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Sur le terrain

Management : Norelem ou le travail libéré

Sur le terrain | publié le : 27.08.2018 | Lucie Tanneau

Depuis 2006, l’entreprise de pièces mécaniques fonctionne avec une hiérarchie réduite et une grande autonomie des salariés. Un choix qui s’est imposé dans les pratiques plus qu’une volonté théorique.

Manque de main-d’œuvre et nécessité de garder le savoir-faire présent : une équation difficile vue de Fontaine-les-Grès, dans la campagne auboise. Pour y faire face, la société Norelem, spécialiste de la fabrication de pièces de mécanique de précision (des « éléments normalisés », d’où le nom de la société), a adopté sans le savoir les principes des entreprises dites libérées. Le début du changement date de 2006, lors du rachat de la société par un groupe allemand, avec l’arrivée à sa tête de Russel Kelly. « Quand on a entendu parler des entreprises libérées, on s’est rendu compte qu’on était dedans : on ne s’était pas dit, c’est quoi le manuel ? Les choses se sont mises en place naturellement », présente Linda Lopez, nommée DRH en 2010.

Concrètement, l’autonomie passe d’abord par les horaires. « En production, les gens arrivent entre 7 heures et 9 heures : les équipes s’organisent pour faire tourner les machines et gèrent le volume de production en fonction des commandes, détaille-t-elle. Ils connaissent leur métier, on leur fait confiance. » En administration des ventes (ADV), les plannings sont contraints par les horaires d’ouverture aux clients, mais Norelem a étudié les horaires de charges et adapté la présence des salariés. Le mercredi après-midi est plus calme : certains prennent leur demi-journée. Les horaires se font à la semaine. Un salarié qui a fait ses heures le jeudi soir peut prendre son vendredi. « En cas de retard ou de grosses commandes, on demande des volontaires pour assurer la continuité de la production. Les gens n’ont jamais refusé, ça fait partie du métier », apprécie Linda Lopez.

La société, qui fabrique des séries de 1 à 32 000 pièces – barres métalliques, courroies ou charnières –, est présente dans 25 pays dans le monde. Son expansion est limitée par les autres implantations de la maison mère à qui elle fait un reporting mensuel. Sur place, les indicateurs sont affichés dans la salle de production et suivis de près, mais le management est réduit au minimum. « Les gens ont un savoir-faire depuis des années et peuvent donc être autonomes dans leurs tâches », résume Linda Lopez qui a déjà remis une médaille Grand Or (45 ans de présence dans l’entreprise).

Une QVT au quotidien

Sur son LinkedIn, Linda Lopez ne se dit pas DRH mais chief happiness officer (CHO). « On ne va pas faire entrer des gens ronds dans un moule carré », résume-t-elle. Un ancien apprenti en production a ainsi obtenu un BTS en management des unités commerciales pour intégrer le service ADV. Un profil de technico-commercial intéressant dans une PME qui peine à recruter. Norelem a aussi accompagné un salarié qui voulait quitter son poste pour ouvrir… un élevage d’escargots ! « L’important est de faire grandir les gens », simplifie la CHO, très attachée à la qualité de vie au quotidien. Pour y parvenir, elle et son directeur, à la retraite depuis juin, ont décidé de se rapprocher d’un coach sportif. Jérémy Vandevelde assure un suivi de l’état de forme des salariés depuis trois ans. Il leur propose régulièrement de tester des activités sportives ou médicales (pilates, jogging, acupuncture, ostéopathie…). Tout a commencé après la crise de 2008. « Les téléphones ne sonnaient plus et cela créait un stress chez les commerciaux : on leur avait proposé des séances de massage », raconte Linda Lopez. Depuis, les téléphones se sont remis à sonner, mais le dirigeant, convaincu des bienfaits du sport, a voulu prolonger l’expérience. Et Norelem a gagné sur les forfaits de mutuelle en échange de cette attention aux salariés.

Convivialité

La société offre aussi un quart d’heure de pause chaque matin à ses 48 salariés. Café, marche en plein air, cigarette, ou ping-pong : les salariés se croisent tous au moins une fois chaque jour. « On ne voit pas ça comme un investissement car les gens sont moins en arrêt, donc c’est mieux pour la production. Et si la convivialité ne se quantifie pas, on a plus envie de dépanner sa copine de jogging qu’une simple collègue », estime Linda Lopez qui reconnaît que la transition n’a pas toujours été si simple. « Les gens ont peur de la polyvalence quand ils ne se sentent pas en sécurité dans leur emploi : aujourd’hui, ils ont compris que même s’ils partagent leur savoir-faire, ils ne sont pas remplacés. Les croyances sont une barrière, mais les coups durs, auxquels on doit trouver des parades, permettent de montrer que l’on peut fonctionner différemment. » Si le but reste évidemment le service au client, la diminution des arrêts de travail, la prise de décision rapide « presque réduite à une seule personne », et la montée en compétences y contribuent. La société, qui réalise 15 millions d’euros de chiffre d’affaires, a été reconnue leader de l’industrie du futur dans le Grand Est.

Auteur

  • Lucie Tanneau