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Recrutement : Le match homme-numérique

Le point sur | publié le : 09.07.2018 | Laurence Estival

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Recrutement : Le match homme-numérique

Crédit photo Laurence Estival

Chatbots, gaming, entretiens virtuels… Sur un marché tendu, les recruteurs font de plus en plus appel aux nouvelles technologies pour trouver les talents dont ils ont besoin et limiter les risques d’erreur de casting. Les RH vont-ils devoir abandonner la fonction recrutement ?

« Bonjour, je m’appelle Aloha et je suis votre guide de l’emploi. Donnez-moi un métier, une ville ou région et un type de contrat et je cherche pour vous l’offre qui vous convient le mieux ! » Né en 2017, le chatbot d’Adecco, qui répondait aux demandes des candidats via Messenger, est depuis mars dernier doté de la parole et le service est désormais accessible sur Google Home. Une première dans le secteur ! « C’est pour nous une façon d’être présent sur tous les nouveaux canaux de recrutement », explique Rémi Thorel, le social media manager du groupe, pas peu fier du succès de son avatar. Aloha génère déjà 2 000 conversations par jour et, s’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, le géant de l’intérim retient son souffle. Il n’est pas le seul : sur un marché tendu où 29 % des employeurs hexagonaux se plaignent d’une pénurie de candidats, selon l’étude de Manpower parue le 26 juin dernier, les recruteurs font aujourd’hui flèche de tout bois et testent de nouveaux outils pour séduire le chaland et éviter de le perdre en route.

La bataille du sourcing

Dans cette course contre la montre, la création de chatbot constitue bien souvent, comme chez Adecco, la première pierre de cette offensive. « Nous sommes de plus en plus sollicités », sourit Valérie Touraine, CEO et cofondatrice de Jai. Les robots conversationnels créés par la start-up ont déjà rallié à leur cause des entreprises aux besoins aussi divers que La Poste, Generali ou Mazars. Leurs objectifs ? « Aiguiller les candidats en les incitant à découvrir des rubriques de leur site auxquelles ils n’auraient pas pensé spontanément mais aussi effectuer un premier tri en posant quelques questions types à ceux envisageant d’aller plus loin afin de connaître leur disponibilité ou encore leur désir de mobilité », ajoute la responsable.

Intervenant également en amont du processus, la solution proposée par Yatedo fait elle aussi de plus en plus d’adeptes. « Nous sommes les Google du recrutement », s’amuse Makram Torkhani, son fondateur. Sa méthode : agréger en quelques secondes toutes les références laissées par un internaute sur le web. « Le recruteur bénéficie d’un profil bien plus complet que sur Linkedin, poursuit-il. De plus, nous sommes capables d’enregistrer des signaux faibles comme le fait d’avoir rejoint un nouveau forum ou remis à jour sa photo, montrant que la personne est peut-être davantage près de bouger. » Cerise sur le gâteau, la start-up a aussi la possibilité de créer un algorithme pouvant aller jusqu’à prévoir statistiquement en fonction de son secteur d’activité et de son niveau de séniorité la période à laquelle le candidat potentiel ou le salarié en poste devrait se mettre en chasse. Une façon d’aider son employeur à prévoir son remplacement avant même son départ ou une entreprise concurrente à l’inclure dans son vivier de talents pour être la première à l’attirer dans ses filets.

Le matching, l’arme fatale

« Si la puissance des données et l’intelligence artificielle facilitent le sourcing, au point de supprimer bientôt les CV classiques, les technologies sont également en train de transformer la sélection des candidats », observe Jean-Christophe Anna, directeur général de rmsconf et spécialiste de la digitalisation du recrutement. En témoigne notamment l’usage des entretiens virtuels. Le plus ? Faire gagner du temps en vérifiant le plus en amont possible que les profils retenus correspondent bien à l’expérience requise. Une difficulté croissante rencontrée par 20 % des employeurs, selon l’étude de Manpower. Le groupe a d’ailleurs mis en place pour ses propres besoins des entretiens où, face à leur ordinateur, les candidats sont invités à répondre à quelques questions ouvertes. « Il s’agit de vérifier certaines informations sur le niveau de connaissances par rapport à un domaine précis paramétrées à l’avance, mentionne Raoul Mattei, directeur général d’Experis, la filiale de Manpower spécialisée sur ces nouveaux outils. Nous étudions aussi les soft skills des candidats qui sont filmés, leur comportement, leur sourire, leur façon de placer la voix. Ce n’est pas une épreuve à proprement parler car ces tests vont avant tout nous donner des indices et nous permettre de recevoir, après avoir analysé les résultats, un nombre plus restreint de postulants. » Fort des premiers tests, Manpower travaille actuellement avec quelques grands groupes intéressés pour utiliser ce procédé afin de sélectionner leurs futurs alternants.

Le matching, c’est aussi la marque de fabrique d’Assessfirst, une des premières start-up qui s’est aventurée sur le segment du recrutement prédictif et qui a su rallier à son panache quelques grands comptes en quête récurrente de commerciaux comme le BHV Marais. Le recruteur peut, selon ses dires, mesurer les chances de réussite d’un candidat dans sa nouvelle mission. Il compare ses résultats à une batterie de tests mesurant ses compétences et son comportement par rapport aux meilleurs scores obtenus par les salariés de l’entreprise dont les performances sont les plus élevées. Et là où, il y a encore deux ans, les entreprises contactaient la start-up une fois leur short list arrêtée, elle est de plus en plus sollicitée en amont. « Et nous pouvons également calculer l’affinité entre les futures recrues et leur manager ou les membres de l’équipe », sourit David Bernard, le fondateur.

Reste que les prouesses de l’intelligence artificielle et des datas appliquées au recrutement ne font pas que des convaincus. « Attention de ne pas supprimer la présence humaine. La machine n’est pas encore à même de remplacer l’homme pour déceler les talents cachés, notamment chez les jeunes qui n’en ont pas souvent conscience », met en garde Christelle Pradier, directrice du recrutement de Sopra Steria. Pour approcher les candidats volages, l’entreprise a d’ailleurs choisi de mettre l’accent sur le gaming. Des hackathons aux idéathons en passant par les escape games, autant de moyens de faire de l’expérience du recrutement un élément ludique dont le candidat se souviendra peut-être plus longtemps que de son tête-à-tête avec un avatar…

Auteur

  • Laurence Estival