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Emploi : Relever le défi des compétences

Le point sur | Le défi des compétences | publié le : 16.04.2018 | Hugo Lattard

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Emploi : Relever le défi des compétences

Crédit photo Hugo Lattard

Comment mettre en adéquation l’offre et la demande de compétences ? Pour répondre aux besoins des entreprises, le gouvernement mise notamment sur son plan d’investissement dans les compétences et sur la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Les employeurs gagnent aussi à anticiper leurs besoins dans le cadre de la GPEC.

Pour les entreprises, la question des compétences est plus stratégique que jamais. Avec la consolidation de l’activité et les créations d’emplois qui s’ensuivent depuis des mois, des tensions se font jour sur le marché du travail, notamment sous forme de difficultés de recrutement auxquelles sont de plus en plus confrontées les entreprises. Selon l’Insee, 32 % d’entre elles, sondées en octobre 2017, affirmaient que le manque de compétences disponibles sur le marché était une barrière à l’embauche, voire un frein à leur développement, et un motif de renoncement à une commande.

Pourtant, la France se caractérise par un taux de chômage élevé. Avec, en février, encore 3,57 millions de demandeurs d’emploi de catégorie A (n’ayant exercé aucune activité au cours du mois écoulé), il est tentant de conclure à l’inadéquation entre l’offre et la demande de compétences sur le marché du travail, entre la formation et le niveau de qualification des candidats, et les profils recherchés par les employeurs : le fameux skill mismatch qui singularise notre pays.

Selon l’OCDE, 44 % des actifs français ont un niveau de diplôme qui ne correspond pas à l’emploi qu’ils occupent, avec plus de surqualifiés (31 %) que de sous-qualifiés (14 %), quand la moyenne OCDE est à 34 %. Et 42 % des actifs français ont une qualification qui ne correspond pas à l’emploi occupé, quand la moyenne OCDE est à 38 %.

15 milliards sur cinq ans

Pour favoriser l’adéquation entre besoins et offres de compétences sur le marché du travail, le gouvernement s’est notamment lancé dans une réforme de la formation professionnelle. « Les compétences, demain, c’est ce qui fera la différence d’une entreprise à une autre, d’une nation à une autre », a prophétisé Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, lors de la présentation à la presse de l’avant-projet de loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, le 6 avril. « Il est nécessaire de donner aux entreprises les moyens de trouver et développer ces compétences. Et aussi, pour tous les actifs, de donner les moyens de se former », a fait valoir Muriel Pénicaud.

Outre une réforme de l’apprentissage également prévue dans le projet de loi, le gouvernement mise aussi sur son plan d’investissement dans les compétences. Un plan de 15 milliards d’euros sur cinq ans, visant d’abord à former un million de jeunes et un million de demandeurs d’emploi peu qualifiés. Avec un volet numérique, dévoilé la veille, le 5 avril, à Roubaix. Muriel Pénicaud, Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique et Estelle Sauvat, haut commissaire à la transformation des compétences, ont promis 10 000 formations aux métiers du numérique. En partenariat avec des entreprises du secteur (IBM, Accenture, Capgemini, Linagora, Econocom, Computacenter, CGI, le List de CEA Tech), et leur syndicat, Syntec Numérique.

Apprendre à apprendre

Gare, cependant, à ne pas trop attendre de ce nouveau plan de formation. Les effets sur le chômage des plans successifs d’investissement dans les compétences sont jusqu’à présent somme toute limités, « quand ils ne conduisent pas à dégrader relativement un peu plus la situation des profils les moins diplômés », prévient Morad Ben Mezian, auteur d’un rapport sur le recrutement des entreprises pour le réseau Emplois compétences de France Stratégie.

Pour une majorité d’employeurs, l’adéquation entre la formation et le poste à pourvoir n’est pas le principal critère de recrutement. D’abord parce que « qualification et compétences ne sont pas la même chose », rappelle Morad Ben Mezian. Et bien souvent, les employeurs ne s’y trompent pas. Dans une étude, en juin 2016, Pôle emploi les avait sondés à ce sujet. Pour 46 % d’entre eux seulement, la formation était un des premiers critères de recrutement, contre 64 % pour des compétences transversales, comme la polyvalence ou la capacité d’adaptation. Et, plus encore depuis, la capacité à apprendre est perçue comme la compétence clé. Avec les bouleversements de l’emploi impulsés par la transition digitale, les compétences recherchées au moment de l’embauche ne sont plus forcément celles attendues quelques années plus tard à peine. Quand ce n’est pas tout simplement le métier qui, demain, risque de disparaître ou de changer. Dans ce contexte, apprendre à apprendre est d’autant plus nécessaire. Que chacun en soit capable, plutôt que d’être bardé de diplômes ou de faire valoir telle compétence particulière, c’est le moyen privilégié pour progresser. Et c’est la principale conclusion du rapport sur la « société apprenante » confié au directeur du Centre de recherche interdisciplinaire (CRI), François Taddei.

Une anticipation nécessaire

Pour les entreprises, afin d’éviter une pénurie de talents, il s’agit de mettre en place un processus efficace de développement des carrières, avec l’identification des talents à potentiel, des évaluations régulières des compétences techniques et des soft skills des collaborateurs. Et le plus en amont possible, déterminer les besoins et les moyens de les satisfaire. C’est tout l’enjeu de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). Car, bien souvent, « la focalisation et les exigences des employeurs sur le diplôme ou l’expérience passée viennent compenser un manque d’identification et d’anticipation des compétences dont ils ont besoin », observe Morad Ben Mezian, de France Stratégie.

Selon le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), à peine 15 % des entreprises font de la gestion prévisionnelle des compétences. Et il s’agit essentiellement des plus grandes d’entre elles. Dès lors, pour améliorer l’adéquation sur le marché du travail, outre un plan d’investissement dans les compétences, il faudrait aider aussi les entreprises qui n’en ont pas les moyens à déterminer et anticiper leurs besoins.

Des besoins en GPEC et en accompagnement

Les difficultés de recrutement actuelles trahissent-elles une carence dans la GPEC ? La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est en effet destinée à permettre aux entreprises d’anticiper leurs besoins en ressources humaines. En adaptant les emplois, les effectifs et les compétences aux exigences issues de leurs stratégies. Et en déterminant les moyens de pourvoir ces besoins, qu’il s’agisse de recourir à la formation, l’apprentissage, la mobilité interne, ou à des recrutements externes. Tous les trois ans, les entreprises d’au moins 300 salariés (ou les entreprises de dimension communautaire employant au moins 150 salariés en France) ont l’obligation de négocier la GPEC. Les négociations doivent porter sur les trois volets suivants : les modalités d’information et de consultation des IRP sur la stratégie de l’entreprise et ses effets prévisibles sur l’emploi, d’une part ; la mise en place d’un dispositif de GPEC, ainsi que les mesures d’accompagnement associées, autrement dit les outils d’anticipation des évolutions des métiers et des compétences – validation des acquis de l’expérience (VAE), bilans de compétences, etc. ; et les conditions d’accès et de maintien dans l’emploi des salariés âgés et de leur accès à la formation professionnelle, enfin. Mais toutes les entreprises n’ont pas les moyens de faire de la GPEC, loin s’en faut. Les plateformes RH peuvent cependant aider les plus petites entreprises dans cette démarche.

Auteur

  • Hugo Lattard