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« Le multi-statut n’est quasiment pas abordé dans les études RH »

Le point sur | publié le : 03.09.2018 | Benjamin D’Alguerre

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« Le multi-statut n’est quasiment pas abordé dans les études RH »

Crédit photo Benjamin D’Alguerre

La question de l’emploi sous plusieurs statuts restant marginale dans les entreprises, elle n’est que peu abordée dans les cursus RH. « C’est certainement une erreur », explique François Gueuze, consultant et enseignant en master aux IAE Lille et Montpellier, ainsi qu’à Paris 12.

Les étudiants en ressources humaines sont-ils formés à la question de l’emploi sous plusieurs statuts au sein des entreprises ?

Très mal ! C’est un sujet qui n’est quasiment pas abordé dans les études RH. Ce qui constitue d’ailleurs un véritable problème puisque cette pratique existe, même si elle reste minoritaire et surtout cantonnée au secteur informatique. À titre personnel, je n’évoque ce sujet que devant mes étudiants du master SIRH (systèmes d’information RH) à l’IAE Montpellier. Pourquoi ? Parce que dans le futur, ces étudiants seront amenés à réfléchir en termes de stratégies et de politiques SIRH dans les entreprises : donc à penser le cas des travailleurs intégrés aux équipes de l’entreprise sans en être salariés et qui dépendent d’un contrat commercial, plutôt que de travail. L’entreprise donneuse d’ordres n’est donc pas tenue de s’occuper de la gestion de leurs compétences : et c’est précisément là qu’est le souci lorsque vous mêlez salariés, prestataires portés par une ESN (entreprises de services numériques, anciennement SSII) et indépendants pur sucre. Sans même aller jusqu’à évoquer toutes les contraintes liées à la RGPD, qu’est-ce qui garantit l’employeur que son prestataire extérieur dispose bien des compétences requises pour le travail à effectuer et que ses connaissances sont bien à jour ? Les ESN sont censées garantir les compétences de leurs salariés, mais quid des freelances ? Quelle assurance qu’ils consacrent chaque année une partie de leur temps et de leurs budgets à enrichir leurs compétences ? La fonction RH devrait être formée à répondre à ce genre de questions… mais ce n’est pas le cas pour l’instant.

Pourquoi ?

Pour l’instant, la composition d’équipes « mixtes » est encore une pratique peu répandue dans les entreprises. Si l’on en croit l’Insee, la proportion du travail salarié et indépendant demeure la même depuis des décennies sur une base 90 %/10 %. Ce qui change, en revanche, c’est la nature de ce travail indépendant : les artisans et agriculteurs qui en constituaient les grandes cohortes disparaissent au profit de métiers du tertiaire supérieur parmi lesquels on retrouve consultants et coachs.

A contrario, comment se fait-il que les établissements d’enseignement et les responsables pédagogiques ne soient pas plus actifs à intégrer ce phénomène dans les cursus ?

Pour des raisons pratiques : un master, c’est 400 heures de formation sur une année et nous avons déjà du mal à finir le programme complet… intégrer une pratique encore marginale n’est pas forcément la priorité. D’autant que l’enseignement RH porte essentiellement sur des compétences utiles à trois ou cinq ans tant le métier évolue rapidement. Il faut faire des choix dans les contenus. Mais d’un autre côté, les étudiants eux-mêmes n’appréhendent pas ce phénomène. À l’exception du master SIRH où ils y sont sensibilisés, les étudiants se projettent vers les grandes entreprises ou, tout au moins, les entreprises conventionnelles. Ces réflexions leur échappent. Sur les quinze étudiants de l’un des masters RH « classique » où j’enseigne, une seule m’a déjà interrogée sur ce type d’environnement. Quant aux étudiants venus au titre de la formation continue, ils ne sont guère plus curieux. Souvent, ils sont issus du monde de l’entreprise et viennent avec un projet d’évolution professionnelle. Ils sont davantage intéressés par la gestion sociale ou la formation, par exemple, que par ces problématiques d’emploi sous plusieurs statuts. Et côté enseignants, nous abordons trop rarement ce sujet. C’est certainement une erreur.

Auteur

  • Benjamin D’Alguerre