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« Tout change… et en même temps, rien ne change ! »

Le point sur | publié le : 27.08.2018 | Benjamin D’Alguerre

« Un coup d’épée dans l’eau. » C’est ainsi que Marc Dennery, directeur associé de l’organisme de formation C-Campus qualifie une réforme qu’il accuse de faire du surplace. Selon lui, les entreprises pourront toutefois tirer leur épingle du jeu dans la nouvelle organisation de la formation, mais à condition d’emprunter des chemins de traverse.

Quel regard portez-vous sur cette réforme de la formation ?

On assiste à la troisième réforme en moins de dix ans (2009, 2014, 2018) et malgré les annonces de Muriel Pénicaud sur le « big bang » de la formation et la « révolution copernicienne » de l’apprentissage, on s’aperçoit que tout change… et en même temps, rien ne change. Les Opca ? Ils deviennent les Opco et seront juste un peu moins nombreux. Les Fongecif ? Ils seront remplacés par les CPIR. France Compétences ? La fusion de trois organismes existant. Le DataDock ? Remplacé par une certification des organismes de formation pilotée par France Compétences. Le taux de contribution ? Toujours 1,68 % de la masse salariale. La période de pro ? Remplacée par un dispositif « Pro-A » basé sur l’alternance, néanmoins très proche… Bref, cette réforme s’apparente à un coup d’épée dans l’eau. Ce qui est certain, en revanche, c’est que nous sommes partis pour deux ou trois années d’insécurité juridique pour tous les acteurs. Après cela, il faudra bien que l’offre de formation s’adapte et surtout, apprenne à travailler avec la Caisse des dépôts. Sans oublier l’effet pervers de l’appli CPF qui risque de mettre en avant les organismes les mieux notés par les usagers sur le modèle d’un comparatif hôtelier type booking.com… Est-ce que cette réforme sera susceptible de tenir ses promesses, à savoir faire monter en compétences les salariés français pour assurer la montée en gamme des produits et services français sur le marché mondial ? J’en doute.

Comment les entreprises peuvent-elles se saisir de cette réforme malgré tout ?

Je vois trois pistes dont les entreprises peuvent se saisir pour profiter de la réforme. Premier cas : libérées d’une certaine manière des cofinancements, elles vont pouvoir se (re)concentrer sur les besoins opérationnels que leur remontent les managers. Et elles pourront profiter de la liberté que leur offre la nouvelle loi pour développer des solutions à base de formation en situation de travail (FEST) ou de formation ouverte et à distance (FOAD). Ceci est d’autant plus important que l’obligation de formation liée à l’entretien professionnel perdure et est même renforcée. Deuxième hypothèse : elles se saisissent de l’opportunité qui leur est offerte de passer des accords d’entreprise concernant la gestion du CPF en vue de parcours coconstruits avec le compte monétisé de leurs salariés. Toutefois, je conseillerai aux entreprises tentées de le faire d’attendre un an ou deux, le temps que tous les dispositifs se mettent en place. Enfin, troisième possibilité : les très grandes entreprises disposant de services formation peuvent avoir intérêt à créer des CFA ou à nouer des partenariats avec des CFA existant.

Entre les entreprises de moins de 50 salariés qui accéderont toujours aux fonds de la formation via les Opco et les très grandes qui possèdent déjà des services formation internes et des budgets dédiés, il existe toute une frange de PME moyennes ou d’ETI qui ne disposent ni de l’un, ni de l’autre. Seront-elles les perdantes de cette réforme ?

Elles risquent de l’être, en effet. Pour les moins de 50 salariés, il y aura de toute façon trop d’argent dans les caisses des Opco alors que leur intérêt est surtout de s’orienter vers la FEST ! Les grands groupes continueront à faire de la formation comme avant, car la fonction formation y est bien ancrée. Mais pour les ETI et les PME moyennes, deux scénarios sont possibles : il y aura celles qui prendront conscience que le développement de la qualité de leurs produits et services dépend de la montée en compétences de leurs salariés. Celles-là investiront. À l’autre bout du spectre, il y aura celles qui ne dépenseront pas plus que ce que leur impose la loi en matière de formations sectorielles obligatoires (dans la banque ou le bâtiment, par exemple). Je crains que ces dernières ne soient les plus nombreuses.

Le calendrier prévisionnel de la réforme

Fin août 2018

Remise du rapport Marx-Bagorski sur les opérateurs de compétences (Opco).

Septembre-octobre 2018

Décret sur la valorisation des maîtres d’apprentissage.

Octobre-novembre 2018

Discussions au ministère du Travail sur le périmètre des Opco.

1er janvier 2019

Agrément des Opérateurs de compétences. Dérogations possibles jusqu’à mi-mars 2019.

Mise en place de France Compétences.

Automne 2019

Décret sur les clés de répartition des contributions formation.

Septembre 2019

Lancement de l’appli CPF.

1er janvier 2020

Entrée en application des nouvelles règles de financement de l’apprentissage.

1er janvier 2021

• Mise en place de la contribution unique collectée par les Urssaf.

• Référencement obligatoire des organismes de formation par le Cofrac pour accéder aux financements mutualisés de la formation.

Auteur

  • Benjamin D’Alguerre