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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 27.08.2018 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Le problème des salariés à moitié motivés

En cette période de rentrée,

il est temps de ranger dans un coin de nos têtes nos souvenirs de vacances et de se retrousser les manches au travail. Pour certains, la motivation sera facile à retrouver car ils sont directement motivés par leur travail. C’est ce qu’on appelle la motivation intrinsèque : je suis motivé de moi-même car j’aime la nature de mon métier et les tâches qui sont associées. La motivation extrinsèque fait, quant à elle, plutôt référence à la carotte et au bâton : je ne suis pas directement motivé par mon travail mais par des facteurs extérieurs, par exemple la rémunération ou le statut social qu’il m’apporte.

De nombreuses études

ont mesuré le lien entre motivation et performance. Un des rares points de consensus est que la motivation intrinsèque pour effectuer une tâche débouche généralement sur une performance élevée dans l’accomplissement de cette tâche. Le souci, c’est qu’une fiche de poste comprend de nombreuses tâches, plus ou moins appréciées par le salarié. Il est fort probable qu’un salarié soit motivé intrinsèquement par certaines tâches (le contact avec le client par exemple), mais rebuté par d’autres tâches (la gestion administrative par exemple).

Jihae Shin et Adam Grant,

respectivement chercheurs aux universités de Wisconsin et Wharton, ont voulu en savoir plus sur les effets de la combinaison de tâches jugées plus ou moins motivantes. Ils ont alors conduit une étude de terrain dans un grand magasin coréen et une expérience aux États-Unis. Ils viennent de publier leurs conclusions dans la revue Academy of Management Journal*.

L’étude de terrain

montre que les employés ayant une très grande motivation intrinsèque pour une tâche sont moins performants que leurs collègues dès qu’il s’agit d’effectuer les tâches moins motivantes à leurs yeux. L’étude en laboratoire va dans le même sens : après avoir effectué une tâche intrinsèquement très motivante, les participants sont moins performants pour en effectuer une seconde s’ils jugent celle-ci peu intéressante. L’ennui succède à la passion et vient donc diminuer leur performance quand il s’agit de faire quelque chose qui les motive moins.

Plus précisément,

les deux chercheurs observent une relation curvilinéaire entre motivation intrinsèque et performance : un minimum de motivation intrinsèque est bon pour la performance ; en revanche, les salariés qui sont extrêmement motivés intrinsèquement par une tâche sont peu performants dans les autres tâches.

Ce résultat

devrait faire réfléchir les DRH et managers quant à la répartition des tâches au sein de leurs équipes. Un salarié passionné par une partie de son activité devrait s’avérer fort performant dans ce domaine mais bien moins performant dans les autres domaines. Afin que ces tâches annexes soient bien menées, cela vaut sans doute la peine de les confier à une autre personne moins passionnée par une seule partie de l’activité. Bref, il serait contre-productif de demander à des salariés spécialisés dans des tâches qu’ils apprécient de devenir généralistes. Pour les managers et les DRH, il est sans doute plus complexe de ne pas confier les mêmes tâches à chaque collaborateur d’une même équipe, mais le jeu en vaut la chandelle !

* Shin, J., & Grant, A. M. Bored by Interest : Intrinsic Motivation in One Task Can Reduce Performance on Other Tasks. Academy of Management Journal, 2018.

Auteur

  • Denis Monneuse