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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 14.05.2018 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Les vices ont-ils de la vertu ?

On sait qu’il existe

une forte dimension politique dans les entreprises. Plus on monte dans la hiérarchie, plus il devient important de nouer des alliances, étendre son pouvoir, établir les règles du jeu, faire du lobbying, etc. Il n’est donc pas inintéressant de se pencher sur les études menées en science politique pour mieux comprendre le monde de l’entreprise et savoir comment y faire sa place.

Une des grandes questions

de cette discipline consiste à savoir ce qui fait qu’un leader politique sera plus ou moins influent. Deux grandes positions s’affrontent. D’un côté, l’école de la vertu, développée originellement par Aristote, met en avant l’importance du courage et de la sagesse. De l’autre côté, l’école du vice, développée par Machiavel, met au contraire en avant l’efficacité de la ruse, de l’égotisme et de la force pour parvenir à ses fins. Selon cette seconde perspective, les vices auraient la vertu d’influencer autrui.

Leanne ten Brinke,

chercheuse à l’université de Californie à Berkeley, assistée de trois collègues, Christopher Liu, Dacher Keltner et Sameer Srivastava, ont eu l’idée de tester ces deux théories à partir du cas des sénateurs américains*. Pour cela, ils ont observé le comportement non verbal de 151 sénateurs afin d’identifier leurs vices et leurs vertus. Concrètement, ils ont regardé dans quelle mesure les sénateurs se comportaient de manière vertueuse, c’est-à-dire, de façon sage, courageuse, juste, humaine ou encore modérée, ainsi que de manière vicieuse, c’est-à-dire de façon narcissique, psychopathologique et machiavélique. De plus, nos quatre chercheurs ont observé la capacité de ces 151 sénateurs à être suivis par leurs collègues dans leurs propositions de lois et leur leadership à travers les postes à responsabilité qu’ils occupent, chef d’un groupe de travail ou d’une commission par exemple.

Que ressort-il de leur enquête ?

Tout d’abord, aucune différence comportementale notable ne fut relevée, ni entre les femmes et les hommes, ni entre les Démocrates et les Républicains. Ensuite, les sénateurs qui font preuve de comportement vertueux (courage, empathie, préoccupation pour la justice…) ont plus d’influence que la moyenne, au sens où ils parviennent plus à rallier d’autres sénateurs derrière eux autour d’un projet de loi. Ces sénateurs aux comportements vertueux sont encore plus influents s’ils occupent des postes à responsabilité. À l’opposé, les sénateurs à tendance psychopathe, narcissique et machiavélique ont une moindre influence sur leurs collègues, y compris lorsqu’ils occupent des postes en vue.

Au premier abord,

ces résultats sont rassurants pour les tenants de l’ordre moral : même dans des cercles de pouvoir et de compétition, il serait dans l’intérêt de chacun de faire preuve de vertu. Toutefois, cette étude est fondée sur les comportements visibles. Il est aussi possible que paraître vertueux sans l’être réellement soit une stratégie diablement efficace mise en œuvre par les plus vicieux. Les entreprises ont donc tout intérêt à embaucher des dirigeants vertueux, à condition qu’ils le soient réellement au quotidien et pas seulement en apparence. Sinon, elles pourraient se retrouver avec des leaders influents… mais pas dans le bon sens !

* ten Brinke, L., Liu, C. C., Keltner, D., & Srivastava, S. B. (2016). Virtues, vices, and political influence in the US Senate. Psychological science, 27(1), 85-93.

Auteur

  • Denis Monneuse