À partir de 2020, un outil de calcul gratuit sera mis à la disposition des entreprises de plus de 50 salariés pour leur permettre d’identifier les écarts de rémunérations.
C’est l’une des mesures phares annoncées par le gouvernement le 8 mars 2018, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, pour « assurer enfin l’égalité salariale ». Un logiciel commun, libre de droit, va être mis en place et proposé aux entreprises afin de les aider à mettre en évidence les écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes. Car malgré une législation régulièrement renforcée en faveur de l’égalité, la différence de rémunérations persiste entre les hommes et les femmes, dont 9 % restent inexpliquées. Pour y remédier, le Premier ministre, Édouard Philippe, a déclaré vouloir passer « d’une obligation de moyens à une obligation de résultat ».
L’outil sera déployé à partir de 2019 dans les entreprises de plus de 250 salariés et dans celles de 50 à 249 salariés d’ici à 2020. Si un écart de salaire injustifié est constaté entre deux collaborateurs, l’entreprise aura trois ans pour corriger le tir. À cet effet, elle devra avoir prévu une enveloppe de rattrapage dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire. À défaut de réajustement, une pénalité financière lui sera appliquée, pouvant atteindre 1 % de sa masse salariale.
L’idée s’inspire du modèle suisse. Pionnier dans ce domaine, le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes helvète met à la disposition des entreprises un outil d’autocontrôle de leurs pratiques salariales depuis 2006. Cet instrument de mesure, baptisé Logib (Lohngleicheit im Betrieb), permet de pointer du doigt les différences de salaire entre les femmes et les hommes ayant des caractéristiques individuelles et professionnelles similaires au sein d’une organisation. Il prend en compte des facteurs objectifs permettant de prédire le salaire comme la formation, l’expérience professionnelle, les années d’ancienneté ainsi que des facteurs liés au poste de travail tel que le niveau de compétences et la position professionnelle. Le sexe est inclus dans la fonction de régression comme une variable indépendante supplémentaire. En l’absence d’inégalité salariale entre femmes et hommes, celle-ci n’a pas d’incidence significative sur le salaire. En revanche, le logiciel ne prend pas en compte la branche économique, le temps partiel et la performance individuelle. Des éléments qui mériteraient d’être pris en compte.
Pour Denis Lesigne, directeur capital humain chez Deloitte, le système devrait être utilisé en parallèle des autres études. Car s’il met en lumière les différences de rémunérations, le programme informatique ne donne pas une analyse explicative de leur origine. « Par exemple, certains écarts ne sont pas dus à un sous-paiement mais à l’exclusion des femmes sur certains emplois, souligne-t-il. Le logiciel est un outil de mesure, non un élément de progrès ».
À noter que si le futur logiciel français est calqué sur Logib, ce dernier admet un seuil de tolérance de 5 % au-delà duquel, seulement, l’écart de salaire est réputé non justifié et donc discriminatoire. Or le bilan commandité par la Dares sur les accords et plans d’actions égalité hommes-femmes, présenté le 6 mars dernier, montre que les entreprises ont tendance à considérer « comme acceptable » un écart de 5 % à 10 %. Et à s’estimer, à tort, bonnes élèves.
Pour mettre un terme aux inégalités de rémunérations entre les femmes et les hommes, à travail égal, le gouvernement a présenté une série de propositions :
• Mise à disposition des entreprises d’un logiciel de calcul commun.
• Partage auprès des élus et des délégués syndicaux des critères retenus pour justifier des écarts (âge, ancienneté, diplôme…) et des résultats par catégorie de poste et par la publication d’un écart global sur le site Internet de l’entreprise dans un souci de transparence.
• Obligation pour les entreprises non conformes de consacrer une part significative de l’enveloppe d’augmentation salariale à la résorption des écarts de salaires d’ici à trois ans.
• Délibération obligatoire des instances de gouvernance sur la politique d’égalité salariale et ses résultats à poste équivalent pour les entreprises au-delà d’une certaine taille.
• Prise en compte par les négociateurs de branche de l’objectif d’égalité professionnelle, notamment salariale, et de mixité des emplois.