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Sur le terrain

Conditions de travail : Cryostar : de la QVT à la QVG

Sur le terrain | publié le : 02.07.2018 | Mathieu Noyer

L’entreprise expérimente la démarche de qualité de vie globale qui prend en compte les facteurs déstabilisants de la vie privée des salariés, avec ce que cela implique de prudence et de discrétion. Explications.

Cryostar veut devenir la première société labellisée QVG. Cette entreprise industrielle de 600 salariés à Hésingue (Haut-Rhin) s’engage dans la démarche de qualité de vie globale (QVG) mise au point par le Credir, une structure qui se consacre depuis cinq ans au sujet, encore très tabou, des cadres et dirigeants au bout du rouleau physique et psychique.

Cryostar a commencé à investir la question ce printemps, par l’organisation de huit ateliers d’une heure chacun à l’occasion de la journée mondiale de la santé-sécurité au travail. « Pour cette initiative à participation volontaire, plus de la moitié du personnel a répondu présent », se félicite Pierre Leseigneur, manager hygiène, sécurité, environnement (HSE). Il y voit l’effet de l’implication, sollicitée dès le départ, des représentants du personnel.

Le programme des ateliers est un bon condensé de ce que décline le concept tel que vu par le Credir : savoir gérer une transition professionnelle difficile, s’entraîner comme un sportif, prendre conscience du fonctionnement du corps et du cerveau, savoir dialoguer avec son médecin traitant, repenser le smartphone « notre admirable ennemi », impact des événements de la vie privée sur la vie professionnelle, plus jamais seul(e), quelle pause à midi. En synthèse, pour le Credir, la QVG inclut la qualité de vie au travail, que peuvent matérialiser un plan contre les risques psychosociaux et des salles de sport ou de relaxation, mais elle la dépasse pour englober aussi la santé personnelle et l’activité hors travail appelée « troisième vie » : participation à un club sportif, une association…

À la fois centre de formation et de recherche éditeur de plusieurs ouvrages, la structure ne part pas de rien. Depuis 2013, elle a organisé à Kientzheim (Haut-Rhin) 46 stages de remise en forme physique et psychologique au bénéfice de plus de 300 managers et dirigeants épuisés, en burn-out, en stress maximal, pas remis d’un échec, etc. bref au bord du gouffre. Avec des rebonds spectaculaires au sortir des trois jours.

« L’extraordinaire base de données qui découle de plus de 1 000 heures d’entretien avec eux nous a montré qu’on ne peut pas dresser une frontière entre travail et hors travail. Le sommeil perturbé, le manque de suivi médical, l’isolement social, l’addiction numérique, les ruptures personnelles impactent in fine les performances des entreprises », relate Jean-Denis Budin, dirigeant et cofondateur du Credir après avoir lui-même connu le burn-out de l’entrepreneur. Or, « ces facteurs ont toute probabilité de s’aggraver dans les prochaines années avec la pénurie de médecins, l’explosion des formes de travail alternatives au CDI et l’augmentation des cas où l’actif se retrouve seul le soir par le fait des déplacements », poursuit-il.

Le Credir invite dès lors les entreprises, en premier lieu leurs services RH, à devenir des « détecteurs des signaux faibles » parmi les salariés, tel un comportement plus renfermé ou plus bougon, un état de fatigue apparent ou une baisse de concentration. Plus facile à dire qu’à faire, cependant : l’immixtion dans la vie privée guette à tous les instants. « Nous ne concevons pas la QVG comme un outil d’évaluation qui aurait sa place dans l’entretien annuel. Elle doit se forger au quotidien, par simplement un regard différent du manager sur son collaborateur, en considérant que c’est une personne qui a une vie en dehors », estime Pierre Leseigneur.

Assorti d’une charte d’engagement, le label, #QVG, ne « veut en aucun cas constituer un audit du bien-être dans l’entreprise », confirme Jean-Denis Budin, mais saluer la « volonté démontrée, par l’information et les actions, de donner aux collaborateurs des moyens pour leur épanouissement au travail en optimisant leur condition physique et psychologique ». Le Credir fournit des pistes, qu’il juge complémentaires du rôle du médecin du travail : inciter un collaborateur à se déconnecter du numérique ou à mieux prendre soin de son corps, lui suggérer de (re)faire un peu de sport, s’enquérir de la réalité d’une vie sociale par ailleurs… Rien donc de faramineux à mettre en place. Mais, selon son expérience, de quoi avancer énormément, « jusqu’à sauver des vies ». Le centre espère rallier suffisamment d’autres entreprises pour organiser dès l’an prochain un Trophée de la QVG.

Auteur

  • Mathieu Noyer