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Le fait de la semaine

Formation en situation de travail : Une affaire qui marche

Le fait de la semaine | publié le : 16.07.2018 | Benjamin D’Alguerre

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Formation en situation de travail : Une affaire qui marche

Crédit photo Benjamin D’Alguerre

Un rapport démontre que les expérimentations de formation sur les lieux et pendant les heures de travail sont une réussite. Le développement de cet objet de formation jusqu’à présent mal identifié est inscrit dans le projet de loi « Avenir professionnel » de la ministre du Travail. Explications.

Cinquante entreprises volontaires, soixante-dix salariés impliqués, treize Opca mobilisés, vingt et un projets expérimentaux menés et presque trois années de travail auront été nécessaires pour boucler la première expérimentation concernant les actions de formation en situation de travail (Afest) dont les résultats ont été publiés le 4 juillet 2018. Lancée en novembre 2015, elle aura mobilisé les services du ministère du Travail (DGEFP), les partenaires sociaux (Copanef et FPSPP), le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Cnefop) et les réseaux Anact-Aract, spécialistes des conditions de travail.

L’objectif de cette expérimentation était de définir les conditions pour qu’une formation se déroulant en situation de travail soit à la fois efficace en termes d’acquisition de compétences, applicable dans les TPE et PME dont les salariés accèdent trop peu à la formation et reconnue comme une véritable action de formation éligible aux financements de la formation professionnelle », résume Béatrice Delay, conseillère technique en charge de la formation et de la qualité au sein du Cnefop. Initiée dans la foulée de la réforme de la formation professionnelle du 5 mars 2014 qui assouplissait les règles de réalisation d’une action de formation, l’expérimentation se donnait pour ambition de « rompre avec le modèle traditionnel séparatiste qui prédominait jusqu’alors et fixait des barrières étanches entre les séquences de travail en entreprise et celles de formation sur le modèle scolaire », explique Philippe Debruyne, président CFDT du Copanef. Un modèle davantage lié aux modalités de contrôle des fonds des Opca et de leur imputabilité sur les plans de formation des entreprises que motivé par des impératifs pédagogiques.

Transformer l’expérience en compétences

Prouver que l’on peut « apprendre en faisant » et en déterminer les conditions, tel est donc l’objet de ce rapport de 282 pages. « L’Afest restait en grande partie un objet non défini : l’expérience a permis de préciser les conditions de déploiement de ces formations en situation de travail, y compris sur le plan juridique », précise Béatrice Delay. À cette fin, les expérimentateurs auront choisi d’opérer sur un champ professionnel éclectique, allant de l’hôtel-restaurant familial corrézien au parc zoologique normand en passant par le journal Sud-Ouest, mais aussi un complexe cinématographique francilien ou une entreprise de recyclage bourguignonne. Quant aux publics choisis, il s’agissait aussi bien de salariés que d’apprentis ou de demandeurs d’emploi en situation d’insertion. Côté employeurs, 20 % des entreprises concernées par l’expérimentation comptaient moins de 10 salariés, 54 % s’inscrivent dans la catégorie des 11 à 49 collaborateurs et 26 % en emploient plus de 50. Dans tous les cas, la mise en situation s’est faite selon un schéma défini par l’Opca de l’entreprise concernée. En tenant compte d’une difficulté préalable, selon Béatrice Delay : « Il ne devait pas s’agir d’entrer dans une logique d’adaptation au poste, mais bien de développer deux séquences dans le processus d’apprentissage : une mise en situation de travail aménagée à des fins didactiques et une séance réflexive animée par un tiers. » Cette dernière séquence permettant à l’apprenant de faire le point sur ses apprentissages in situ et « transformer l’expérience en compétences ».

Un décret attendu fin 2018

Quel bilan tirent les expérimentateurs après ces trois années d’observation ? « L’Afest s’est révélée d’autant plus pertinente pour des compétences non disponibles immédiatement sur le marché du travail ou non accessibles par des formations classiques », indique le rapport. Ce que confirment les entreprises testeuses qui ont pu apprécier le caractère opérationnel et adaptable du dispositif. Quant aux bénéficiaires, ils témoignent « d’un niveau d’engagement important, en rapport avec l’utilité perçue des formations », souligne le Copanef. Parmi les autres bénéfices observés : une meilleure implication des salariés dans leur travail, une plus grande appétence de leur part pour la formation, mais aussi de meilleurs rapports entre salariés et manageurs. « Le retour sur investissement dépasse le seul cadre de la formation », assure Marc-Antoine Estrade, chef de la mission « évaluations, prospectives et statistiques » au FPSPP. Selon Philippe Debruyne, l’Afest aurait également la vertu de s’intégrer dans des logiques de parcours et de modularisation de la formation, mais aussi de permettre à des branches de construire leurs politiques de certification professionnelle.

Dans ces conditions, la réforme de la formation qui s’annonce pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour l’Afest puisque le principe en est d’ores et déjà inscrit dans le futur projet de loi « Avenir professionnel ». Selon Stéphane Rémy, chef de la mission contrôle à la DGEFP, l’accueil de l’expérimentation par les parlementaires semble plutôt positif. Un futur décret d’application à la loi Pénicaud, prévu pour la fin de l’année, devrait « fixer les règles du jeu » du contour juridique de l’Afest et imaginer comment le dispositif pourrait être déployé par les futurs opérateurs de compétences auprès des PME et TPE ou par les pouvoirs publics dans le cadre du plan d’investissement compétences (PIC). « Le dispositif sera efficace s’il reste souple. Le décret devra veiller à ne pas l’enfermer dans un carcan réglementaire », prévient cependant Cyril Parlant, avocat spécialiste en droit de la formation au sein du cabinet Fidal et président de la commission juridique du Groupe des acteurs et responsables de formation (Garf). Du côté des expérimentateurs, cependant, on souhaite évangéliser aux bienfaits de la formation en situation de travail. Le 2 octobre prochain, un séminaire d’appropriation des enseignements de l’Afest et de sensibilisation sera organisé autour de son déploiement.

Auteur

  • Benjamin D’Alguerre