Le groupe CBRE, spécialiste de l’immobilier d’entreprise, a opté pour le flex office. À la clé, des changements de comportements.
« Des réunions qui se passent dans les escaliers. Un salarié qui dit au revoir à sa plante : invité par CBRE lors d’une réunion d’accompagnement sur le changement, un caricaturiste a croqué crise du logement et travers humains », raconte Solange de Cormis, directrice de la communication du groupe international, spécialisé dans l’immobilier d’entreprise. « Compte tenu de notre expansion, nous devions changer de locaux », poursuit-elle. L’occasion était toute trouvée pour passer au flex office, sans oublier d’évangéliser les clients sur ses vertus grâce à cette vitrine. En mars dernier, quelque 550 salariés (sur les 1 100 que compte le groupe en France) ont pris possession de leurs nouveaux locaux, rue de Prony, à Paris.
Possession est sans doute un bien grand mot, puisque l’idée est précisément le contraire : personne n’a de bureau personnel, ni même de table attitrée. « Certains adeptes du flex office déclarent vouloir économiser des mètres carrés, mais notre idée, indique Solange de Cormis, était plutôt d’optimiser l’espace, avec un ratio d’un salarié pour 1,2 poste, et d’utiliser les mètres carrés gagnés pour créer plusieurs espaces collectifs. » Et au-delà de la vitrine pour les clients, l’initiative est considérée comme un laboratoire interne, visant à comprendre la relation entre utilisation de l’espace et comportements des collaborateurs et des managers.
La directrice de la communication ne cache pas qu’au début, les réticences ont été nombreuses et parfois inattendues. « L’idée d’utiliser souris et clavier communs a suscité des questions d’hygiène, raconte-t-elle, tandis que les clients s’enquéraient de la façon dont ils pourraient identifier les managers. Quant à ces derniers, ils ont dû apprendre à ne pas avoir forcément leurs équipes sous les yeux… »
Les salariés ont été rassurés sur le ménage et la mise à disposition de lingettes, de même qu’ils ont été accompagnés par un spécialiste pour se débarrasser des objets personnels qui trônaient sur leur bureau : plantes, photos de famille et autres mugs… Quant aux marqueurs de statut pour les managers, CBRE a trouvé une première solution pour l’instant : priorité leur est donnée sur le système électronique de réservation de salles de réunion.
Concrètement, les collaborateurs ont le choix entre plusieurs zones d’équipes, même s’ils peuvent, à leur guise, s’installer n’importe où sur les huit étages que compte l’immeuble. Il leur suffit, à la sortie de l’ascenseur, de jeter un coup d’œil sur l’écran qui indique, grâce à des capteurs sur les postes, ceux qui sont libres ou occupés. En outre, des « cabines téléphoniques » sont disponibles s’ils doivent passer des coups de fil, de même que de petites salles de réunion à trois ou quatre, tandis qu’un peu partout, des comptoirs sont équipés, de même que de grands canapés, de prises pour brancher un ordinateur (chaque collaborateur s’étant vu remettre un portable). Sans oublier plusieurs espaces alternatifs, l’un en forme de « forum », avec des gradins mais aussi de grands matelas en cuir – « l’une de mes collaboratrices aime à s’installer ici et travailler allongée », indique Solange de Cormis – une terrasse aménagée, un autre espace « station », un café douillet et lumineux… De quoi, en somme, loger tout le monde sans course à la salle de réunion comme avant, sans conversations téléphoniques intempestives et sans engueulades en public non plus. « Nous avons indiqué aux managers qu’ils doivent, s’ils ont quelque chose à dire à un membre de leur équipe, le faire dans une salle, en privé », détaille la communicante du groupe. À l’usage, certains aménagements ont été nécessaires. Par exemple, les règles de réservation des salles ont été simplifiées et les collaborateurs ont été sensibilisés sur le fait de ne pas ranger clavier et souris dans les casiers mis à leur disposition, puisque ces outils sont programmés pour un ordinateur en particulier.
S’il faut attendre de nouvelles enquêtes de satisfaction pour constater des changements profonds dans la culture managériale et la cohésion des équipes, les premières remontées de terrain font état d’espaces de travail beaucoup plus calmes qu’auparavant, de réunions – debout, assis ou couché – plus dynamiques et de fluidité plus grande dans la communication.