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Le fait de la semaine

Fonction publique : Recours aux contractuels : la fin annoncée de l’emploi à vie ?

Le fait de la semaine | publié le : 28.05.2018 | Adeline Farge

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Fonction publique : Recours aux contractuels : la fin annoncée de l’emploi à vie ?

Crédit photo Adeline Farge

Alors que les non-titulaires représentent plus de 21 % des effectifs, cette mesure provoque la vive opposition des organisations syndicales. Le point sur la situation.

Infirmières, policiers, enseignants seront-ils plus nombreux demain à être embauchés en CDD ? Le gouvernement semble en tout cas bien décidé à offrir davantage de souplesse aux employeurs lors de leurs recrutements. Après l’ouverture en avril du chantier sur les institutions représentatives du personnel, Olivier Dussopt, secrétaire d’État de l’Action et des Comptes publics, et les syndicats de fonctionnaires ont donné le coup d’envoi, le 15 mai 2018, de la concertation sur l’un des sujets les plus sensibles du projet de réforme de la fonction publique qui sera présentée en 2019, celui du recours accru aux contractuels. « Nous souhaitons faciliter le recours aux contractuels non pas pour favoriser une multiplication des contrats courts mais pour permettre aux employeurs de recruter de manière plus réactive, plus rapide, plus autonome », a déclaré Olivier Dussopt.

Actuellement, les possibilités d’embaucher des agents non titulaires du statut de fonctionnaire en CDD ou en CDI sont encadrées par la législation. Ainsi, cette forme de contrat peut être conclue uniquement pour remplacer un fonctionnaire absent, combler une vacance temporaire de poste, faire face à un pic momentané de l’activité mais aussi pour recruter une compétence pointue qui ne correspond à aucun corps de titulaires. De plus, la durée des CDD ne peut pas dépasser les trois ans et n’est renouvelable qu’une fois. « Les collectivités sont favorables à l’assouplissement des conditions de recrutement des contractuels tout en restant attachées au statut général. Face à la concurrence du secteur privé, elles rencontrent des difficultés à recruter des experts du numérique ou des profils techniques spécifiques. Or, la législation actuelle les conduit à se séparer d’agents compétents ou à trouver des artifices juridiques pour les garder. La durée des contrats doit s’aligner avec celles des projets », explique Johan Theuret, président de l’association des DRH des grandes collectivités, qui estime qu’un contractuel coûte 1,53 % plus cher en raison des cotisations patronales et des assurances chômages.

Un agent sur cinq est contractuel

Lors du Comité interministériel sur la transformation de la fonction publique, le Premier ministre Édouard Philippe a fait de cet élargissement du recours aux contrats l’une des orientations destinées à moderniser le statut des fonctionnaires. Pourtant, par crainte de mettre de l’huile sur le feu en plein climat social dégradé, l’exécutif ne devrait pas retenir la proposition du Comité Action publique 2022, chargé de plancher sur la future réforme de l’État, des collectivités et de la Sécurité sociale. Parmi les premières mesures phares présentées par les experts à Matignon le 16 mai, avant une remise du rapport d’ici début juin, figure la généralisation du recours aux contractuels, soit l’arrêt des recrutements des fonctionnaires. Quoi qu’il en soit, la volonté du gouvernement d’étendre le vivier des non-titulaires provoque l’ire des organisations syndicales qui en ont fait l’un des mots d’ordre de la grève du 22 mai. « Ce début de concertation confirme l’opposition frontale entre le gouvernement et les organisations syndicales en matière d’emploi public. Le recours accru aux contrats est une attaque aux statuts de fonctionnaires. Celui-ci stipule que les emplois civils sont pourvus sauf exception par des titulaires. Aujourd’hui, avec un agent sur cinq qui est contractuel, nous sommes passés à une norme d’emploi », accuse Jean-Marc Canon, secrétaire générale de la CGT fonction publique.

Variable d’ajustement en période de restrictions budgétaires et de pénurie de candidats aux concours, l’emploi contractuel a connu une progression constante sur la dernière décennie. Selon la Direction générale de l’administration et de la fonction publique, sur les 5,7 millions d’agents publics, en 2015, 1,280 million étaient contractuels, soit 21,7 % des effectifs. Plus souvent à temps partiel que les fonctionnaires, ils étaient plus nombreux à être embauchés dans la fonction publique territoriale (24,8 %) et pour la majorité sur des postes de catégorie C. « Plus de la moitié des premiers recrutements dans la fonction publique territoriale se font par voie contractuelle », précise Johan Theuret.

Alors que le recrutement par concours garantit un minimum de transparence et d’égalité dans l’accès aux emplois publics, celui des contractuels fait partie du pouvoir discrétionnaire des employeurs. « Même si le statut présente des rigidités, il offre des garanties d’indépendance et des protections aux agents publics face aux pressions des autorités politiques. Le recrutement massif de contractuels ouvre la porte à des situations de népotisme et de clientélisme qui peuvent porter atteinte à la qualité des services publics », estime Luc Rouban, sociologue au Cevipof.

Une précarité préoccupante

Contrairement aux titulaires qui bénéficient d’avancements de carrière et de rémunération définis par décret, les contractuels n’ont aucune visibilité sur leurs perspectives d’évolutions professionnelles et salariales, laissées à la libre appréciation de leur supérieur hiérarchique. « La principale différence avec les titulaires concerne l’emploi à vie. Tandis qu’il est difficile de se séparer d’un fonctionnaire, avec un contractuel en CDD, il suffit d’attendre la fin de leur contrat pour y mettre un terme sans avoir de prime de précarité à verser. Alors que le gouvernement envisage un plan de départ volontaire, ces contrats très flexibles permettent de jouer sur la taille des effectifs », constate Jean-François Amadieu, spécialiste des mouvements sociaux.

Bien que soumis aux mêmes exigences de travail que les titulaires, ils n’ont pas les mêmes droits à la formation, aux prestations et œuvres sociales, à la mobilité que les fonctionnaires. Sans compter que la cohorte d’agents qui enchaîne les contrats de courte durée rencontre des difficultés à accéder au logement, au crédit bancaire ou encore aux soins. Pour résorber ces emplois précaires, la loi du 12 mars 2012, dite loi Sauvadet, a permis de requalifier en CDI des CDD d’agents ayant six ans d’ancienneté et a donné la possibilité à ceux disposant de quatre ans d’ancienneté de passer des concours réservés. Entre 2013 et 2017, 54 000 contractuels ont été titularisés, pour 125 000 éligibles. « Nous demandons une sécurisation des parcours professionnels et un nouveau plan de titularisation, après l’échéance du plan Sauvadet, pour sortir les agents de leur situation d’instabilité. Notre priorité est d’améliorer leurs conditions d’emploi et de corriger les inégalités avec les fonctionnaires », insiste Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU. Lors de l’ouverture de la concertation, Olivier Dussopt a indiqué que les règles d’évolution des rémunérations, les dispositifs de mobilité, l’accès aux responsabilités d’encadrement, l’accompagnement des transitions professionnelles seraient au cœur des trois réunions qui se tiendront d’ici la fin juin.

Auteur

  • Adeline Farge