Développeurs en informatique ou ingénieurs, chauffeurs, balayeurs ou livreurs, ils ont un point commun : l’indépendance – choisie ou subie. Et depuis peu, des syndicats tentent de leur obtenir les mêmes droits que les salariés.
Ils prennent souvent le même bus, mis à leur disposition pour rejoindre leur poste, au siège des géants comme Google, Facebook ou Apple, dans des bâtiments clinquants de la Silicon Valley. Les uns sont ingénieurs en informatique ou développeurs, les autres conduisent le bus, font la plonge à la cafétéria ou le ménage dans les bureaux. Certains sont salariés, d’autres – la plupart – « travailleurs indépendants ». D’ailleurs, au début de cette année et pour la première fois depuis la naissance de Google, il y a vingt ans, le nombre des free-lances dans la société a dépassé celui des salariés.
Sur fond de libéralisme antisyndical – après tout, la Tech était supposée être l’outil démocratique par excellence, mettant l’information à portée de tous et libérant le potentiel individuel de chacun –, les cols blancs se satisfaisaient jusqu’à présent des généreux honoraires offerts par le secteur. Mais voici qu’ils se rebiffent. En 2015, certains, salariés comme indépendants, ont fondé la Tech Workers Coalition, d’autres, Tech Solidarity et Silicon Valley Rising. Le but ? Forger une solidarité entre tous les travailleurs de la Valley, quel que soit leur statut, quels que soient leurs revenus. Un pari, qui n’a pas encore porté ses fruits mais qui illustre une nouvelle tendance, dans le sillage de la gig economy (économie des indépendants).
C’est aussi à la faveur de cette évolution économique que de nouveaux syndicats ont vu le jour au Royaume-Uni ces dernières années : l’Independent Workers Union of Great Britain (IWGB) a été fondé en 2012 et l’United Voices of the World (UVW) en 2014. Grèves, manifestations, campagnes, poursuites en justice : ces nouvelles organisations font feu de tout bois pour sensibiliser l’opinion sur le sort des indépendants, en particulier les plus précaires, et leur obtenir des droits à un taux horaire décent, une assurance maladie, des congés payés…
Ces deux Lilliputiens – l’IWGB n’affiche que 2 500 membres contre 5,5 millions dans 48 syndicats pour le TUC (Trade Union Congress, confédération des syndicats) – peuvent déjà s’enorgueillir de quelques belles victoires. Ainsi, le 1er mars dernier, l’IWGB est devenu le premier syndicat désigné comme représentant reconnu dans les négociations collectives au sein de la santé publique (la NHS) pour défendre les droits des coursiers qui livrent des médicaments, par exemple, et dont le statut est celui de « sous-traitants indépendants ». Depuis l’été, la même organisation syndicale, qui mène une bataille contre l’université de Londres en faveur des préposés (indépendants) au ménage et à la réception, a marqué des points : l’affaire sera bien entendue par la justice et pourrait, en cas de victoire, permettre aux indépendants de s’appuyer sur l’IWGB pour des négociations collectives offertes pour l’instant aux seuls salariés. Les syndicats comptent également d’autres victoires, comme l’engagement, pris par une société de livraison il y a quelques mois, d’offrir à ses chauffeurs l’option de devenir salariés. Ainsi, « on verra bien s’ils veulent vraiment, comme le jurent souvent les sociétés du secteur, rester indépendants », avançait Gaby Hinsliff, éditorialiste pour The Guardian, dans le sillage de l’annonce… ?
Pas de nouveaux syndicats outre-Rhin, en revanche. Ce sont les organisations historiques qui luttent pour les droits des indépendants. Avec un succès très limité pour l’instant. De fait, si, depuis l’introduction du salaire minimum en 2015, IG Metall et Ver.di poussent pour une rémunération minimum des travailleurs indépendants, ils n’ont pas encore obtenu gain de cause, malgré leur poids dans l’économie allemande.
→ Juillet 2015
Interdiction en France de l’appli UberPop.
→ 18 novembre 2015
Première manifestation du syndicat CAPA-VTC qui s’affilie à FO en juin 2017.
→ Février 2017
Création du syndicat des coursiers à vélo de Gironde affilié à la CGT. Première manifestation à Bordeaux les 27 et 28 août 2017.
→ Août 2017
Création du syndicat SCP-VTC affilié à l’Unsa Transports.
→ Novembre 2018
Lancement de la plateforme CFDT Union par la fédération cédétiste de la communication, du conseil et de la culture (F3C). En échange d’1 % du chiffre d’affaires, la plateforme offre aux indépendants une assurance responsabilité civile professionnelle, un service de conseil et une protection juridique. La plateforme permet également de télécharger des modèles de devis ou de factures.