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Transformation digitale : DRH, un métier à réinventer

Le point sur | publié le : 03.09.2018 | Nathalie Tran

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Transformation digitale : DRH, un métier à réinventer

Crédit photo Nathalie Tran

Bousculée par la digitalisation de ses propres activités, la fonction RH est par ailleurs en première ligne pour accompagner la transformation numérique de l’entreprise. Une situation qui l’invite à se remettre en question et à conforter son rôle stratégique au sein de l’organisation.

Dématérialisation des bulletins de paie, recrutement et gestion des talents automatisés, coffres-forts numériques, validation managériale par workflow, déclaration sociale nominative (DSN)… La digitalisation des services RH est en marche. Plus d’un DRH sur deux (51 %), interrogé en 2017 par la société d’études Markess, considérait sa fonction « mature vis-à-vis du digital », alors qu’ils étaient moins d’un tiers (31 %) un an plus tôt. Une nouvelle donne qui bouleverse les pratiques des professionnels des ressources humaines et transforme aujourd’hui leur métier en profondeur. En leur permettant de s’affranchir des tâches fastidieuses et chronophages, à faible valeur ajoutée, le digital les amène à se recentrer sur leur cœur de métier et à valoriser leur expertise afin d’accompagner la transformation de l’entreprise.

Mazars, qui recrute 80 % de jeunes collaborateurs et affiche un turn-over de plus de 20 %, est l’une des premières entreprises à s’être emparées du sujet il y a maintenant près de cinq ans. Et à avoir placé l’équipe RH au cœur de sa transformation numérique. « Nous devions être en phase avec les attentes des jeunes générations, mais aussi avec la société », précise Mathilde Le Coz, la directrice de l’innovation RH. C’est un enjeu de marque employeur, d’attractivité, d’efficacité, mais aussi une question de survie qui a conduit le cabinet de conseil et d’audit à repenser son organisation et son management. La démarche s’est traduite par la création de services et d’applis maison pour faciliter la vie des collaborateurs, un engagement fort en matière de RSE, de diversité et de parité, l’instauration d’un meilleur équilibre vie professionnelle/vie personnelle, un travail de prévention contre les excès que peut engendrer l’usage du digital et la prise en compte de l’expérience collaborateur. « Chez Mazars, les RH sont des accompagnateurs de la conduite du changement, des entraîneurs au service de leurs clients internes. Ils ont été formés au coaching, aux techniques de créativité et de facilitation. Nous avons réinventé la fonction RH en nous positionnant sur des terrains qui nous plaisaient, en étant force de propositions. Nous allons devoir maintenir une dynamique dans un environnement en mouvement permanent. Cela demande un travail de veille assidu, d’être à l’affût des nouvelles technologies et de challenger ce qui se fait à l’extérieur », résume Mathilde Le Coz.

Une opportunité pour les RH

Une fonction RH proactive sur la digitalisation de ses propres activités est, certes, davantage légitime pour accompagner l’entreprise dans sa mutation et insuffler une nouvelle culture managériale. Un rôle qu’elle doit prendre en main si elle veut trouver sa place vis-à-vis des autres directions, estime Sandrine Perrien, responsable du développement RH Groupe chez Gras Savoye Willis Towers Watson. « Le digital modifie les rapports hiérarchiques, il appartient au DRH d’alerter la direction générale sur la nécessité de retravailler les modèles d’organisation et de gouvernance, et de libérer les capacités d’innovation au sein de l’entreprise », dit-elle. Pour prendre le virage numérique, et embarquer l’ensemble des collaborateurs dans l’aventure, l’assureur a misé sur le reverse mentoring ou mentorat inversé. L’idée : faire former ses dirigeants aux enjeux du numérique et des réseaux sociaux par des digital natives. Un procédé qui demande « beaucoup de bienveillance des deux côtés », souligne Sandrine Perrien, mais a permis de porter l’innovation au niveau stratégique.

À cet égard, le digital est une formidable opportunité pour les professionnels des ressources humaines de se positionner comme des acteurs clés de la transformation de l’entreprise et renforcer leur position au sein de l’organisation. À condition, toutefois, de la saisir. « Tout va dépendre de leur capacité à réinventer leur fonction, remarque Michel Barabel, professeur affilié à Sciences Po Executive Education, maître de conférences à l’université Paris Est. Dans certaines sociétés, ils vont être très puissants, autant voire plus que les DAF, dans d’autres, au contraire, s’ils n’ont pas le leadership et l’expertise nécessaires, ils vont voir leur rôle rétrécir et se faire suppléer par le chief digital officer sur le terrain de la transformation numérique, par le responsable RSE sur les enjeux sociétaux ou par un manager opérationnel sur l’intelligence collective. » L’automatisation des pratiques RH implique une plus grande polyvalence et une montée en compétences à laquelle les responsables des ressources humaines n’échappent pas, sous peine d’être rapidement distancés. « Au-delà de leur rôle traditionnel, qui consiste à faire une paie parfaite, déployer des processus administratifs centrés sur les utilisateurs, accompagner la montée en compétences des collaborateurs et gérer les relations sociales, les DRH vont devoir développer une forte capacité d’analyse (grâce notamment aux data RH) et de conseil (méthodes agiles, conduite de projet complexe…), réaliser des analyses prospectives, exceller dans l’humain (accompagnement individuel et collectif) et avoir une forte appétence pour les solutions technologiques (interface hommes/machines, IA…) », note Michel Barabel.

Une fonction d’aide à la décision

Le métier revêt une coloration économique de plus en plus marquée, constate par ailleurs Sandrine Perrien. « Notre rôle est de réfléchir à l’impact du numérique, aux compétences amenées à disparaître, à celles qui au contraire vont être à même de se développer, à celles dont nous allons devoir nous doter, et aux formations à mettre en place pour accompagner ces évolutions. Il est essentiel de comprendre son organisation, son marché, ses métiers, quels sont ses concurrents pour diagnostiquer ou pour anticiper toutes ces évolutions », précise-t-elle. Et si les nouveaux outils RH sont une aide précieuse en matière de gestion de talents et de compétences, ils appellent, en effet, de nouvelles aptitudes. « Nous disposons d’une formidable base de données, mais encore faut-il être en mesure de l’utiliser pour pouvoir éclairer les décisions du Comex. Il est essentiel de former les cadres RH à l’analyse des données pour se positionner sur ce terrain stratégique. Les Ressources humaines ne sont pas une fonction administrative, mais une fonction d’aide à la décision, rappelle Sandrine Perrien. Or si les DRH ne sont pas vigilants sur leur rôle de business partners, ils n’occuperont pas cette position stratégique. »

Auteur

  • Nathalie Tran