Serions-nous devenus trop efficaces au travail ? Dans cet essai critique, Mireille Bruyère, membre des Économistes atterrés et d’Attac, s’en prend au discours prônant toujours plus de productivité au travail. Une injonction devenue selon elle insoutenable pour les salariés et la planète : « Nous sommes malades de la productivité au travail, et de notre croyance dans une croissance infinie. » À travers une histoire très subjective, de l’après-guerre à nos jours, l’auteur démontre le poids central qu’a pris la productivité dans la pensée économique et les décisions politiques. Et soutient même que « tous les compromis sociaux », de la sécurité sociale à la réduction du temps du travail, sont liés à cette théorie. L’auteur, visiblement influencée par Marx et Keynes, fait aussi appel aux philosophes et aux sciences sociales pour démontrer « la bascule » de la productivité du travail vers la course aux profits financiers. Selon elle, à partir de 1980, les entreprises auraient cherché à compenser la baisse de la productivité en empruntant sur les marchés, en valorisant l’actionnariat plutôt que l’investissement et la redistribution aux salariés. Du glissement vers un capitalisme financier (bonus des actionnaires) à l’optimisation malgré tout « constante » des organisations des entreprises qui dégradent les conditions de travail, l’auteur tire la sonnette d’alarme sur une doxa économique qui expliquerait la crise actuelle du travail. Un livre d’opinion engagé, brillant, mais qui reste très politique.