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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 10.09.2018 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Les dirigeantes sont-elles des garçons manqués ?

D’après la chanson,

être une femme libérée n’est pas si facile. Je ne sais pas si les dirigeantes sont des femmes libérées, mais être une femme dirigeante n’est pas si facile. De nombreuses lois visent à combattre les discriminations au travail et briser le « plafond de verre » qui limite la carrière des femmes, en particulier après leur maternité. Cependant, ces obligations juridiques ont abouti jusqu’ici à des résultats plutôt mitigés.

Pour convaincre les dirigeants

de recruter et promouvoir plus de femmes sur des postes à responsabilité, la complémentarité entre les styles de management masculins et féminins est mise en avant. Les femmes seraient plus bienveillantes et moins compétitives dans leur manière de manager par exemple. Par conséquent, une meilleure parité au sommet de l’entreprise permettrait plus de diversité et, par ricochet, plus de performance.

Voilà le discours

que l’on nous vend depuis dix ans. Mais qu’en est-il en réalité ? Les femmes cadres supérieures sont-elles vraiment différentes des hommes cadres supérieurs ? Peu d’études ont été faites jusqu’ici pour confirmer ou infirmer cette croyance. D’où l’intérêt d’une enquête pilotée par Bart Wille, de l’université d’Anvers, qui vient d’être publiée dans Journal of Vocational Behavior*.

À partir de l’analyse de tests

de personnalité de plus de 52 000 salariés, Bart Wille et son équipe montrent qu’il existe bel et bien des différences de personnalité entre les femmes et les hommes. Les femmes sont généralement plus coopératives et plus tournées vers l’humain, mais moins stables émotionnellement et moins extraverties que la gent masculine.

Toutefois, plus on monte dans la hiérarchie,

plus ces différences s’estompent : les femmes cadres supérieures ont un profil fort similaire à celui des hommes cadres supérieurs ; elles présentent essentiellement des traits dits masculins. On note ainsi qu’il y a relativement peu de différences de personnalité entre les hommes occupant des positions hiérarchiques différentes, tandis que les femmes en haut de l’échelle sociale ont une personnalité différente des femmes en bas de l’échelle sociale.

Cette étude

remet donc en cause la vision naturaliste selon laquelle embaucher plus de femmes à des postes à responsabilité aboutirait à plus de diversité : les femmes qui accèdent à ces postes ressemblent beaucoup à leurs homologues masculins. La diversité obtenue est donc faible : elle existe surtout sur le papier !

Pour briser le plafond de verre,

on pourrait inciter les femmes à ressembler aux hommes, à les imiter dans leurs comportements au travail. Ceci est toutefois une fausse bonne idée puisqu’elle repose sur une auto-contradiction : on conseille aux femmes de rentrer dans le moule masculin au nom de la diversité ! De plus, les femmes qui ont des traits dits masculins ne sont pas toujours bien vues : l’ambition est généralement perçue positivement chez un homme, plus souvent négativement chez une femme.

Bref, la vraie diversité

consisterait à promouvoir aux postes clés de l’entreprise des femmes et des hommes ayant surtout des traits de personnalité dits féminins.

* Wille, B., Wiernik, B. M., Vergauwe, J., Vrijdags, A., & Trbovic, N. (2018). Personality characteristics of male and female executives : Distinct pathways to success ?. Journal of Vocational Behavior, 106, 220-235.

Auteur

  • Denis Monneuse