« Partageons librement nos idées et contribuons pleinement au développement d’Eiffage et de ses filiales. » La proposition faite par le géant du BTP (65 000 salariés dans le monde) à ses collaborateurs depuis octobre 2017 a porté ses fruits. Environ 8 000 d’entre eux se sont inscrits sur la plate-forme numérique destinée à accueillir leur parole, et 720 idées ont été émises autour de thématiques* proposées par l’entreprise, à l’occasion de campagnes de communication minutieusement orchestrées. Mise en œuvre par la société Fan Voice, l’outil choisi, la « start-box », est d’un usage très simple pour l’utilisateur, fonctionnant comme une plate-forme classique mais à usage interne. Une sorte de boîte à idées numérique, qui va cependant, selon ses initiateurs, beaucoup plus loin que cela. « Il s’agit de créer une communauté d’innovation interne, totale et inclusive, c’est-à-dire impliquant tous les collaborateurs », explique Mathieu Boussoussou, chargé d’innovation à la direction de l’innovation et du développement durable du groupe. Une adresse e-mail, une création de compte… chacun peut ainsi, librement, s’exprimer sur la start-box, à partir de son smartphone, sa tablette ou ordinateur. Condition première : avoir une adresse e-mail maison ce qui excluait de prime abord les « compagnons » (ouvriers professionnels) travaillant sur les chantiers. Qu’à cela ne tienne : un accès spécial à la box leur a été créé.

Derrière cette incitation à l’innovation, l’enjeu managérial est prépondérant pour Eiffage. Comme nombre d’entreprises traditionnelles, elle cherche à s’inscrire dans une ère numérique qui bouscule à la fois les modes de travail et les manières d’innover. « La transformation digitale des entreprises fait remonter un besoin clé : la nécessaire cohésion en interne, à l’échelle d’une équipe, mais aussi plus globalement à celle d’un groupe, souligne Fan Voice. Tous les collaborateurs sont appelés à contribuer dans le même sens : par exemple, renforcer la prévention sur les chantiers et sur les réseaux autoroutiers. Ainsi l’idée d’un objectif commun devient concrète. » Une des conditions de réussite ? L’implication de la direction générale dès le début du process. Affiches traditionnelles pour l’information des compagnons et e-mails de recrutement signés de Benoît de Ruffray, PDG du groupe, relais sur réseaux sociaux internes, intranet… Les incitations à apporter ses idées n’ont cependant pas joué sur un éventuel gain pour le salarié qui apporterait les meilleures idées, mais plutôt sur la communication sur celles qui auront été retenues et le suivi de leur réalisation. « Lors de la première campagne, portant sur la prévention, 320 idées ont été émises, témoigne Matthieu Boussoussou. Chacune des branches de l’entreprise a spécifié son choix, un jury s’est constitué avec la direction de la prévention, et le top management a validé les choix. L’engagement a été pris de mettre en œuvre les meilleures idées, et une communication large sera orchestrée, notamment sous forme de présentation des projets en motion design. En partant du principe que tout le monde pourra demander à participer à leur réalisation, qu’elles n’appartiennent pas à ceux qui les ont proposées. » Pour des entreprises qui cherchent « l’engagement des salariés » particulièrement en ces temps de pénurie de certaines qualifications sur le marché de l’emploi, la mise en œuvre et mise en scène de l’expression concrète des salariés fait sens. Discrète sur l’investissement financier nécessaire à cette initiative, l’entreprise l’inclut dans une démarche globale de RSE, et plus précisément de développement du bien-être des salariés. Dernière opération en date : une campagne incitant les collaborateurs à voter pour les meilleurs projets présentés par la Fondation d’entreprise.