La réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage devrait rebattre en profondeur les cartes des voies d’accès à la formation et de leurs financements. Comment les organismes de formation se préparent-ils à la nouvelle donne, particulièrement ceux actifs dans l’alternance au niveau supérieur dont les ressources pourraient être affectées par la fixation d’un « forfait au contrat » qu’il appartiendra aux branches de déterminer ?
Cette réforme n’aura que peu d’impact sur les politiques des entreprises. La réforme qui a pesé, c’est celle du 5 mars 2014. C’est à ce moment-là qu’a été énoncé le principe d’un glissement des obligations fiscales des entreprises vers la formation des demandeurs d’emploi. C’est d’ailleurs légitime dans une situation où le taux de chômage atteint 9 %, dont 4 % à 5 % de chômage structurel. Globalement, à l’IGS, nous sommes en phase avec la philosophie de la réforme en cours : il était nécessaire de faire bouger un système qui commençait à dater. Pour autant, certaines dispositions du projet de loi Pénicaud nous inquiètent. C’est le cas de la suppression de la période de professionnalisation, par exemple, puisqu’il existait des formules permettant aux entreprises de mobiliser ces périodes de pro pour leurs collaborateurs par le biais de l’alternance. Le ministère semble indiquer qu’une période de transition sera instaurée avant la disparition définitive de ce dispositif : nous verrons ce qu’il en sera. Mais, d’une manière générale, le gouvernement veut aller vite dans sa réforme. Trop, peut-être : le débat parlementaire sera peut-être l’occasion de lui rendre service en accordant des sursis à la disparition de certains outils existants. Il est important de ne pas créer de ruptures brutales entre ces dispositifs et ceux qui doivent les remplacer.
Aujourd’hui, il me paraît difficile de faire l’économie d’un outil digital comme l’application smartphone prévue par le gouvernement, à condition cependant qu’elle ne soit pas le seul point d’entrée vers la formation au titre du CPF. De toute façon, l’existence de l’appli n’est pas incompatible avec celle d’un accompagnement personnalisé des individus au titre du conseil en évolution professionnelle (CEP). Mais ici se pose la question du financement de ce service de conseil. En 2015, les opérateurs désignés par la précédente loi (Pôle emploi, Opacif-Fongecif, Apec, Cap emploi et missions locales) l’ont mis en place sur leurs propres budgets. Cela ne sera plus possible demain. C’est pourquoi ces opérateurs auront tout intérêt à s’associer à des partenaires privés pour pouvoir répondre aux appels d’offres régionaux du CEP. Déjà, certains cabinets d’outplacement ou OPP (opérateurs privés de placement) ont laissé entendre leur intérêt pour ce nouveau marché.
L’ancien système avait un défaut majeur : il empêchait les PME d’avoir accès à l’apprentissage puisque celles-ci ne finançaient pas les établissements de formation. Certains CFA parmi les moins dotés rechignaient à envoyer leurs apprentis dans les petites entreprises pour cette raison. Une absurdité puisque ce sont justement les PME qui créent de l’emploi. Dans ces conditions, le financement au contrat est une excellente initiative. Encore qu’il faille tempérer dans le cas des formations transverses qui concernent tous les nouveaux métiers qui s’inscrivent dans des domaines transversaux sans être directement rattachés à une filière métier. Ceux-là risquent d’avoir du mal à trouver des financements si les coûts sont déterminés par les branches. Là-dessus, France Compétences aura un vrai rôle de régulation à jouer.
Sur ce plan, nous espérons que nos critères seront pris en compte par les branches professionnelles et France Compétences lorsqu’il s’agira de déterminer les montants des financements au contrat. Évidemment, nous espérons, si la loi le permet, de permettre aux entreprises de pouvoir compléter le forfait.
A priori, la part hors quota de la taxe d’apprentissage perdurera sous la forme d’une contribution de 0,08 % sur la masse salariale des entreprises consacrée au développement des formations techniques professionnelles dont les organismes comme le nôtre, actifs dans la formation initiale supérieure, pourront continuer à bénéficier. Notre seule inquiétude, à ce sujet, c’est que cette contribution ne sera plus captée par les collecteurs de la taxe d’apprentissage (Octa) avec lesquels nous avions des relations privilégiées, mais par les Urssaf. Or, actuellement, nous ignorons comment ces fonds seront répartis et selon quelles clés.
Non. Le coût d’un alternant de l’IGS (du bac pro au master 2) se situe entre 8 000 et 12 000 euros par an. Nos alternants, dont 40 % viennent de quartiers défavorisés, n’auront jamais les moyens de trouver de telles sommes. Il est donc hors de question de faire passer des apprentis sous statut étudiant. Si les écoles de commerce choisissent de le faire, c’est leur problème, mais faut-il encore qu’elles trouvent des clients à ce prix-là pour maintenir leurs effectifs.
Après avoir obtenu en 1986 une maîtrise de sciences économiques à Paris Ouest Nanterre La Défense, Gilles Pouligny a intégré en 1987 l’Unipe insertion professionnelle, un organisme collecteur de la taxe d’apprentissage (Octa) puis en l’IGS comme directeur délégué aux développements et aux partenariats.
En 2010, il devient directeur commercial national de l’Afpa, avant de revenir en 2013 à l’IGS, où il occupe le poste de directeur général adjoint en charge de la formation continue et des partenariats.