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Dialogue social : Les nouvelles règles du jeu

Le point sur | publié le : 30.04.2018 | Hugo Lattard

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Dialogue social : Les nouvelles règles du jeu

Crédit photo Hugo Lattard

Les ordonnances ont fait la part belle à la négociation d’entreprise en offrant des possibilités plus grandes de déroger aux accords de branche, pour fixer des règles plus proches de la réalité du terrain, plus conformes aux besoins des employeurs et des salariés de chaque entreprise. Pour cela, les règles de validation des accords à ce niveau ont été modifiées.

S’agit-il d’une révolution ? Ou plus simplement d’une nouvelle évolution de la négociation collective, donnant plus de marges de manœuvre au niveau de l’entreprise ? Le 1er mai entre en vigueur la règle de validation à une majorité de 50 % pour tous les accords d’entreprise. Pour être valides, ces accords doivent dorénavant être approuvés par une ou plusieurs des organisations syndicales (OS) ayant recueilli 50 % des suffrages exprimés en faveur des syndicats représentatifs. Que ce soit au premier tour des élections du CSE, la nouvelle instance représentative du personnel (IRP) ou, avant sa mise en place, au premier tour des dernières élections du CE, de la DUP ou, à défaut, des DP. Et non plus à une majorité de 30 % des OS représentatives, comme c’était le cas jusqu’à présent. Toutefois, la signature de plus de 30 % de ces OS représentatives peut suffire, si elle est validée par un vote majoritaire des salariés de l’entreprise, dans le cadre d’une consultation. Car la réforme a apporté en outre des possibilités nouvelles de recours au référendum d’entreprise pour valider les accords.

Depuis la loi Travail, étaient déjà soumis à cette règle de validation à 50 % les accords d’entreprise sur le temps de travail, le repos et les congés. De même, les accords de performance collective créés par les ordonnances ou encore la rupture conventionnelle collective (RCC), qui a servi de test pour cette nouvelle règle de majorité. Avec, tantôt, son approbation par au moins 50 % des syndicats comme ce fut le cas chez PSA ou, au contraire, son refus chez Pimkie. La loi Travail avait prévu la généralisation de cette règle de validation à 50 % à compter du 1er septembre 2019. Mais d’ici cette date, les entreprises souhaitant valider un accord portant à la fois sur le temps de travail et les salaires rencontraient un problème. Quelle règle de validation lui appliquer ? À 50 % des OS représentatives, ou non ? Désormais, la question est tranchée.

Hiérarchie inversée

La généralisation au 1er mai de la règle à 50 % ne vient pas seulement régler ce problème. Dans l’esprit des ordonnances réformant le Code du travail, elle est un verrou apposé aux marges de manœuvre nouvelles données à la négociation au niveau de l’entreprise, par rapport à la loi, à l’accord de branche ou interprofessionnel. C’est en ce sens que les ordonnances ont particulièrement détonné et nourri des craintes, car la hiérarchie des normes est inversée. « Avant la réforme, l’articulation entre accord de branche et accord d’entreprise était, sauf exceptions, régie par le principe de faveur », expliquent Aurélie Cormier Le Goff et Charlotte Michaud, avocates du cabinet Flichy Grangé. « L’accord d’entreprise ne pouvait être moins favorable que les clauses des accords de branche », rappellent ces avocates expertes en droit social.

Désormais, l’articulation est la suivante : 13 thèmes fondamentaux du droit du travail ont été en quelque sorte sanctuarisés, en conservant la primauté légale de l’accord de branche ou interprofessionnel. Au niveau de l’entreprise, on ne peut ainsi déroger aux salaires minimums, aux règles régissant les périodes d’essai ou le recours au CDD, etc., qui restent verrouillés. Sur quatre autres thématiques, dont l’emploi des travailleurs handicapés, par exemple, les branches ont la possibilité de déverrouiller, pour donner plus de souplesse au niveau local. Les accords d’entreprise pourront déroger à la règle commune, mais seulement si la branche le permet (voir plus loin).

Sans quoi, pour tout le reste, l’accord d’entreprise prévaut désormais. « L’accord d’entreprise peut dire, ici, il n’y a pas de treizième mois, il n’y a pas de prime d’ancienneté, parce que cela ne correspond pas à la politique salariale de l’entreprise », détaille par exemple Aurélie Cormier Le Goff. Quand bien même une convention collective de branche le prévoyait. Depuis le 1er janvier 2018, les clauses des accords de branche ou interpro cessent de produire leurs effets vis-à-vis des accords d’entreprise ayant ces mêmes objets, parmi lesquels figurent encore les indemnités de licenciement, les congés. La règle générale est désormais que la convention de branche s’applique uniquement en l’absence d’accord d’entreprise. « Cela veut dire aussi qu’il pourra y avoir une grande diversité des statuts selon les entreprises », anticipe Aurélie Cormier Le Goff. C’était justement la volonté d’Emmanuel Macron et de Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, que de pouvoir fixer plus de règles « au plus près de la réalité du terrain ».

Une réalité différente selon les entreprises

Un big bang en perspective ? Avec un risque de dumping social à la clé ? Lors de l’élaboration des ordonnances, les adversaires de la réforme ont crié au loup très fort à ce sujet. Le président de l’ANDRH, Jean-Paul Charlez ne croit cependant pas à ce risque, étant donné la nouvelle règle de validation des accords d’entreprise. « Si l’accord est moins disant, pourquoi voulez-vous qu’un syndicat le signe ? », interroge Jean-Paul Charlez, selon qui « la validation à 50 % va responsabiliser tout le monde ». Pour l’ANDRH, la réforme a fait preuve de « pragmatisme », en décentralisant quantité de sujets de négociation au niveau local. « D’autant que les branches sont généralement pilotées par les grandes entreprises, dont les réalités ne sont pas les mêmes que les plus petites », rappelle Jean-Paul Charlez. Et de l’autre côté de la table, « les syndicats peuvent être plus dogmatiques à ce niveau qu’ils ne le sont dans les entreprises », développe-t-il. « Le travail du dimanche offre un bon exemple. Si vous traitez cette question au niveau des entreprises, vous pouvez trouver facilement des solutions. Mais au niveau national, vous n’en trouverez pas. Et au niveau de la branche, ce sera compliqué », observe le patron de l’ANDRH. Pour rappel, 42 200 accords entre employeurs et représentants du personnel ont été signés en 2016. Avec ces nouvelles règles, donnant plus de marges de manœuvre, le dialogue social au niveau local va-t-il connaître un coup de fouet ? Ou, au contraire, la validation à 50 % va-t-elle faire baisser le nombre d’accords d’entreprise ?

Auteur

  • Hugo Lattard