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Relation interpersonnelle : Du mentorat d’un nouveau genre

Sur le terrain | publié le : 14.05.2018 | Lys Zohin

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Relation interpersonnelle : Du mentorat d’un nouveau genre

Crédit photo Lys Zohin

La Women Business Mentoring Initiative, fondée en 2010 par Martine Liautaud, lance une nouvelle formule, celle d’allier mentors et « mentees » dans diverses entreprises internationales. Au-delà de la promotion des femmes au sein des organisations, c’est une nouvelle culture des affaires qui se dessine.

« Mon rêve, c’est de voir un mentor d’Engie, par exemple, épauler une femme de BNP Paribas, ou vice-versa, et mieux que cela, un mentor d’une société en Allemagne, disons, mentorer une femme en France ou aux États-Unis, ou vice-versa… » Si le nouveau rêve de mentorat inter-entreprises et transfrontières de Martine Liautaud commence seulement à prendre forme, cette femme d’affaires a l’habitude que ses projets les plus ambitieux se concrétisent. À preuve, une première initiative, dans le cadre de la Women Business Mentoring Initiative, qu’elle a lancée en 2010, pour mentorer des femmes entrepreneuses.

C’est à la faveur d’une conférence donnée par Martine Liautaud à Toulouse que Béatrice Korsakissok, basée sur place, a découvert le mentorat. Cette ingénieure, cofondatrice, en 2015, de la société Syntony, spécialisée dans la radionavigation, avec des solutions permettant de capter des signaux dans des endroits comme des tunnels, est conquise. Pourtant, elle avoue aujourd’hui n’avoir pas osé se présenter à l’oratrice à l’issue de la conférence. Un problème de manque de confiance en soi bien féminin, selon certains… Mais tout cela est maintenant oublié. Depuis qu’elle a été mentorée, d’abord à Paris par Martine Liautaud elle-même, puis de New York, où la société a ouvert une filiale, par un mentor américain, Roy Camblin, conseiller stratégique très connu outre-Atlantique, Béatrice Korsakissok déploie ses ailes, et l’entreprise avec elle. Stockholm, Tokyo, Munich, Séoul, New York, la solution mise au point par Syntony est en passe d’être utilisée dans les métros du monde entier. « J’ai beaucoup plus de légitimité vis-à-vis des banquiers, je gère mieux les recrutements de l’entreprise, je communique mieux », énumère-t-elle en parlant des bienfaits du mentorat.

« Les mentors agissent sur des situations très précises, confirme Laetitia Gazel Anthoine. Et le mentor a un regard extérieur objectif et bienveillant. » Cette ingénieure Supélec a fondé Connecthings en 2007. Orientée ville intelligente, la plate-forme qu’elle a mise sur pied permet, grâce à une application, de donner des informations aux habitants, sur des alternatives aux transports publics en cas de grève, par exemple. Son mentor, Thierry Zylberberg, fondateur et DG de la filiale santé d’Orange (décédé en 2016), de mi-2011 à mi-2012, la « challengeait sur tout, du business plan à l’organisation », se souvient-elle. « Hyper efficace », il lui permit de lever des fonds, de mieux manager les équipes et, là aussi, de développer la société à l’international, puisque Laetitia Gazel Anthoine est installée à New York depuis quelque temps, afin d’être au plus près des clients américains.

Diversité des cultures

Pas étonnant qu’avec ces succès – et bien d’autres -, Martine Liautaud ait eu envie de lancer une nouvelle initiative de mentorat croisé en direction des femmes dans les entreprises. L’idée a plusieurs avantages : d’abord elle permet, comme pour le mentorat intra-entreprise, de tenter d’aplanir les difficultés rencontrées par les femmes qui veulent évoluer, relever de nouveaux défis, montrer qu’elles peuvent prendre de nouvelles responsabilités dans une organisation. Ensuite, parce qu’en partant de cultures d’entreprise et de cultures des affaires diverses, on établit un nouveau cadre, plus propice pour que, d’une part, des femmes à mi-carrière et à haut potentiel puissent prendre du galon dans les organisations, et, d’autre part, que ces organisations profitent elles-mêmes de cette nouvelle diversité. Car « si l’égalité homme/femme est le but, déclare Martine Liautaud, la diversité est bien plus importante ». Mais, s’empresse-t-elle d’ajouter, « si les femmes doivent solliciter du mentorat, l’impulsion doit aussi venir de la direction des entreprises ». « Et le DRH, qui sert de relais, doit avoir dans ses objectifs de créer du mentorat », renchérit, pragmatique, Laetitia Gazel Anthoine. Et ce d’autant plus qu’ » accompagner les talents émergents a un effet positif sur toute l’entreprise », confirme de son côté Béatrice Korsakissok. Autant dire que ces femmes sont plus que convaincues…

Et au cas où l’enthousiasme dans les entreprises ne serait pas assez vif, la fondation de Martine Liautaud, la Women Initiative Foundation (WIF), lancée en 2016, leur proposera des mesures pour améliorer l’égalité des genres en leur sein, de même que des formations sur les stéréotypes et les biais inconscients. Enfin, la WIF, qui a réalisé une étude sur la perception de l’égalité dans les entreprises européennes cette année, élargira son enquête à d’autres continents à l’avenir. Autant d’enseignements à tirer pour toutes les entreprises qui s’intéressent – un peu ou beaucoup – à la promotion des femmes dans l’économie.

Portrait : Rendre à la vie ce qu’elle a donné

« Mon premier mentor a été mon père, qui croyait très fort en ses enfants, fille ou garçon », raconte Martine Liautaud. Du coup, elle a commencé dans la vie gonflée à bloc ! Devenue banquière d’affaires – au culot, puisqu’en 1974, la vingtaine à peine, elle est allée directement demander un poste – inédit pour une femme à l’époque – dans le Groupe Suez, elle veut rendre à la vie ce que la vie lui a donné. Et à la société. Non seulement en créant de la richesse via le lancement d’une entreprise, comme elle l’a fait en 1990, en fondant une société de conseil en investissement, peu après de nouvelles études à l’université Stanford, en Californie, puis, en 2000, en créant la banque Liautaud et Cie, spécialisée dans les fusions et acquisitions, mais aussi en pratiquant le mentorat de façon formelle ou informelle.

Parce que parfois, une simple conversation, un conseil, un soutien est tout ce dont on a besoin pour oser envisager une évolution de carrière, se lancer dans un nouveau projet, partir en expatriation… Et si tout le monde peut être dans ce cas, Martine Liautaud a décidé depuis longtemps de travailler sur les femmes. Il suffit de regarder la composition des équipes de direction d’entreprises pour comprendre pourquoi… Elle a également écrit plusieurs ouvrages sur ces thèmes, dont Breaking Through, décrivant les bonnes pratiques que peuvent mettre en place les entreprises pour aider les femmes à réussir.

Fidèle dans ses convictions, Martine Liautaud l’est aussi dans ses relations. « J’ai gardé mes mentors toute ma vie ! », s’exclame-t-elle. Et il y a fort à parier que les femmes qu’elle a épaulées maintiennent elles aussi le lien, et poursuivent, comme certaines le font déjà, le cercle vertueux en devenant mentors à leur tour.

Auteur

  • Lys Zohin