Le baby-foot, le grand canapé cosy et le distributeur de smoothies croyaient (peut-être) avoir gagné pour de bon leurs galons de grands fournisseurs de bien-être dans les entreprises. Ils ont crié victoire trop tôt… C’est Nexity qui a relancé les débats en acceptant fin 2017 de participer à une expérience inédite. Pendant un mois, 28 salariés ont travaillé dans des locaux dotés d’un système d’éclairage innovant. Conçu par Lucibel, ce dispositif de LED baptisé Cronos reproduit la variation de lumière naturelle au fil de la journée, en la modifiant toutes les 90 secondes. Contrôlé par une intelligence électronique intégrée, il est équipé d’une horloge interne et synchronisé au fuseau horaire local. À 14 heures, l’intensité de la lumière fournie par ce système est donc trois fois supérieure à celle du début de matinée, avant de se réduire progressivement jusqu’à 18 heures. Un éclairage artificiel classique produit une intensité constante et perturbe le rythme biologique naturel.

L’influence de la lumière sur l’être humain a été mise en évidence au début des années 2000 par les chronobiologistes. « La lumière synchronise notre horloge biologique, explique le professeur François Duforez, médecin spécialiste des troubles du sommeil à l’Hôtel-Dieu de Paris AP-HP et au Centre européen du sommeil. Elle régule plusieurs fonctions dont la sécrétion de mélatonine nécessaire à un bon sommeil et elle influe sur les capacités cognitives. » Elle joue aussi plus globalement sur le psychisme. En Scandinavie, le manque de lumière provoque deux fois plus de dépressions saisonnières que dans les pays situés sous des latitudes plus basses comme la France.

Coordonnée par le Centre de sommeil de l’Hôtel-Dieu, l’expérience menée chez Nexity a eu des impacts positifs sur la somnolence durant la journée et la qualité du sommeil. Ainsi, 75 % des personnes ont vu leur niveau d’attention s’améliorer « significativement », l’étude indiquant « 26 % d’amélioration en moyenne pour une personne sur quatre selon la mesure effectuée en début d’après-midi, à 14 heures ».

Quant au temps de réaction à des stimuli, il a connu une amélioration pouvant atteindre « jusqu’à 15 % pour 75 % des participants sans augmenter le taux d’erreur ». Globalement, l’étude note que les « mesures effectuées démontrent une amélioration significative de la performance pour trois personnes sur quatre sous éclairage Cronos ». Par ailleurs, la « qualité ressentie du sommeil » s’est améliorée pour 75 % des participants et s’est « même extrêmement améliorée » pour un quart d’entre eux.

Lucibel compte sur les résultats de cette étude pour faire entrer son système dans la catégorie des investissements pleinement productifs. Selon ses concepteurs, ce type d’éclairage peut aussi améliorer la vigilance et la capacité d’apprentissage, favoriser une meilleure récupération de la fatigue ou, plus globalement, améliorer le bien-être des personnes devant travailler dans une lumière artificielle.

Si le surcoût initial par rapport à un éclairage classique peut atteindre 50 %, Frédéric Granotier, fondateur et président de Lucibel, se montre volontariste : « Avec Cronos, la performance des collaborateurs peut augmenter de 15 % à 20 %. » Sur le long terme, l’argument prend tout son poids. Du côté de Nexity, qui a accepté de collaborer au test, l’augmentation des performances des collaborateurs vaut d’autant plus qu’elle est associée à leur bien-être, un cocktail qui a toutes les chances de susciter l’intérêt des entreprises. « C’est un sujet différenciant qui entre en ligne de compte pour attirer et conserver les talents », note Loïc Daniel, directeur général adjoint de Nexity en charge de l’immobilier d’entreprise. Il n’est pas le seul à en avoir tiré des conclusions. Lucibel prévoit en effet de déployer prochainement son système sur un millier de sites d’un acteur du secteur bancaire.

L’être humain passe désormais 80 % de son temps en intérieur sous un éclairage artificiel. Combiné à l’usage intensif des écrans, ce manque d’exposition à la lumière naturelle dérègle le rythme biologique et réduit le temps de sommeil quotidien. Sur le dernier siècle, il a baissé en moyenne d’une heure.