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Florent Millot : La chronique juridique d’avosial

Chroniques | publié le : 02.04.2018 | Florent Millot

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Florent Millot : La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Florent Millot

Contenu d’ordre personnel dans un cadre professionnel Quel accès, quelle utilisation par l’employeur ?

Cette question

se pose de plus en plus fréquemment en raison du développement des technologies de communication, qui gomment la frontière entre le professionnel et le personnel, et du principe selon lequel le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée.

Le contexte est le suivant :

un employeur prend connaissance d’un contenu dans un cadre professionnel, qui présente sous certains aspects une connotation privée. L’enjeu tient à la possibilité pour l’employeur de faire usage de ce contenu, c’est-à-dire que ne lui soit pas refusée la production en justice du contenu pour justifier une mesure prise sur ce fondement, voire que la production l’expose à des poursuites pénales compte tenu d’une atteinte à l’intimité de la vie privée.

Premier principe :

en cas de dispositif de contrôle de l’activité des salariés mis en place par l’employeur, les représentants du personnel doivent être informés et consultés (art. L. 2312-38 du Code du travail) et le dispositif porté préalablement à la connaissance des salariés (art. L. 1222-4). L’employeur doit s’assurer que le dispositif respecte le règlement général sur la protection des données en mettant en œuvre, le cas échéant, l’analyse d’impact relative à la protection des données des salariés. Ces règles ne trouvent pas à s’appliquer en cas de contrôle ponctuel, hors dispositif institutionnalisé ou de prise de connaissance fortuite d’un contenu.

Deuxième principe :

l’accès au contenu des outils professionnels mis à disposition du salarié : le contenu de ces outils est présumé avoir un caractère professionnel. Seule exception : si les dossiers, fichiers, courriels sont expressément identifiés par une mention telle que « personnel » ou « privé ». Pour les courriels, l’identification peut résulter de l’intitulé (référence aux vacances, formulation familière… CA Toulouse, 6 février 2003, n° 02-2519). Sans l’une de ces mentions, l’accès de l’employeur reste libre : contenu de la clé USB appartenant au salarié mais connectée à l’ordinateur de l’entreprise (Soc. 12 fév. 2013, n° 11-28.649), conversations Facebook dont l’employeur a pris connaissance par une session laissée ouverte sur l’ordinateur professionnel (CA Toulouse, 2 février 2018, n° 16/044882), dossier ayant pour intitulé les seules initiales du salarié (Soc. 21 octobre 2009, n° 07-43.877).

Seule réserve apportée : le cas où le salarié a identifié comme personnel l’intégralité du disque dur ou du dossier « mes documents » de son ordinateur professionnel (Soc. 4 juillet 2012, n° 11-12.502). En ce cas, l’accès par l’employeur demeure possible.

S’agissant du contenu « personnel » ou « privé », l’employeur ne peut ouvrir les fichiers ou messages, sauf en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé (Soc. 17 juin 2009, n° 08-40.274).

Troisième principe :

l’utilisation du contenu. Même non identifié comme personnel ou privé (ce qui lui aura permis d’y accéder), l’employeur ne peut produire en justice un contenu qui relève de la vie personnelle du salarié (Soc. 18 octobre 2011, n° 10-25.706 ; Soc. 5 juillet 2011, n° 10-17.284), même les messages personnels accessibles en présence du salarié.

Quid du message au contenu mixte (professionnel et personnel) ?

La Cour de cassation ne semble interdire la production de messages que lorsque leur contenu est exclusivement d’ordre privé et qu’elle n’est pas indispensable à la preuve dans le cadre du litige. La production de messages au contenu partiellement rattachable à la sphère professionnelle semble donc admise. À titre d’exemple, a été admis comme élément de preuve le courriel adressé par un salarié à sa compagne, dans lequel il insulte sa hiérarchie et annonce son absence à son poste de travail l’après-midi (Soc. 2 fév. 2011, n° 09-72.313). Il convient cependant d’être prudent dans l’utilisation des contenus mixtes, le point d’équilibre entre ce qui est professionnel et personnel restant difficile à évaluer.

Auteur

  • Florent Millot