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Emploi : Des contrats de travail de plus en plus courts

Le point sur | publié le : 19.03.2018 | Hugo Lattard

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Emploi : Des contrats de travail de plus en plus courts

Crédit photo Hugo Lattard

Depuis le début des années 2000, le poids des contrats courts dans l’emploi en France s’est stabilisé autour de 15 %. Mais cette stabilisation a masqué une diminution continue de la durée des contrats. Dans chaque branche professionnelle, d’ici la fin de l’année, les partenaires sociaux doivent s’entendre pour trouver les moyens d’inverser la tendance.

Pour les employeurs, les contrats courts répondent à de multiples besoins. Dans une étude récente, parue en octobre 2017, la Dares a sondé les entreprises sur leurs raisons de recruter en CDD plutôt qu’en CDI. Près de 7 sur 10 (69 %) ont invoqué un besoin limité dans le temps. Mais plus de 6 sur 10 (65 %) ont également invoqué le besoin d’évaluer les compétences de la personne. Soit un recours au CDD en guise de période d’essai, même si ce n’est pas un motif juridique de recours adéquat. 56 % ont invoqué le besoin de limiter les risques s’ils devaient faire face à un retournement de l’activité, plusieurs raisons pouvant être données. Tandis que 45 % ont indiqué avoir souhaité ainsi éviter la réglementation associée au CDI. Ces chiffres de la Dares ont été évoqués lors du séminaire « Politiques de l’emploi-interactions de l’économique et du juridique », sur le thème des contrats courts, organisé le 9 mars 2018 au ministère des Solidarités et de la Santé.

Un sas d’entrée sur le marché du travail

Avec la reprise, les entreprises françaises se montrent plus enclines à recruter en CDI. Au 4e trimestre 2017, selon l’Acoss, les embauches en CDI ont même progressé plus vite sur un an (+ 14,5 %) que celles en CDD (+ 2,5 %). Les CDD n’en demeurent pas moins le principal sas d’entrée sur le marché du travail, avec plus de trois quarts des embauches par ce biais. Sauf pour les cadres, dont 70 % des recrutements se font en CDI. Cependant, depuis le début des années 2000, la part des contrats courts – CDD plus intérim – dans l’emploi salarié ne progresse plus, stabilisée autour de 15 %, un niveau qui place la France dans la moyenne européenne. Bien loin de l’Espagne, où les contrats à durée limitée pèsent près de 30 % de l’emploi. Tandis qu’en Allemagne, leur part est inférieure à 15 %. Il n’y a donc pas de préférence particulière des employeurs en France pour les CDD. « Si spécificité il y a, elle est dans le recours aux contrats très courts », a cependant pointé l’économiste Gilbert Cette, qui coprésidait ce séminaire. Si la part des CDD est restée stable, « celle des emplois de moins d’un mois, et même de moins d’une semaine, a très fortement augmenté », a appuyé Corinne Prost, chercheuse affiliée au Crest, adjointe à la directrice de la Dares. Depuis le début des années 2000, la part des contrats de moins d’un mois a été multipliée par deux. « Pour atteindre 40 % des embauches à la fin 2017 », a-t-elle détaillé. En fait, en France, la stabilisation des CDD a masqué une diminution continue de la durée des contrats. À l’aune des contrats de moins d’un mois, la France se situe cette fois dans le peloton de tête des pays européens. Deuxième de la zone euro, juste derrière l’Espagne. Tandis qu’aux États-Unis, au contraire, ces contrats très courts ont eu tendance à diminuer.

Une part importante de réembauche

Les contrats très courts sont concentrés dans quelques secteurs d’activité. Huit d’entre eux – l’hébergement et la restauration, les activités de services administratifs, le commerce, le transport et l’entreposage, l’hébergement médico-social, les arts et spectacles, la fabrication de denrées alimentaires – totalisent 70 % des contrats de moins d’un mois, selon les données de l’Acoss. Autre caractéristique, ces contrats très courts se font plus souvent chez le même employeur. La part des réembauches dans la même entreprise étant deux fois plus importante pour les contrats de moins d’un mois que pour ceux de plus d’un mois. Des réembauches successives, non sans raisons, souvent. Ainsi, dans le secteur médico-social, au sein des Ehpad, étant donné la forte dépendance des pensionnaires, les aides soignant(e) s n’ont pas la tâche facile. Le turnover est si élevé dans ce secteur que les employeurs n’ont d’autre choix que de multiplier les contrats de remplacement.

