logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le fait de la semaine

Initiative : Une nouvelle dynamique pour l’insertion par l’activité économique

Le fait de la semaine | publié le : 27.08.2018 | Benjamin d’Alguerre

Image

Initiative : Une nouvelle dynamique pour l’insertion par l’activité économique

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

La loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » ouvre de nouvelles perspectives pour les entreprises d’insertion par l’activité économique (IAE). Dans le cadre de deux expérimentations, celles-ci pourront tester le contrat de professionnalisation et ouvrir leurs activités aux travailleurs indépendants.

Cela faisait longtemps que les professionnels du secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE) ferraillaient pour permettre à leurs entreprises d’avoir accès au contrat de professionnalisation. C’est désormais chose – presque – faite puisque la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » du 1er août 2018 ouvre une expérimentation en ce sens. Pendant trois ans, ces quelque 3 650 entreprises pas comme les autres, dont l’objectif consiste à concilier performance économique et projet social en proposant des contrats d’insertion à des personnes en situation de fragilité sociale (chômeurs éloignés de l’emploi, jeunes sortis du système scolaire sans qualifications, bénéficiaires du RSA…) pourront permettre à leurs publics de bénéficier de ce dispositif de formation en alternance mêlant enseignements théoriques et mise en situation professionnelle. « Nous sommes des employeurs particuliers puisque nous mêlons emploi et accompagnement social. Le troisième pilier qui manquait à notre activité, c’était la formation », explique Luc de Gardelle, président de la Fédération des entreprises d’insertion et patron de Presta’terre, une structure alsacienne spécialisée dans le maraîchage biologique.

C’est justement là que le bât blesse car, à ses yeux, la loi ne va pas assez loin. En lieu et place de cette expérimentation de trois ans, la Fédération aurait préféré la création d’un « contrat de professionnalisation d’insertion », soit un dispositif exclusif au secteur de l’IAE associé à des financements spécifiques et sanctuarisés, sur le modèle de celui que préconisait le rapport « Donnons-nous les moyens de l’inclusion » remis en janvier 2018 à la ministre du Travail Muriel Pénicaud par Jean-Marc Borello, le patron du groupe SOS, l’un des mastodontes du domaine de l’économie sociale et solidaire. « La loi Pénicaud aurait pu accompagner la transformation du secteur de l’insertion en actant dans le dur le triptyque ’mise à l’emploi – accompagnement social – formation’. Cette évolution n’aura pas lieu. Dommage… », regrette Luc de Gardelle.

Le verre à moitié plein

Pour autant, les employeurs de l’IAE ne boudent pas leur plaisir de voir ce qui constituait l’une de leurs revendications depuis 2014 désormais inscrite dans le marbre de l’article 13 de la loi Pénicaud, fut-ce à titre expérimental. « C’est toujours la même histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein. La Fédération, résolument engagée pour l’inclusion des plus fragiles, en retient le plein ! », affirment-ils. L’optimisme est d’autant plus au rendez-vous que cette expérimentation, initialement imaginée par les partenaires sociaux dans l’ANI du 22 février 2017, avait un temps disparu du texte examiné par le Parlement avant d’y revenir dans la dernière ligne droite des débats à l’Assemblée par le biais d’un amendement déposé par Michèle de Vaucouleurs, députée MoDem des Yvelines.

Pour l’IAE, la question est d’autant plus importante qu’elle permettra aux entreprises d’insertion (EI) et aux entreprises du travail temporaire d’insertion (ETTI) d’accéder aux fonds de la formation continue, dont elles ne bénéficiaient que très marginalement auparavant puisque « l’aide au poste » (la subvention reçue par chaque employeur pour l’embauche d’un salarié en difficulté d’insertion qui s’élève à 10 363 euros par an pour une EI, 4 405 euros pour une ETTI, 1 347 euros pour une association intermédiaire et 19 897 euros pour un atelier-chantier d’insertion) n’est prévue que pour absorber les coûts de l’emploi lui-même ainsi que celui de l’accompagnement social. Les coûts de la formation étaient jusqu’alors encore le plus souvent ponctionnés sur le budget général de l’employeur. « Sauf qu’en moyenne, 60 % de nos effectifs sont en insertion. Nous n’avons pas les budgets nécessaires et sommes obligés de prendre sur les fonds de la formation de nos propres salariés », se désole Luc de Gardelle. D’autant que les formations suivies par ces salariés correspondent rarement aux métiers pratiqués par l’entreprise, celle-ci n’étant qu’un marchepied vers une réinsertion sociale.

« Tout reste encore à faire »

Selon les calculs de la Fédération, chaque contrat de professionnalisation pourrait se voir financer annuellement dans une fourchette comprise entre 4 000 et 8 000 euros, en fonction des taux de prise en charge des branches et des futurs opérateurs de compétences (Opco) qu’il appartiendra aux employeurs de l’IAE de négocier une fois le décret d’application paru.

Autre raison de se réjouir : l’insertion par l’activité économique devrait bénéficier d’une partie des fonds du Plan d’investissement compétences (PIC). La Fédération estime le montant de ce « PIC IAE » à 200 millions d’euros, auxquels pourraient s’ajouter un financement au moins égal accordé par les Opca (futurs Opco). « Maintenant, tout ce que nous attendons, c’est le décret. Il faudra être particulièrement attentif à sa rédaction », résume Luc de Gardelle. Les entreprises de l’IAE ont d’ailleurs rendez-vous à la DGEFP le 13 septembre prochain pour en définir les contours avec les agents du ministère du Travail. Quant à la suite des évènements… « tous les signaux sont au vert, toutes les portes sont ouvertes, mais tout reste encore à faire ».

Indépendants : une cinquième structure pour l’IAE

Au-delà du contrat de professionnalisation, la loi « Avenir professionnel » met en place une autre expérimentation pour l’IAE. Dans la foulée d’un amendement déposé par le député LREM du Val-d’Oise Aurélien Taché, l’insertion par l’activité économique pourra « sous réserve de concertation et d’encadrement strict » être ouverte aux travailleurs indépendants dans le cadre de travaux de proximité (gardiennage, repassage, ménage, bricolage, déménagement, entretien des animaux domestiques…). « Tous les publics en insertion ne sont pas prêts à occuper à nouveau une activité salariée », explique Charles-Édouard Vincent, ancien patron d’Emmaüs Défi et fondateur de Luludansmarue, une plateforme de conciergerie de proximité fonctionnant sur le modèle d’Uber ou de Deliveroo qui compte près de 500 travailleurs inscrits dont 40 % au RSA ou au chômage de longue durée. « Le micro-entrepreneuriat peut constituer un outil efficace d’insertion, avec ses défauts et ses avantages, en fonction des situations de chacun. Une femme seule avec enfants, par exemple, peut rencontrer des difficultés à associer son rythme de vie avec des obligations salariées, même en IAE », indique-t-il. L’expérimentation sur cette « cinquième structure de l’IAE » devrait porter jusqu’en 2021, mais sous le regard vigilant des fédérations du secteur.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre