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Étienne Pujol : La chronique juridique d’avosial

Chroniques | publié le : 18.06.2018 | Étienne Pujol

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Étienne Pujol : La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Étienne Pujol

Prêtez votre main-d’œuvre sans modération !

Recourir à des intervenants extérieurs pour réaliser certaines activités permet aux entreprises de se concentrer sur leur cœur de métier en profitant de main-d’œuvre qualifiée avec beaucoup de flexibilité. Cela peut se réaliser par le biais d’un contrat de prestation de services ou par une opération de « prêt de main-d’œuvre » par laquelle une entreprise « prêteuse » met un ou plusieurs de ses salariés, dont elle reste l’employeur, à la disposition d’une entreprise « utilisatrice » pendant une durée déterminée.

Cette « externalisation »

devait jusqu’alors être maniée avec beaucoup de prudence car aucune entreprise ne pouvait en tirer un profit financier, sous peine de commettre un des deux délits prévus par le Code du travail : le délit de prêt de main-d’œuvre illicite et/ou celui de marchandage. La loi Cherpion du 28 juillet 2011 a défini le but lucratif ainsi prohibé, l’excluant dans le cas où l’entreprise prêteuse ne contente de ne facturer à l’entreprise utilisatrice que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition. Néanmoins, outre le niveau des salaires de ces profils, la refacturation de l’ensemble des charges afférentes à la rémunération « à prix coûtant » imposée par le Code du travail constituait un frein majeur à cette modalité de partage de compétences, les entreprises potentiellement utilisatrices n’ayant souvent pas les ressources financières nécessaires pour en supporter le coût.

Une des ordonnances Macron

du 22 septembre 2017 a assoupli cette réglementation en offrant aux start-up et aux PME la possibilité d’y recourir sans en supporter la totalité des coûts salariaux. Depuis le 1er janvier 2018 en effet, l’article L. 8241-3 du Code du travail permet que le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice puisse être inférieur aux coûts du (des) salarié(s) mis à disposition. La loi du 29 mars 2018 ratifiant les ordonnances Macron a ajouté sa pierre à l’édifice en précisant que le montant facturé à l’entreprise utilisatrice peut même être égal à zéro. Sur, le volet fiscal, sous réserve de respecter ces conditions, l’entreprise prêteuse pourra déduire la totalité des charges liées au salarié mis à disposition, même lorsqu’elle ne les refacture que partiellement à l’entreprise utilisatrice.

Il est bien évident

qu’un tel assouplissement ne peut que s’accompagner d’un encadrement strict des conditions pour pouvoir y recourir :

Les entreprises « prêteuses » ne peuvent être que des entreprises ayant au moins 5 000 salariés ou appartenant à un groupe d’au moins 5 000 salariés.

Les entreprises utilisatrices doivent avoir moins de huit ans d’existence au moment de la mise à disposition ou être des PME de 250 salariés maximum. Elles peuvent aussi être des associations et des fondations d’intérêt général.

Pour éviter les effets d’aubaine, il n’est pas possible de recourir à ce type de prêt de main-d’œuvre au sein d’entreprises appartenant à un même groupe au sens du Code de commerce.

Le prêt de main-d’œuvre doit faire l’objet d’une convention écrite de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice et être limité à deux ans.

Il est donc désormais beaucoup plus facile

pour les start-up et pour les PME de bénéficier des compétences et de l’expertise des salariés de grandes entreprises dans ce nouveau cadre légal. Cet outil de flexibilité devrait rencontrer un franc succès notamment au sein d’incubateurs et de pépinières, où les grandes entreprises pourront mettre à disposition certains de leurs experts et ainsi être aux premières loges pour apprécier les résultats de leur « investissement ».

Auteur

  • Étienne Pujol