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Sur le terrain

Dialogue social : Au Québec, patrons et syndicats évitent les grèves

Sur le terrain | publié le : 04.06.2018 | Ludovic Hirtzmann

Au Canada et tout particulièrement dans la Belle province, les partenaires sociaux privilégient les négociations. La grève, comme moyen de pression, n’est qu’une finalité ultime, rarement utilisée.

« La grève évitée au Canadien Pacifique », a titré récemment la chaîne de radio-télévision publique Radio-Canada sur son site internet. Le Canadien Pacifique est la société des chemins de fer qui relient un pays large de près de 5 000 km pour sa partie terrestre. Toute comparaison avec la SNCF serait maladroite. Le Canadien Pacifique est une entreprise beaucoup plus modeste avec seulement 3 400 employés, mais le risque d’une grève à la fin avril dernier a créé un étonnant parallèle avec la France. Au début du mois dernier, le syndicat des cheminots, dénommé Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, a menacé la direction d’une grève si ses revendications sur une hausse des rémunérations et une amélioration des horaires de travail n’étaient pas entérinées.

Capacité de négociation

Les parties patronales et syndicales ont négocié de pied ferme et, une journée avant le déclenchement prévu de la grève, celle-ci n’a pas eu lieu. Toujours au mois d’avril, une grève a aussi été évitée chez Autobus Mistral, une société ayant en charge le transport scolaire de la banlieue de Montréal. De la même manière, en mars, les 550 salariés du brasseur montréalais Molson, affiliés au syndicat des Teamsters, ont obtenu 5 % d’augmentation salariale sur quatre ans, une prime unique de 1 000 dollars, mais surtout une amélioration de leurs régimes de retraite. Les menaces de grève ont toujours lieu à l’approche du renouvellement d’une convention collective. Plutôt que d’aller à un conflit coûteux, les différends sont souvent réglés en amont entre les différentes parties ou avec l’aide d’un médiateur. C’est ainsi que les accords trouvés chez Molson, Autobus Mistral ou au Canadien Pacifique sont assez fréquents et typiques du dialogue social tant au Canada qu’au Québec. Les négociations entre les deux parties sont en revanche tendues avant de parvenir à un accord. « Lors des négociations, c’est celui qui tiendra le plus longtemps, à l’usure, qui emporte la partie », confie un avocat québécois, négociateur pour un petit syndicat de la Belle province. « J’obtiens toujours beaucoup à la toute fin des négociations lorsque tout le monde est épuisé », ajoute le négociateur.

Si les ententes entre le patronat et les syndicats mènent souvent à un accord avant grève, c’est parce que là-bas, les syndicats sont un État dans l’État. Le Canada compte 30,4 % de syndiqués. Le Québec atteint même des taux records de syndicalisation, avec 38,4 % de syndiqués. Les quatre grandes centrales syndicales de La Belle province y sont riches et puissantes. En effet, après une consultation et un vote des employés, si un syndicat entre dans une entreprise, tous les salariés doivent y adhérer, que cela leur plaise ou non. Une cotisation syndicale est prélevée sur chaque feuille de paie. L’inflation des salaires s’explique par la puissance de syndicats gérés comme des grandes entreprises, dont la trésorerie se remplit régulièrement des cotisations des employés. Le monde du travail québécois est très partagé sur le milieu syndical. Dans l’un de ses films cultes, Les invasions barbares, le réalisateur vedette québécois Denis Arcand (NDLR : le metteur en scène du Déclin de l’empire américain) caricature à l’extrême la puissance des syndicats dans les hôpitaux de la province. Les délégués syndicaux y sont dépeints comme des gens aux comportements proches de certaines personnes du milieu.

De rares conflits

Il arrive néanmoins que des négociations ne permettent pas de mener rapidement à un accord. En 2014, les employés municipaux des villes du Québec ont protesté contre une diminution de leur régime de pension. La grève a été déclenchée, mais dans une ambiance plutôt bon enfant, comme c’est généralement le cas. Les policiers municipaux ont quitté leurs uniformes pour revêtir des shorts ou des pantalons de treillis verts, gris ou parfois roses ! Il aura fallu trois ans néanmoins pour que le gouvernement et les employés municipaux s’entendent. Depuis 2007, dans les grandes entreprises, seul un conflit majeur, celui du Journal de Montréal, s’est soldé par un bras de fer douloureux. Le syndicat a épuisé son fonds de grève, obligeant les salariés à accepter les offres patronales. Une exception qui a marqué les esprits.

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann