« C’est maintenant ! », s’exclame Olivier Leclerc, Innovation & Intrapreneurship Catalyst, selon sa carte de visite, chez Safran. Ce que veut dire par là ce docteur en électronique de l’université de Sophia-Antipolis, c’est que les marchés dans lesquels évolue Safran – aéronautique, défense, sécurité, espace – ont beau être porteurs, pas question de se reposer pour autant. « Dans trois ans, il sera trop tard », prévient-il. Mieux vaut donc « s’entraîner dès aujourd’hui pour demain ». Demain, défis et enjeux seront encore plus grands. Demain, l’innovation sera, encore plus qu’aujourd’hui, au cœur de l’activité des entreprises, et même gage de leur survie.

Olivier Leclerc est un précurseur. Il a été directeur de l’Open Innovation et de l’intrapreneuriat chez Alcatel Lucent, dès 2008. « Cela a été l’un des premiers grands groupes à se doter d’une telle structure », indique-t-il. Pas étonnant qu’après avoir rejoint l’entité Aircraft Engines de Safran pour, précisément, y stimuler l’intrapreneuriat, il ait proposé ses services à la direction de l’innovation du groupe tout entier. Et depuis 2016, il y occupe donc ce poste de catalyseur d’innovation.

Pour stimuler les initiatives personnelles et les inventions de toutes sortes, Olivier Leclerc a lancé plusieurs actions. Un Fab Lab, à Saclay, sur l’un des sites d’ingénierie de l’entreprise, où n’importe qui, quelle que soit sa position hiérarchique, peut venir, y compris avec un projet personnel, pour faire fabriquer un objet ; des conférences mensuelles sur des thèmes innovants qui permettent, là aussi, de décloisonner et de « vivre ensemble » un moment d’acquisition de connaissances et de réflexion ; une bourse aux idées, mettant au défi tous les collaborateurs pour qu’ils fassent des propositions, puis une fois certaines sélectionnées, les approfondissent, jusqu’à la réalisation de prototypes. Sans oublier, bien sûr, l’intrapreneuriat, permettant à un collaborateur d’incuber un projet à l’intérieur du groupe, et qui sera lancé prochainement.

Si Raphaëlle Giovannetti, la Senior Vice President HR Development du groupe, se souvient d’avoir eu à rassurer des managers, inquiets à l’idée de voir partir un membre de leur équipe en intrapreneuriat, elle note avant tout que « faire sortir les gens de leur univers est un extraordinaire facteur d’innovation ». Olivier Leclerc relève, lui, qu’aujourd’hui, le Fab Lab réunit déjà, quelques mois seulement après son lancement, 20 à 50 personnes par semaine « qui apprennent ensemble ». Et que quelque 500 salariés assistent aux conférences sur l’innovation tous les mois.

Mais surtout, au-delà d’autres aspects, encore peu quantifiés aujourd’hui, ou essentiellement techniques, ce que le Catalyseur remarque, dans sa pratique de stimulation de l’innovation, c’est l’amorce d’un changement d’état d’esprit et de culture dans le groupe, ou, en tout cas, la promesse d’une telle évolution. « Si l’intrapreneuriat connaît un tel engouement en France, c’est parce que cela permet d’ouvrir une brèche vis-à-vis d’un système encore trop vertical dans les entreprises », avance-t-il, pour ajouter : « Ces méthodes d’innovation ont valeur de test, le top management doit s’en saisir et miser sur l’intelligence collective. » Il en va de l’intérêt de tous : des collaborateurs, qui vont gagner en confiance. Des managers, qui vont faire de même. De l’entreprise, qui va pouvoir vendre de nouveaux produits ou services, et même de l’économie tout entière, puisqu’en offrant à la fois autonomie et garanties du salariat, l’intrapreneuriat pourrait accélérer les initiatives individuelles.