Retrouvez Philippe Rodet au colloque « Les Assises du droit social : les visages du travail de demain », le 20 septembre 2018 à la Maison de la Mutualité, à Paris.

* Auteur de Aurélien, c’est papa, je t’aime (et si la bienveillance sauvait des vies), Éditions Eyrolles, 2018.

Auteur

  • Lys Zohin

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