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Chroniques

Que faisons-nous de notre seul capital sur terre ?

Chroniques | publié le : 19.03.2018 | Philippe Détrie

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Que faisons-nous de notre seul capital sur terre ?

Crédit photo Philippe Détrie

Philippe Détrie La maison du management

Imaginez

que, chaque matin, une banque vous ouvre gratuitement un compte de 86 400 euros. Gratuitement, et vous en avez la totale disposition. Jackpot, isn’t it ?

Simplement il y a deux règles à respecter.

La première règle est que tout ce que vous n’avez pas dépensé dans la journée vous est repris le soir. Vous ne pouvez pas économiser, vous ne pouvez pas épargner ni virer cet argent sur un autre compte, vous ne pouvez que le dépenser. Tout ce qui n’est pas dépensé est perdu.

Deuxième règle : la banque peut interrompre cette donation quotidienne sans préavis. À n’importe quel moment, elle peut vous dire que c’est fini, qu’elle ferme le compte et qu’il n’y en aura plus jamais d’autre.

Que feriez-vous ?

À mon avis, vous dépenseriez chaque jour tous vos sous à vous faire plaisir et à offrir quantité de cadeaux à ceux que vous aimez et même aux autres puisque le solde disparaît à la fin de la journée. Vous utiliseriez chaque euro jusqu’au dernier pour faire la fête et donner sans compter.

En fait, cette banque magique existe vraiment. Et nous en disposons tous : c’est le temps ! Chaque matin au réveil, nous sommes crédités de 86 400 secondes de vie pour la journée et lorsque nous nous endormons le soir, il n’y a pas de report. Application de la première règle : ce qui n’a pas été vécu dans la journée est perdu, hier vient de passer. Deuxième règle : si chaque matin cette magie recommence, elle peut s’arrêter brutalement. Nous jouons avec cette règle incontournable : à tout moment, la vie peut s’arrêter. Et vous : que faites-vous chaque jour de ces 86 400 secondes quotidiennes ?

« Ô temps, suspend ton vol ! »

Lamartine déploie, plus loin dans son poème Le lac, ce rêve en une exhortation très concrète : « Que faites-vous des jours que vous engloutissez ? » (dire qu’il s’appelait Alphonse, je sais que le rapprochement est nul mais je ne peux pas m’en empêcher !). Oui, que faisons-nous de nos journées qui défilent à une allure débridée ? Si c’est pour notre épanouissement, banco ! Sinon, il est temps de mettre de l’ordre dans sa vie, et du calme et de la volupté comme nous y invite un autre poète bien connu.

Heureux les retraités qui vivent en une heure 3 activités de 20 minutes alors que nous managers, courons dans le même temps après 20 actions de 3 minutes !

La tyrannie de l’immédiateté, la culture de l’urgence, l’accélération exponentielle nous rongent car nous les subissons la plupart du temps. Le rapport au temps revêt aujourd’hui une acuité mordante. Alors que le paradoxe est que tous les outils sont à notre disposition pour gagner du temps, pour prendre du temps, celui-ci nous fait de plus en plus défaut.

Notre management asservit le temps.

Les transformations sociales, économiques, technologiques doivent se conduire de plus en plus vite, la réactivité impose l’immédiateté, l’urgence prescrit la boulimie de l’action. Le temps est la variable au dénominateur de toute mesure d’efficacité. La victoire revient à celui qui maîtrise le temps ! Mais est-ce le temps imposé (par les clients, les actionnaires, la concurrence…) ou le temps libre ?

Prenez le temps.

Prenez le temps de relire cette chronique, savourez, méditez la réponse du petit prince au marchand de pilules contre la soif fier de sa « grosse économie de temps » : « Moi, se dit le petit prince, si j’avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine… ».

Et décidez ce que vous allez faire demain de vos 86 400 secondes.

Auteur

  • Philippe Détrie