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Travail indépendant : Le malaise des IRP

Le point sur | publié le : 10.09.2018 | Benjamin D’Alguerre

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Travail indépendant : Le malaise des IRP

Crédit photo Benjamin D’Alguerre

Percutés par le recours des entreprises à des prestataires free-lance pour exercer des missions hier couvertes par des emplois salariés, syndicats et IRP doivent se montrer imaginatifs pour concevoir de nouvelles formes de dialogue social.

Quand on lui parle de « travailleurs indépendants », Robin Samson, coach en management et président de RISE-Révolution, le premier syndicat de « slasheurs », sourit. « J’ai travaillé dix ans dans une institution où le poids financier des prestataires free-lance pesait autant que la masse salariale de l’entreprise et où leur « indépendance » était telle que, parfois, les RH de la boîte validaient leurs congés. » Des exemples de cet acabit, Jean-Luc Molins, secrétaire national de l’Ugict-CGT, en a plein sa besace, tels ces ingénieurs « free-lance » chez Caterpillar, chargés de piloter des lignes de production tout en exerçant leur activité sous l’égide de la convention collective du Syntec plutôt que de celle de la métallurgie qui couvre les salariés « classiques » de l’entreprise.

Ou ces « prestataires » qui officient chez Altran sans avoir la main sur leurs horaires et leur durée de travail, calqués sur ceux des salariés. Marginal ? « La pratique consistant à recruter un jeune ingénieur en tant que consultant plutôt que de l’embaucher comme cadre s’est généralisée », affirme au contraire ce syndicaliste, ancien membre de la commission Mettling sur la transformation du travail par les nouveaux usages numériques.

De fait, si elle reste encore exceptionnelle par rapport à l’embauche sous statut salarié, la pratique du recours à des prestataires extérieurs à l’entreprise pour y exercer des activités relevant habituellement du salariat se développe. Y compris pour des tâches d’encadrement ou de management dans le cadre de « missions » dont la durée peut se compter désormais en années. Comment gérer ces collaborateurs qui n’en sont pas vraiment, mais qui évoluent dans l’entreprise sans pour autant bénéficier des avantages (conventions collectives, protection sociale, accords de branches…) des salariés ?

Le sujet percute les organisations syndicales et les représentants du personnel. « Forcément, cette situation pose la question de l’extension du périmètre des IRP », reconnaît Éric Pérès, secrétaire général de FO-cadres. La question divise les syndicalistes au sein des entreprises, entre ceux qui estiment que le sort des free-lances ne relève pas de leur compétence et les autres (plus rares) qui estiment légitime de les faire bénéficier d’un maximum de garanties sociales nées de la négociation collective… sans forcément y parvenir, cependant. Quant à créer un troisième statut hybride, entre l’indépendant et le salarié, les syndicats y sont quasi unanimement opposés.

Membres de la communauté de travail

Il n’empêche. Alors que les syndicats gambergent, les employeurs s’emparent des possibilités que leur offrent ces nouvelles formes de travail. Et les entreprises publiques ou parapubliques ne sont pas les dernières à y recourir. « On a connu le cas d’anciens formateurs salariés de l’Afpa revenir exercer avec le statut d’autoentrepreneur », déplore Éric Pérès. Face à cela, les organisations syndicales sont encouragées à se montrer imaginatives. « L’enjeu, c’est de faire reconnaître les indépendants comme membres à part entière de la communauté de travail », résume Jean-Luc Molins, dont l’organisation milite pour la création d’une « sécurité sociale professionnelle » ouverte à l’ensemble des actifs qui prendrait la forme de droits (formation, sécurité sociale, santé…) ouverts à tous les individus tout au long de leur parcours professionnel, indépendamment de leur statut.

D’autres, inspirés par le développement de « l’esprit start-up », imaginent la mise en place de « médiateurs » entre les travailleurs (quel que soit leur statut) et les donneurs d’ordres. C’est le cas de RISE-Révolution, syndicat de « slasheurs » (ces individus qui exercent plusieurs activités sous statuts différents), que Robin Samson préside depuis sa création en juin 2018. Originalité : cette organisation, qui revendique sa nature syndicale, ambitionne de réunir salariés et entrepreneurs sous le même pavillon. « Aujourd’hui, les gens n’attachent plus la même importance au contrat de travail que leurs parents ou grands-parents. Il faut donc trouver de nouveaux espaces de discussions avec un médiateur neutre qui fasse office de tampon entre des DRH et les travailleurs », affirme son président. RISE-Révolution devrait, dans les mois à venir, se faire les dents en tentant une première médiation entre la direction d’une célèbre plateforme et les travailleurs qui y sont attachés. Il n’est pas dit cependant que ce genre d’initiative puisse trouver sa place dans le dialogue social – malgré la bonne volonté affichée.

Auteur

  • Benjamin D’Alguerre