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Protection sociale : La révolution macronienne, de Bismarck à Beveridge

L’actualité | L’An II du Quinquennat | publié le : 16.07.2018 | Philippe Rollandin

« Nous devons construire l’État providence du 21e siècle. Un État providence émancipateur, universel, efficace, responsabilisant, c’est-à-dire couvrant davantage, protégeant mieux, s’appuyant aussi sur les mêmes droits et les mêmes devoirs pour tous, alors que l’État providence du 20e siècle était conçu pour une société de plein emploi. La détention d’un travail et d’un travail continu, permanent, pérenne était ainsi devenue le sésame de l’accès à la solidarité nationale. Dans une société frappée par le chômage de masse, par l’intermittence des parcours professionnels, ce sésame a perdu de sa valeur et est devenu une redoutable barrière. » Avec cette phrase prononcée devant le Congrès, le président de la République a tourné le dos aux principes de 1945 qui ont inspiré la Sécurité sociale. Celle-ci est en effet fondée sur une logique assurantielle. On acquiert des droits parce que l’on cotise – que ce soit pour sa santé ou pour sa retraite – et ces droits sont différents selon le régime auquel on cotise et le statut auquel on est rattaché.

Pour Emmanuel Macron, ces temps sont révolus parce que le contexte économique a changé. L’ancien système fonctionnait parce qu’il s’appuyait sur le plein emploi et que, d’une certaine façon, tout le monde avait un statut, cotisait et acquérait des droits.

De fait, ce monde-là est terminé. Réaliste ou fataliste, le président acte le fait qu’on ne reviendra jamais au plein emploi, qu’une fraction de la population est structurellement éloignée de l’emploi et condamnée à une forme d’exclusion et que, pour elle, par définition la logique assurantielle est une machine à marginalisation, d’où la nécessité de passer à une solidarité universelle, garantie, « managée » par l’État et financée par l’impôt en lieu et place des cotisations sociales.

Mort du paritarisme

Cette nouvelle approche fait une victime collatérale : le paritarisme, un des piliers du grand deal médico-social de l’après-guerre qui faisait des partenaires sociaux – employeurs et syndicats – les acteurs et gestionnaires de l’ensemble du système social. Déjà vacillant depuis quelques années, le paritarisme est mort le 9 juillet 2018 et sera enterré sans fleurs ni couronne.

Le système ancien relevait d’une logique bismarckienne – du nom du chancelier allemand – avec une gestion confiée aux partenaires sociaux. Le nouveau relève d’une logique beveridgienne – du nom du lord anglais qui a inspiré le modèle de protection sociale étatique britannique – avec un pilotage entre les mains de l’État, désormais le seul véritable acteur et décideur de tout ce qui relève du champ de la protection sociale, que ce soit de la santé, de la retraite, du chômage, de la formation et de l’exclusion.

Emmanuel Macron n’a pas dit clairement comment il financerait son nouvel État providence mais a indiqué que, de manière générale, « la solidarité est toujours financée par l’impôt ». Comme il exclut d’augmenter le taux global des prélèvements, il est évident que la CSG est l’outil par excellence de ce financement : elle augmentera tandis que les cotisations sociales baisseront. Le jeu de bascule est d’autant plus tentant qu’un point de CSG rapporte beaucoup plus qu’un point de cotisation sociale, puisqu’elle s’applique à tous les revenus, y compris d’épargne et financier. La bascule ira-t-elle jusqu’à la suppression totale des cotisations sociales ? C’est toute la question.

Auteur

  • Philippe Rollandin