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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 28.05.2018 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Pourquoi persistent des écarts de salaire entre hommes et femmes ?

Pourquoi est-ce qu’au XXIe siècle, en dépit de dizaines de lois visant à promouvoir l’égalité professionnelle, des écarts non justifiés de rémunération entre les femmes et les hommes persistent ? De nombreux chercheurs ont tenté de répondre à cette question. Ils mettent en avant le poids des stéréotypes et des préjugés, l’effet des congés maternité, la moindre appétence des femmes pour la négociation salariale, la plus grande préoccupation des femmes pour leur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, etc.

Forrest Briscoe et Aparna Joshi,

tous deux chercheurs à l’université de Pennsylvanie (Wharton pour les intimes), ont eu l’idée de tester une tout autre hypothèse. Ils se sont demandé si les valeurs et l’opinion politique des managers avaient une influence sur ces écarts de rémunération, en particulier dans des environnements professionnels où il existe peu de critères objectifs de performance qui permettraient de limiter l’impact de la subjectivité du manager. Suivant que les managers sont plutôt progressistes ou plutôt conservateurs, ils seraient plus ou moins sensibles au sujet de l’égalité de rémunération entre les sexes.

Pour tester ces hypothèses,

nos deux chercheurs ont étudié les bonus versés au nom de la performance au travail dans un grand cabinet d’avocats. Ils ont aussi eu accès aux dons versés à des organisations politiques par les principaux managers, traduisant ainsi leur sensibilité politique. Forrest Briscoe et Aparna Joshi ont publié récemment leurs conclusions dans la revue Academy of Management Journal(1).

Ils observent que les écarts de bonus

entre les femmes et les hommes sont plus faibles chez les managers qui ont une sensibilité progressiste que chez les managers qui partagent des idées conservatrices. L’opinion politique des managers influence bel et bien leur politique de rémunération, en particulier la répartition d’enveloppes budgétaires entre les femmes et les hommes de leur équipe.

Cet impact de l’idéologie politique des managers

croît d’ailleurs avec l’ancienneté et la position hiérarchique des salariés à qui les bonus sont attribués : les jeunes femmes sont moins discriminées par les managers conservateurs que les femmes qui sont proches d’atteindre des postes clés de l’entreprise. En revanche, contrairement à ce qu’imaginaient nos deux chercheurs, cet impact idéologique ne dépend pas de l’environnement de travail du manager : les opinions politiques de son chef et de ses pairs n’affectent pas la façon dont un manager distribue les bonus entre ses collaborateurs et collaboratrices.

Bref, il reste fort à faire

pour faire évoluer les mentalités et que les systèmes de rémunération à la performance trouvent leurs limites quand la performance est difficile à évaluer objectivement : la subjectivité du manager, donc son idéologie politique, joue (consciemment ou non) sur les bonus attribués. À la discrimination entre les sexes s’ajoute donc la discrimination entre les managers : à travail égal, deux femmes n’ont pas la même rémunération parce qu’elles n’ont pas le même manager. Aux DRH de faire la chasse à l’arbitraire et de s’assurer que l’évaluation repose moins sur l’idéologie que sur la compétence !

1) Briscoe F. et Joshi A. (2017) « Bringing the boss’s politics in : Supervisor political ideology and the gender gap in earnings », Academy of Management Journal, 60(4), 1415-1441.

Auteur

  • Denis Monneuse