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Le fait de la semaine

Santé au travail : Priorité à la prévention

Le fait de la semaine | publié le : 03.09.2018 | Nathalie Tran

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Santé au travail : Priorité à la prévention

Crédit photo Nathalie Tran

Pour rendre le système de santé au travail plus efficace, le rapport Lecocq préconise de fusionner l’ensemble des acteurs, d’inciter financièrement les entreprises à s’engager dans la prévention primaire et de simplifier l’évaluation des risques.

Un système plus tourné vers la réparation que vers la prévention, de nombreux acteurs souvent mal coordonnés entre eux, une offre d’accompagnement qualitative mais extrêmement dense, un véritable « mille-feuille », selon l’expression du Premier ministre, dans lequel les entreprises se perdent… Le constat est sans appel. Pour rendre lisible et améliorer le fonctionnement d’un système de santé au travail « trop complexe » et « construit par strates successives », les auteurs du rapport préconisent une remise à plat totale. « Le rapport présente une réforme de fond. Il remet la prévention primaire au centre du système et propose un paritarisme au sein de la nouvelle architecture qui nous va bien, reconnaît Catherine Pinchaut, secrétaire nationale à la CFDT. Il faut maintenant transformer l’essai pour aller plus loin. » Redessiner les contours de la santé au travail sera, en effet, l’objet des négociations qui devraient aboutir sur un projet de loi à l’horizon 2019 et au menu des rencontres bilatérales entre le gouvernement et les partenaires sociaux débutées le 29 août.

C’est sur les « besoins des usagers » et l’audition de l’ensemble des acteurs, avec en ligne de mire la qualité de vie au travail, positionnée comme un objectif par Édouard Philippe dans sa lettre de mission, que les rapporteurs ont fondé leur réflexion. « Nous avons souhaité, pour lancer nos travaux, prendre le pouls des salariés, des entreprises, en particulier les TPE et PME, des travailleurs indépendants, des médecins, des directeurs, des infirmiers en santé au travail, des consultants, des conseillers en prévention, etc. », indiquent les rapporteurs.

Pour « assurer aux entreprises et à leurs salariés un meilleur service et une plus grande visibilité de l’action des acteurs de la santé au travail », la mission prône la fusion de ces derniers au sein d’un seul et unique établissement. Baptisé « France Santé Travail », cet organisme public, placé sous la tutelle des ministères du Travail et de la Santé, réunirait l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité), l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) et l’OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du BTP), afin de piloter, au niveau national, le Plan Santé Travail 2016-2020. Il chapoterait, par ailleurs, des entités régionales répondant à ce même principe d’interlocuteur unique. Ces structures de droit privé permettraient aux entreprises d’accéder à « une offre de service certifiée, homogène, accessible et lisible », souligne le rapport. Elles regrouperaient les SSTI (services de santé au travail interentreprises), les Aract (associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail), les agents des Carsat (Caisses d’assurance retraite et de santé au travail) travaillant à la prévention ainsi que les agences régionales de l’OPPVTP, qui opéreraient main dans la main, en mode projet.

Nouvelle « porte d’entrée du système » de santé au travail, ces structures assureraient désormais, au niveau des territoires, le suivi individuel obligatoire de l’état de santé des travailleurs, l’accompagnement des entreprises dans la mise en place de leurs plans de prévention, la formation des acteurs de l’entreprise (managers de proximité et membres de CSE), le maintien dans l’emploi ou l’adaptation du poste de travail… Une cellule composée d’une équipe pluridisciplinaire serait spécifiquement dédiée à la prise en charge des RPS au sein de chacune d’entre elles. Une proposition à laquelle n’adhère toutefois pas la FIRPS (Fédération des intervenants en risques psychosociaux). Selon son président, François Cochet : « Isoler la question des RPS n’est pas la meilleure façon de les traiter. Le risque est de faire seulement de l’accompagnement individuel sans agir aussi en prévention primaire, qui elle, demande d’envisager le sujet en amont, sous l’angle du management et de l’organisation du travail. »

Récompenser les vertueux

Côté financement, la mission souhaite également regrouper les contributions financières AT-MP avec celles versées aux SSTI, et aux OPPBTP pour les employeurs du BTP. Les entreprises seraient redevables d’une cotisation unique « travail-santé », directement recouvrée par les Urssaf, qui pourrait être modulée selon leur risque spécifique ou leur démarche en matière d’amélioration de la santé au travail. Plutôt que de menacer de sanction les mauvaises élèves, les auteurs du rapport envisagent de récompenser les plus vertueuses, celles qui recourraient à des prestations de prévention hors de la structure régionale, par une réduction de leur cotisation. L’enjeu affiché par la mission est de faire émerger une nouvelle culture de la prévention au sein des entreprises et d’engager ces dernières dans une démarche proactive. « Les employeurs sont encore souvent guidés par la contrainte administrative et le respect formel d’obligations réglementaires davantage qu’ils ne le sont par la conviction du lien entre performance globale et santé », soulignent-ils. Cette approche irait de pair avec une augmentation significative des aides, qui pourraient être financées à partir des excédents de la branche AT-MP, mais aussi avec la mise en place d’actions de sensibilisation auprès des dirigeants sur le lien santé au travail et performance globale de l’entreprise, et un accompagnement dans l’élaboration et le suivi d’indicateurs de performance afin de leur permettre de suivre le retour sur leur investissement en matière de prévention.

La mission invite, par ailleurs, à former les managers de proximité et les membres du CSE pour « mieux prendre en charge la prévention des risques liés aux organisations de travail et à leurs transformations », et à impliquer les salariés dans la démarche. Elle engage également à simplifier l’évaluation des risques dans les plus petites entreprises et à rendre obligatoire un seul document pour toutes les entreprises : le plan de prévention des risques qui se substituerait au document unique d’évaluation des risques (DUER).

Ouvrir aux travailleurs indépendants

Pour tenir compte de l’évolution du travail et des nouvelles formes d’emploi, le rapport Lecocq préconise, enfin, d’ouvrir les prestations aux travailleurs indépendants. « Il apparaît de moins en moins justifiable d’opérer une distinction entre les personnes en raison de leur différence de statut juridique alors qu’au sein d’une même communauté de travail (salarié et indépendant), voire dans la même entreprise (CDI, intérimaire, CDD, stagiaire), elles cohabitent et sont exposées aux mêmes risques », souligne-t-il. Une évolution « en phase avec la société de demain », se félicite Catherine Pinchaut. Une orientation qui « donnerait une image plus proche des donneurs d’ordres qui pourraient ainsi comprendre que la bonne santé au travail est un élément essentiel des performances de l’entreprise », selon FO, et irait dans le sens d’une santé au travail véritablement pour tous.

La santé au travail en quelques chiffres

• 2 milliards d’euros : budget consacré à la prévention en France.

• 1,6 milliard d’euros : cotisation des employeurs auprès de 240 SST.

• 7,5 millions de visites médicales obligatoires par an.

• 640 000 accidents du travail en France par an.

• 500 accidents du travail mortels par an.

• Plus de 48 000 maladies professionnelles reconnues par an par le régime général.

Auteur

  • Nathalie Tran