Retour sur l’accord signé le 13 avril entre la direction de PSA Automobiles (60 000 salariés) et cinq organisations syndicales sur six (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO et GSEA), sur la mise en place des nouvelles instances représentatives du personnel du groupe, avec les interviews croisées de Bruno Bertin, DRH France de PSA, et de Christian Lafaye, délégué syndical central Force ouvrière.
Christian Lafaye : Selon la loi, nous pouvions perdre près de 60 % des mandats et autant en volume d’heures de délégation. Or les organisations syndicales vont perdre au final 18 % à 20 % du nombre de mandats et 10 % des heures de délégation. C’est la raison essentielle qui nous a poussés à faire un accord. Nous avons réussi à embarquer un nombre conséquent de représentants de proximité qui rééquilibre le nombre de mandats sur les sites.
Nous avons décidé de fonctionner en intersyndicale en organisant des groupes de travail. Le syndicalisme des années cinquante a changé. On travaille aujourd’hui beaucoup plus en amont qu’en aval. C’est en négociant le plus possible en amont qu’on fait bouger les lignes. J’ai quarante-deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et, depuis que je suis délégué syndical central, depuis 2008, j’ai signé 94 accords. Force est de constater que les électeurs nous ont fait confiance puisqu’ils nous ont permis de devenir la première organisation syndicale. En début d’année, FO a signé la rupture conventionnelle collective. L’important, ce n’est pas l’intitulé de l’accord, c’est son contenu. La RCC, c’est tout simplement la continuité des plans de départs volontaires, mais avec 1 400 embauches en CDI en plus !
C’est difficile à dire car c’est quelque chose de totalement nouveau. Il n’y a que trois sites, Vesoul, Sevelnord et la Française de Mécanique qui sont déjà passés au CSE. Je pense que nous allons avoir des représentants très formés, très pointus, plus spécialistes que généralistes. Ce nouveau type de fonctionnement peut s’inscrire encore plus dans la démarche de coconstruction que nous prônons en tant qu’organisation réformiste. On peut penser également que les décisions syndicales vont être plus rapides.
Non, je n’y retrouve pas mon compte dans ce regroupement des différents représentants du personnel. Mais le législateur a voulu que les nouvelles IRP soient plus agiles, plus souples pour que les choses aillent plus vite. Devant nous, il y a la loi !
Le terme est dans douze ans et la loi laisse de la place à une durée plus longue. De façon générale, j’estime qu’il vaut mieux avoir des gens opérationnels dans les instances mais c’est ce qui se passe déjà chez PSA. Un secrétaire de CE est un manager. Il acquiert des compétences en matière de management qui peuvent s’appliquer dans l’entreprise.
C’est un accord « en CDD » puisque sa validité est d’un an, jusqu’à la mise en place du CSE central. Mais c’est un accord qui peut faire école auprès des grandes entreprises dans l’industrie. Avec la fédération des métaux FO, nous avons largement démultiplié la communication autour de cet accord.
Bruno Bertin : Nous avons négocié très rapidement cet accord, ce qui démontre une grande maturité du dialogue social chez PSA. C’est un travail de longue haleine qui remonte à plusieurs années. Lorsque l’entreprise était dans une situation très difficile, nous avons signé en octobre 2013 le Nouveau contrat social qui a contribué au redressement du groupe, puis l’accord Nouvel élan pour la croissance en juillet 2016, dans une logique de leadership social, de partage de la stratégie et de coconstruction. Cela consiste à construire des solutions avec les partenaires sociaux dans le cadre d’une relation de confiance. Je considère d’ailleurs que nos organisations syndicales représentent un avantage compétitif pour l’entreprise.
Nous avons abordé la fusion des instances représentatives du personnel, comme tous les autres sujets, avec la conviction que la performance économique de l’entreprise va de pair avec la performance sociale et que l’intérêt des salariés doit toujours être pris en compte. Dès que les premières informations ont commencé à circuler, en septembre 2017, nous avons échangé avec les partenaires sociaux sur les ordonnances. Et nous avons signé dès le mois d’octobre un accord de méthode afin d’organiser notre agenda social.
Avant la publication des ordonnances, nous avions effectivement négocié un accord innovant et extrêmement structurant sur les parcours des partenaires sociaux, qui est, lui aussi, une belle illustration de cette coconstruction. Nous avons associé des compétences à des postes détenus par les salariés mandatés, par exemple les secrétaires de CE et de CHSCT, les délégués syndicaux centraux, les responsables de sections syndicales, et prévu un plan de formation, afin d’offrir aux salariés concernés des passerelles vers d’autres postes dans l’entreprise. Nous avons ainsi repéré 130 mandatés clés, qui bénéficieront d’environ 200 stages de formation sur 2018 et 2019.
Il repose sur plusieurs lignes de force. D’abord, l’instance unique doit permettre l’organisation d’un dialogue social qualitatif. Ensuite, l’accord aboutit à une baisse inéluctable du nombre de mandats. Mais alors que les ordonnances prévoient une commission de trois personnes sur la santé, la sécurité et les conditions de travail, nous avons estimé que cela ne tenait pas la route pour un site comme Sochaux qui emploie plusieurs milliers de personnes. Sur six de nos établissements (c’est-à-dire un quart), nous avons une commission par CSE de site.
Leur rôle est d’assurer une représentation au plus près du terrain. C’est cependant assez différent du rôle des DP. Mais ces RP permettent d’ouvrir les carrières syndicales à d’autres personnes que les élus, dans une perspective de renouvellement des équipes syndicales.
Ce n’est pas un point critique. Dans l’accord sur l’exercice du droit syndical renouvelé en 2009, nous avons insisté sur l’importance pour les salariés mandatés de conserver une activité professionnelle, excepté pour les quelques personnes qui ont un mandat à plein-temps comme les responsables des organisations syndicales. Sur plus de 1 700 mandats au total, environ 390, soit 20 %, vont être supprimés par la fusion des IRP. Chaque salarié concerné pourra bénéficier d’un bilan de compétences et se verra proposer trois postes dans l’entreprise. Mais nous sommes assez sereins car l’échéance est en 2030, au terme de trois mandats de quatre ans !