Nicole Notat et Jean-Dominique Senard ont remis leur rapport, intitulé « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », à Bruno Le Maire, le 9 mars dernier. Les deux auteurs offrent une série de recommandations, qui pourraient être incluses dans le projet de loi Pacte présenté le 18 avril 2018. Revue des principales propositions.
Quelque 200 personnes interrogées sur deux mois : les deux chefs d’entreprise, Nicole Notat, Pdg de Vigeo Eiris, et Jean-Dominique Senard, président du groupe Michelin, accompagnés d’une équipe de rédacteurs, n’ont pas chômé avant de remettre – comme ils l’ont fait officiellement le 9 mars 2018 devant les caméras – leur rapport, intitulé « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », au ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, accompagné de Muriel Pénicaud, ministre du Travail, de Nicole Belloubet, ministre de la Justice, et de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique. Un rapport commandé par le gouvernement, afin de répondre à « la volonté du président Macron de redéfinir la place de l’entreprise dans la société », comme l’a indiqué le ministre de l’Économie, et ce, d’autant que le regard des citoyens sur l’entreprise évolue – et va plutôt vers « une dépréciation de son image », comme l’a souligné Nicole Notat. Sans oublier des enjeux autrement plus larges, tels que l’environnement, et qui impliquent évidemment l’activité des entreprises.
Que propose le rapport, d’une centaine de pages ?
Pour le rendre plus conforme aux nouvelles réalités. Étant donné que c’est l’article 1833 qui, dans le Code, définit l’objet social des entreprises, Nicole Notat et Jean-Dominique Senard proposent de l’amender avec la phrase suivante : « La société doit être gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. »
La deuxième recommandation des rapporteurs est de confier aux conseils d’administration et de surveillance la formulation d’une « raison d’être » de l’entreprise, visant à guider sa stratégie en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux. À cet égard, le président de Michelin a détaillé celle du groupe : « Offrir à chacun une meilleure façon d’avancer », qui englobe aussi bien la mobilité et le transport que l’évolution professionnelle et personnelle.
Cette notion serait accessible à toutes les formes juridiques de sociétés. Pour cela, il faudra simplement faire voter les actionnaires sur une modification des statuts et remplir certains critères, dont par exemple l’existence d’un « comité d’impact doté de moyens et éventuellement composé de parties prenantes », précise le rapport. « Des représentants de salariés, d’ONG, de sous-traitants, de fournisseurs », a détaillé Jean-Dominique Senard.
En augmentant, à partir de 2019, pour les sociétés de plus de 1 000 collaborateurs, le nombre des administrateurs salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance à deux salariés à partir de huit administrateurs non-salariés et à trois salariés à partir de treize administrateurs non-salariés, contre respectivement un et deux aujourd’hui. « Ce dispositif, s’il est adopté, touchera également les SAS et les mutuelles », a précisé Nicole Notat.
Autant de propositions de nature à affranchir les entreprises du court-termisme, voire de la dictature des actionnaires et de la Bourse, au profit d’une attitude plus responsable, qui aura également la vertu de stimuler l’engagement des salariés et leur productivité. Et autant de propositions qui, si elles sont retenues, ce qu’espèrent évidemment les deux rapporteurs, seront incluses dans un projet de loi plus vaste sur les entreprises – le projet de loi Pacte visant à épauler les petites entreprises et celles de taille moyenne, de même qu’à mieux associer les salariés aux résultats – qui doit être présenté au Conseil des ministres du 18 avril prochain.