Dans une note pour le Conseil d’analyse économique (CAE), Pierre Cahuc et Corinne Prost liaient aussi cette préférence française pour les contrats très courts au régime de l’Assurance chômage. Dont deux caractéristiques « favorisent le développement de l’emploi instable », estimaient-ils. « Premièrement, la possibilité de cumuler allocation chômage et salaire. Deuxièmement, les entreprises ne sont pas incitées à prendre en compte le coût qu’elles font peser sur les comptes de l’Assurance chômage lorsqu’elles ont fréquemment recours au contrat très court », observaient Corinne Prost et Pierre Cahuc. Les contrats très courts coûtent en effet à l’Assurance chômage. Dans la mesure où ils génèrent « trois fois plus de dépenses que de cotisations », a indiqué Patricia Ferrand, la présidente de l’Unédic, intervenant également au séminaire Politiques de l’emploi. Toutefois, dès lors que ces CDD de moins d’un mois ne pèsent pas plus de 1 % de la masse salariale, leur explosion « a un impact relativement limité sur l’équilibre financier de l’Assurance chômage », a relativisé Patricia Ferrand.

L’idée de désinciter les employeurs à recourir aux contrats très courts, sous forme d’un « bonus-malus », a été réaffirmée lors des négociations sur la réforme de l’Assurance chômage. Mais les réticences patronales l’ont emporté. Au final, l’accord national interprofessionnel (ANI) du 22 février ne comporte pas de « bonus-malus ». Les partenaires sociaux sont en revanche convenus d’ouvrir des négociations, dans chaque branche professionnelle. Pour faire un diagnostic de la situation d’abord. Et déterminer ensuite « les mesures permettant de modérer le recours aux contrats courts et d’allonger les durées d’emploi », d’ici la fin de l’année. Sans quoi, le gouvernement prendrait la main, pour instaurer « un bonus-malus ». « Par décret, au début de l’an prochain », a précisé depuis à ce sujet Muriel Pénicaud, la ministre du Travail.

Pourquoi les employeurs recrutent en CDD plutôt qu’en CDI ?

Sondés par la Dares, près de sept employeurs sur dix (69 %) ont invoqué un besoin limité dans le temps pour justifier un recours au CDD. Mais pour plus de six employeurs sur dix (65 %), le recours au CDD est aussi le moyen de tester les compétences du salarié, avant de le recruter durablement. Autrement dit en guise de période d’essai. Ce qui n’est pourtant pas un motif juridique de recours prévu pour le CDD. La volonté de limiter les risques d’une embauche en cas de retournement de l’activité et l’habitude de recruter en CDD sur ce type de poste, sont évoquées dans les mêmes proportions (56 %). Tandis que la volonté d’éviter la réglementation associée au CDI, en particulier les difficultés et les coûts de licenciement, a été évoquée par 46 % des employeurs. Toutefois, ces réponses varient selon la taille des entreprises. Ainsi, ce sont celles de moins de 10 salariés, qui ne sont pas dotées d’un service RH, qui invoquent le plus le souci d’éviter les contraintes du CDI (55 %, contre 33 % des entreprises d’au moins 10 salariés). Et les réponses changent aussi au gré des secteurs d’activité. Dans le secteur de la construction, par exemple, est plus fréquemment évoqué le besoin de tester les compétences de la personne avant de la recruter durablement, selon la Dares. De même que le souci de limiter les risques en cas de ralentissement de l’activité. Au contraire, les employeurs des services aux particuliers ou de la santé invoquent plus souvent l’habitude de recruter en CDD sur le poste considéré.

Auteur

  • Hugo Lattard